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Rahamata Hamdani Ahamada ou La femme qui courrait derrière son rêve

Rahamata Hamdani Ahamada ou La femme qui courrait derrière son rêve

Société | -   Abdallah Mzembaba

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Nous sommes en 1998 lorsque Rahamata Hamdani Ahamada, alors âgée de 20 ans, quitte son pays, les Comores, pour la Syrie. Elle est alors loin de se douter qu’elle attendra une douzaine d’années pour revoir les siens. Mieux, celle qui est aujourd’hui chef interprète arabe au gouvernorat de Ngazidja, trouvera l’amour lors de son périple et accouchera d’un petit garçon deux ans après son mariage en Egypte. Dans ce périple, jamais elle n’abandonnera son rêve : l’obtention de son doctorat. Le chemin sera long, à travers plusieurs pays, mais elle arrivera au bout vingt ans plus tard.

 

Notre rendez-vous a lieu dans le bureau de la rédactrice en chef d’Al-watwan. Docteure Rahamata Hamdani Ahamada, couverte de la tête aux pieds et tout de rose vêtue s’étonne que le quotidien cherche à parler d’elle. Discrète et réservée, elle n’en demeure pas moins sûre d’elle. Son regard ne fuit pas et ne se lève vers le ciel que quand elle veut se souvenir des dates qui ont jalonner son parcours, depuis l’école coranique de son défunt père, Hamdani Ahamada à Babadjani dans le Hamahame au nord de l’île de Ngazidja, à son doctorat en 2018 au Soudan, en passant par la Syrie et l’Egypte dans la prestigieuse Al Azhar Charif University.

Par Azhar Charif...

Rahamata Hamdani Ahamada voit le jour en 1978 à Babadjani où elle suivra sa formation au sein de l’école coranique de son papa : «Il m’a appris tout ce qu’il savait», dit-elle toute fière. Parallèlement, elle sera scolarisée à l’école primaire de la Coulée à Moroni avant de se retrouver à Madrassat Al-Imani.Arrivée à un certain niveau en 1997, quand il manquait d’enseignants dans son école, «mes camarades de promotion et moi avons dû enseigner les plus jeunes, les petites filles particulièrement», se rappelle-telle. Une expérience qui ne durera pas puisqu’un an plus tard, elle prendra la route vers la Syrie pour les études.


Là aussi, elle ne restera qu’une année avant de partir en Egypte rejoindre celui qui deviendra son mari, lui aussi de Babadjani. Les deux jeunes époux poursuivent leurs études. Rahamata obtient son brevet des collèges avant d’intégrer, une fois le baccalauréat en poche en 2001, la prestigieuse Al Azhar Charif University.Un an auparavant, en 2000, elle donnait naissance, au Caire, à son premier enfant : «Il est actuellement en troisième année à la faculté Imam Chafioun (Université des Comores, Ndlr) dans le département de langue arabe», précise-t-elle, là aussi avec une certaine fierté.

Elle n’obtiendra finalement sa licence en sciences islamiques qu’en 2006. Dès lors, elle se consacre sur les questions sociales en l’occurrence les droits de la femme et de l’enfant. Un choix loin d’être anodin.Pour Rahamata, «la femme a sa place comme l’enseigne l’islam, mais cela doit se faire dans le respect de la religion, de la famille et de la société». Dans son parcours, elle remercie «infiniment» son mari «sans qui» tout ceci n’aurait été possible. Si elle est parvenue là où elle est, assure-t-elle «c’est parce qu’il a été à mes côtés et m’a toujours soutenue. Il a dû assumer mon rôle et le sien et il l’a fait merveilleusement bien».

Mère étudiante

C’est ainsi qu’elle s’inscrit en master 1 puis 2 respectivement en Egypte (2010) et à l’Université du Saint Coran et des sciences islamiques (2016) en jurisprudence islamique comparée où elle soutiendra respectivement sur le droit de la femme dans le mariage puis sur ses droits dans le divorce et tout ce qui en découle.
Mais avant son Master 2, Rahamata Hamdani Ahamada retourne au pays en 2010 après une douzaine d’années en Egypte. Ici, elle enseigne et intègre l’Ong comorienne de bienfaisance qui lui offrira une bourse d’études pour le Soudan, à l’Université du Saint Coran et des sciences islamiques. Nous sommes alors en 2012. Elle part à Khartoum avec son fils, mais sans son mari. Rahamata cumule alors sa vie d’étudiante et ses activités de responsable de deux écoles qui sont sous l’égide de ladite Ong de bienfaisance au Soudan. Sans compter qu’elle doit s’occuper de son fils.


Avec son mari resté au pays, où il enseigne l’arabe, ils feront plusieurs va-et-vient entre les Comores et le Soudan durant cette période. Avec sa gestuelle plutôt maitrisée, elle assure avoir beaucoup appris de ces déplacements aux Comores. «J’apprenais beaucoup de la société et j’utilisais ces connaissances dans mes études». En 2016, son mari part la «soutenir» quand elle soutenait son master 2.Leur deuxième enfant, une fille née au Soudan, a alors neuf mois. Deux ans plus tard, en 2018, Rahamata Hamdani Ahamada obtient ce qu’elle est venue chercher au Soudan avec la soutenance de sa thèse «axée sur les droits de l’enfant en droit islamique en comparaison avec les droits de la femme dans le droit comorien», insiste-t-elle.

Le chemin et le pas

Son doctorat en poche, elle retourne s’installer définitivement aux Comores la même année.Un an après, elle intègre, en tant que chef interprète (arabe), l’équipe de la gouverneure de l’île de Ngazidja, Mhoudine Sitti Farouata.Après une vingtaine d’années à l’étranger, docteure Rahamata Hamdani Ahamada admet qu’il lui a fallu un certain temps pour s’y retrouver. Quant à ses enfants, «ils sont plus proches de leur père que de moi». Seul le petit dernier, né en mars de l’année dernière, fait exception à la règle. «Leur père a fait un travail formidable avec les enfants, mais aussi avec moi».


Consciencieuse, docteure Rahamata Hamdani Ahamada a, tout le long de notre entretien, mis la pression pour «faire vite» pour qu’elle puisse retourner à son boulot : «la gouverneure m’attend». Elle finira par me laisser son numéro pour l’appeler «au cas où vous auriez besoin de plus de détails, car là je dois partir», m’explique-t-elle.
Docteure Rahamata Hamdani Ahamada aura, tout le long de son parcours, avoir fait sienne l’adage de l’Université des Comores selon lequel : «Clamer que le chemin est long ne le raccourcit pas, le raccourcir, c’est faire un pas en avant». Et du chemin, elle en aura fait depuis son enfance à Babadjani.

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