Lundi dernier au soir, un habitant de la commune de Sima, à Ndzuani, demandait au téléphone à sa fille domiciliée à Vouvouni à Ngazidja : «Ne peux-tu vraiment pas nous envoyer ne serait-ce que quelques kilos de riz ? C’est la famine ici !» Dépitée, la jeune femme pose la question à son entourage pour savoir «combien doit-on payer en droit de fret pour embarquer un sac de riz dans un ferry qui part à Ndzuani ?…»Cette scène démontre, s’il est besoin, la gravité de la situation dans l’île, où sévit une sévère pénurie de ce produit depuis plusieurs semaines. L’île toute entière vit actuellement dans la disette. «Il n’y a plus de riz ordinaire à Koni Djodjo», confie un habitant. «Ici, on ne vend plus de riz ordinaire dans les boutiques alors que c’est le riz qu’on pouvait acheter car il est moins cher par rapport au riz basmati», renchérit Nasma Loutfi, habitante de Domoni.
Mais alors que le riz ordinaire manque cruellement, le riz basmati est disponible en abondance, mais à un coût prohibitif pour beaucoup. Il atteint 2 000 francs le kilo à Koni Djodjo et 1 500 à Domoni. Inutile de préciser que, dans une île où plus de la moitié de la population vit avec moins de 500 francs par jour, c’est un luxe inaccessible pour beaucoup.Pourtant, du riz, l’Onicor (Office national d’importation et de commercialisation du riz) a récemment affirmé avoir dédouané 113 conteneurs (soit plus de 3000 tonnes) au port de Mutsamudu. La société a montré, sur sa page Facebook, des images de déchargement de riz ordinaire destiné en partie à être transféré à Mwali, qui en manquait aussi cruellement.
La communication de l’entreprise publique en a d’ailleurs profité pour réitérer l’ «engagement» de celle-ci «à garantir la disponibilité du riz dans tout l’archipel». «Il y a quatre jours, j’ai vu un grossiste se faire livrer plusieurs tonnes de riz ordinaire», témoigne Salouwa, une autre habitante de Domoni. D’où les soupçons de «pénurie artificielle» véhiculés sur place en ce moment.
Pénurie artificielle ?
Il faut dire en effet pendant que les Anjouanais cherchaient du riz, celui-ci était bloqué au port de Mutsamudu. L’Onicor, «dans une situation financière difficile», comme le mentionne un document récent du ministère des Finances, n’était pas en mesure de régler la facture de la manutention de son riz auprès d’Anjouan Stevedoring Company (Asc), la société qui assure ce service au port de Mutsamudu. Jusqu’au 9 mai dernier, environ 113 conteneurs de riz ont été soumis à des surestaries de plus d’une centaine de millions de francs, dont le gouvernement a demandé et peut-être obtenu l’effacement pur et simple par Asc.
Par Issoufou Abdou et Sardou Moussa