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Que fait le gouverneur de la Bcc dans une réunion à caractère partisan ?

Que fait le gouverneur de la Bcc dans une réunion à caractère partisan ?

Société | -   Faïza Soulé Youssouf

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Le gouverneur de la Banque Centrale des Comores a-t-il seulement le droit d’assister à l’assemblée générale d’un parti, fut-ce-t-il celui qui est au pouvoir ?

 

La Crc (Convention pour le renouveau des Comores), principal parti au pouvoir, est en pré-campagne. Il faut dire que d’ici peu devraient se tenir les élections présidentielle et gubernatoriale. Depuis quelques mois, elle sillonne les îles, affiche les nouvelles recrues, souvent en bleu, la couleur de la formation politique. Le 10 juillet s’est tenue son assemblée générale dans un hôtel de la place. Les communicants ont vite fait de nous abreuver de photos via la page Facebook du parti.


La photothèque, comme ils l’appellent, compte plus de 70 photos. Je les fais défiler, tranquillement, j’ai du temps, c’était le week-end. Tout ce que le pays compte de dirigeants est présent. Des vieux et des faux jeunes. Je continue de scroller. Et là, une photo retient mon attention. Je marque une pause. Je regarde attentivement, me demande même si je ne rêve pas. Je vois un homme, en gris, assis à gauche de l’ancien argentier de l’Etat et actuel directeur général de Comores Télécom, Saïd Ali Chayhane, qui lui-même est placé entre Oumara Mgomri et l’administrateur de l’Université, Ibouroi Ali Toibibou. L’homme, qui s’est, Dieu soit loué, gardé de porter un costume bleu, n’est pas n’importe qui. C’est Younoussa Ben Imani, le gouverneur de la Banque Centrale des Comores, le garant de la stabilité monétaire. L’image me heurte, profondément. J’en parle avec quelques collègues, leur demande si comme moi, ils sont choqués par sa présence. A l’exception d’une personne, ils sont tous d’accord avec moi. On y parle de moral, d’éthique, de déontologie mais aussi de loi. L’ «ami-pas-d’accord-avec-nous» argue que rien n’interdit au gouverneur de la Bcc d’aller à une Ag de la Crc. Je décide alors d’en parler à des juristes.

 

L’un me dit que les statuts régissant l’institution « ne prévoient pas de restriction par rapport à la politique ». Il poursuit : «Par contre l’article 4 dispose que le gouverneur ne peut accepter d’instructions du gouvernement et l’article 51 dit qu’il est astreint à un code de déontologie que la Banque publie ». Mais vous, quel est votre avis ? «Je pense qu’il devrait avoir une obligation de réserve. Comment peut-il prétendre à une indépendance s’il s’affiche avec les membres du gouvernement dans des réunions politiques partisanes ?», s’interroge-t-il ? « En matière d’éthique et de déontologie, comme vous, cela me heurte même si cela n’est pas juridiquement interdit. Ses prédécesseurs, en tout cas, observaient une obligation de réserve », souligne-t-il. La Bcc est-elle pourvue de code de déontologie ? Je lance quelques coups de fil. «Si les statuts de la Banque centrale ont prévu un code, il n’a pas encore été établi mais cela n’a pas empêché les banques privées d’en adopter en interne », m’explique-t-on perfidement. Sur la fameuse photo de ce fameux 10 juillet, Younoussa Ben Imani a l’air gêné, il semble ne pas être à sa place, son regard est ailleurs. Peut-être se demande-t-il s’il doit assister (ou non) au congrès de la Crc, prévu le 13 août prochain.

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