L’arrêté N°23-04 du ministre des Affaires islamiques rend obligatoire le prêche du vendredi en langue arabe, et prévoit de sanctionner par une amende, voire une peine de prison, aux contrevenants. Une mesure censée «instaurer la paix et la stabilité dans le pays », croit savoir le directeur des Affaires islamiques de l’île de Ndzuani. «Nous devons savoir que chaque vendredi, est une fête des musulmans qui doit rappeler les événements de la semaine, les leçons à tirer et les bonnes pratiques à apprendre.
L’importance du hutba est qu’un message passe selon une thématique choisie. En ce qui concerne l’arrêté, il ne doit en aucun cas y avoir des polémiques. C’est une décision commune de toutes les parties à savoir le cabinet du ministère, le muftorat et les ulémas. Il ne doit pas y avoir des polémiques sur ce sujet», argumente Karim Riziki Emile.
Il faut dire déjà que peu de mosquées dans l’île pratiquaient un prêche du vendredi en langue locale, mais les quelques-unes qui le font sont celles fréquentées par la communauté appelée «djaoula», ces fidèles musulmans de tendance wahhabite.
L’autorité religieuse nationale
Les membres de cette communauté qui ont été approchés par Al-watwan n’ont pas souhaité s’exprimer sur ce sujet. Sans doute se sentent-ils visés, aussi bien par cette décision que par d’autres (interdiction par exemple pour eux d’avoir leur mosquée de vendredi dans certaines localités) émanant ces derniers temps de l’autorité religieuse nationale.
Le directeur des Affaires islamiques au niveau de Ndzuani n’hésite d’ailleurs pas à les lier à la problématique actuelle. «Les polémiques viennent quand certaines personnes sont dépassées par la religion. Il est vrai que les gens ne voient pas les choses de la même façon. Les Djaulas, par exemple, sont les initiateurs de ces pratiques. Ils veulent imposer des choses à la communauté. Et comment faire un prêche en langue nationale alors que cette dernière n’est pas complète», croit savoir le responsable religieux. Ce dernier va jusqu’à penser que les opposants à cette décision ne cherchent que la petite bête, alors que c’est ce que pensent justement ces derniers. «Des affaires qui doivent faire polémique ne le font pas. Aujourd’hui, plusieurs débits de boissons alcooliques et de maisons clauses sont autorisées. Et personne ne dit rien», maugrée-t-il.
En coulisses, nos amis «djaoulas» expliquent qu’ «il est insensé de prononcer un prêche dans une langue que les fidèles ne comprennent», et que «du temps du prophète, ce dernier encourageait les prédicateurs qu’il envoyait dans les contrées lointaines de transmettre le message de la foi dans la langue de leurs hôtes». Mais force est de constater que peu de gens à Ndzuani se montrent sensibles à cet argument.
«Rien n’a changé à Wani. Le hatub s’exprime en langue nationale pour une meilleure compréhension puis en langue arabe sur le Mimbar. Des personnes étrangères viennent pour la prière, et ils ne comprennent pas forcément notre langue nationale. C’est une honte et ça doit être arrêté sans polémique. Et quand des personnes veulent d’un hutba qu’en langue nationale, ils doivent comprendre l’importance et le pourquoi du hutba en arabe dans le mimbar», soutient Oustadh Said Ali Abderemane, sans aller plus loin sur ce «pourquoi».
Par Ahmed Zaidou avec SM