Le ministre des Finances multiplie les rencontres avec les organisations professionnelles du secteur privé. Après le président de l’Uccia, Chamsoudine Ahmed, Souef Kamalidini a reçu, en début de semaine, des représentants du Mouvement des entreprises comoriennes (Modec).
Le ministre a aussi reçu le patron des établissements Agk, Amine Kalfane, considéré comme le premier grand importateur de produits de grande consommation aux Comores. Les réunions d’échanges se tiennent dans un contexte particulier marqué par une pénurie de denrées alimentaires.
Un matraquage fiscal
Les opérateurs économiques dénoncent souvent un matraquage fiscal, une allusion faite sur les taxes portuaires, en particulier. Au niveau du ministère des Finances, l’on évoque «la nécessité d’assainir l’environnement des affaires notamment par un meilleur encadrement des opérateurs et la normalisation de toutes les activités économiques».Le gouvernement vient d’apporter un début de solution (lire page 3) en créant une ligne de crédit au profit du secteur privé. Le taux est de 5 à 7%. Si la mesure du gouvernement est saluée par l’ensemble des opérateurs économiques, elle répond à une partie des revendications incontournables par les organisations du secteur privé.
S’estimant trop taxés dans les ports, les opérateurs économiques attendent voir de nouveaux gages de la part du nouveau ministre des Finances. Le pays est toujours confronté à une crise de l’offre à l’origine de la hausse des prix. Le ministre et le secteur privé souhaitent mettre sur table les problèmes dans l’espoir d’arracher des solutions consensuelles durables. Mais le chemin reste encore long pour le nouveau ministre. Saura-t-il convaincre les organisations patronales et satisfaire leurs revendications ? «L’idée de nous rencontrer, d’échanger et de poser les problèmes, c’est déjà un pas à saluer», reconnait Mourad Bazi du Modec. Son collègue d’Ankiba dit, de son côté, qu’il n’attend pas grand-chose. «J’attends voir la suite mais j’ai zéro espoir», affirme Mohamed El Bakri, secrétaire général d’Ankiba, un groupement de plus de 400 opérateurs économiques basés essentiellement à Ndzuani.
Des relations en dents de scie
Le nouveau ministre des Finances et les opérateurs économiques entretiennent de relations en dents de scie au sujet de la valeur transactionnelle à la douane, c’est-à-dire la valeur des produits déterminée par les inspecteurs au cours de leur vérification. C’est cette valeur transactionnelle qui déterminé, au finish, le montant à payer. De l’avis des organisations du secteur privé, tout se joue autour de ce nouveau mécanisme d’évaluation de la valeur des produits importés.
«La valorisation systématique des produits fait peur aux opérateurs», souligné Hamidou Mhoma de l’Opaco qui reconnait qu’il n’y pas une hausse de taxes douanières excepté trois ou quatre produits dont le fer et l’eau minérale. «Mais la valorisation des factures de façon unilatérale par les inspecteurs des douanes fait que les taxes augmentent», nuance le patron de Graphica.
Le nouveau ministre des Finances aurait proposé la création d’un statut d’opérateurs agrées pour discipliner les rapports avec les inspecteurs et mettre fin au climat de méfiance entre les opérateurs et l’administration douanière. Mais, en urgence, le secteur privé veut que le comité national chargé de la valeur soit opérationnel.
«Pour nous, ce qui nous inquiète, c’est cette histoire de valeur transactionnelle décidée par les inspecteurs de douane. Le fichier valeur est unique, il n’est pas modifié chaque jour. Ils ne prennent jamais nos factures en considération. Nous avons demandé la mise en place d’une commission nationale en charge de la valeur mais elle n’a jamais été mise en place», ajoute son collègue du groupement Ankiba.
Les organisations du secteur privé proposent «une taxation spécifique des produits de première nécessité pendant cette période de crise». Elles demandent «le gel des surestaries de Moroni Terminal et des armateurs jusqu’au 31 décembre 2021» mais aussi l’exemption des «produits de première nécessité des frais de scannage».
Les opérateurs économiques pointent du doigt «le non-respect des agréments» établis au profit d’entrepreneurs légalement installés. Mais la revendication phare qui alimente aujourd’hui les controverses est «la multiplication des taxes portuaires».
Il n’y a pas une loi spécifique qui règlemente l’exploitation portuaire. Les responsables de la Société comorienne des ports (Scp) se fondent sur l’arrêté N°95/289/Mtt en date de 1995 pour règlementer les entrées et les sorties des bateaux. Mais tout semble se faire souvent de façon discrétionnaire. «Au port de Mutsamudu, on se permet de taxer un navire sans explication», déplore Mohamed El Bakri.
En attendant de «revoir le règlement d’exploitation des ports», le secteur privé, dans un communiqué, demande au gouvernement de «restaurer la notion de priorité dans le traitement des navires notamment au port de Moroni en priorisant les porte-conteneurs des denrées de première nécessité».
Si les organisations du secteur privé (photo ci-dessous) reconnaissent que «l’Etat répond tout doucement à nos doléances», elles attendent voir le nouveau ministre des Finances prendre à bras le corps les revendications notamment la fameuse valeur transactionnelle et la révision des frais portuaires qui plombent la trésorerie des opérateurs économiques. «Il y a de bons signes chez le ministre, il faut l’encourager à persévérer», indique Hamidou Mhoma. «Les négociations qu’on a menées avec Chayhane seront les mêmes avec Souef Kamalidini», tranche le secrétaire général d’Ankiba pour qui, le plus important est «le respect de la convention signée, la mise en application des termes du protocole d’accord public-privé signé en août 2020 à Ndzuani».
Mourad Bazi, lui estime que les discussions engagées avec le nouvel argentier augurent des perspectives prometteuses. «Le ministre des Finances envisage de proposer des politiques et des réformes institutionnelles soignées et instaurer un environnement plus favorable au développement du secteur privé, tout en unissant la contribution de l’État avec celle du secteur privé, mais également de la société civile», a indiqué le chef du Modec. Au ministère des Finances, on refuse de faire le moindre commentaire «avant de rencontrer et d’écouter tous les acteurs concernés par le dialogue public-privé».
Par AS Kemba