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Recouvrement des créances I La nouvelle Opaco «décrie» les méthodes de l’Onicor

Recouvrement des créances I La nouvelle Opaco «décrie» les méthodes de l’Onicor

Société | -

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Si l’organisation patronale reconnait que l’Onicor est tout à fait dans ses droits de réclamer le règlement de ses créances, elle juge néanmoins que la voie empruntée n’est pas la bonne et est incompatible avec l’esprit d’attraction des investisseurs étrangers qui souhaiteraient venir faire des affaires aux Comores.

 

L’opération de recouvrement des créances de l’Office national d’importation et de commercialisation du riz (Onicor) continue de faire grincer des dents. Dans une conférence de presse tenue, mercredi, l’Onicor a expliqué les raisons pour lesquelles il s’est tourné vers la gendarmerie. Cette dernière détiendrait dans ses locaux près de 11 débiteurs.


Ce régime spécial de garde-à-vue inquiète des organisations patronales qui s’insurgent contre cette façon de faire. Dans un entretien accordé hier à Al-watwan, la Nouvelle Opaco, par la voix de son vice-président, Hamidou Mhoma, a dénoncé cette méthode «musclée» qui n’a pas lieu d’être. «Nous ne sommes pas en train de défendre les débiteurs, au contraire, on les incite à s’acquitter absolument de leurs dettes vis-à-vis de l’Onicor et pas seulement, mais nous ne pouvons pas accepter qu’on soit emprisonnés juste parce que nous devons de l’argent à tel», déplore, Mhoma.Ce sujet a fait l’objet d’une rencontre mercredi 5 mars entre le Synaco, la nouvelle Opaco et l’Onicor. Les discussions tournaient bien évidemment autour des garde-à-vue de ces 11 débiteurs.


Jusqu’ici, l’Onicor brandit une ordonnance de 1999 qui lui donne le pouvoir de procéder à des contraintes par corps. «Mais dans le cas précis, ils n’ont saisi aucun tribunal. Il y a eu seulement des discussions avec la gendarmerie pour exécuter la contrainte sans décision de justice. Et cette situation détruit malheureusement le climat des affaires de ce pays. Ce sont ces actes qui font fuir les investisseurs », a insisté, le vice-président de la Nouvelle Opaco qui rappelle que « personne ne viendra investir si on peut se faire enfermer sans une décision de justice».

L’organisation patronale dit comprendre la nécessité pour l’Onicor de recouvrer ses droits, notamment les créances évaluées à plus de 2 milliards de nos francs, mais appelle en revanche l’entreprise publique à respecter les droits de ses débiteurs.
Au-delà, de la méthode décriée, tous azimuts, se pose également la question de la primauté des actes de l’Ohada, dont le pays est signataire. Ceux-ci ne sont-ils pas au-dessus de l’ordonnance ? Sur les réseaux sociaux, des juristes ont lancé le débat. L’avocat Mohamed Kamardine s’est demandé dans un post publié jeudi, si cette opération de recouvrement rentrait-elle dans les missions et compétences de la gendarmerie ? «Est-ce du pénal, du commercial, de l’administratif ou autre », s’interroge l’avocat qui craint que d’autres sociétés soient tentées d’en faire autant.

Laxisme de l’Onicor ?

Approché, l’opérateur Irchad Abdallah, directeur de R komor, a souligné qu’en matière civile, la contrainte par corps, instaurée par une loi de 1981 a été abrogée par le code civil comorien révisé vers la fin des années 1990. «Alors, sur quelle base juridique peut-on contraindre, un commerçant débiteur soit-il par voie de privation de liberté, pour l’amener à s’acquitter de la dette», se questionne Irchad. Le choix aussi du timing pose débat. «On sait que durant le mois de ramadhwani, les tribunaux ferment sauf les cas de flagrant délit. Or l’ordonnance en question indique que c’est au président du tribunal d’ordonner la contrainte par corps contre le débiteur. Donc, conduire des opérateurs à la gendarmerie pour négocier leur emprisonnement jusqu’au paiement de leurs créances est pour nous inadmissible», juge Hamidou Mhoma qui pointe la responsabilité de l’Onicor.«Je pense que quelque part, la société a fait preuve de laxisme. On ne dédouane pas les débiteurs, loin de là. Mais comment comprendre que des commerçants aient pu obtenir par exemple une trentaine de conteneurs de riz sans aucune garantie et que par conséquent leurs dettes trainent depuis 2011. Je dirai que c’est un peu la faute à l’Onicor », tacle Hamidou Mhoma.

Pour rappel, il y a deux opérateurs sur la liste dont la dette cumulée s’élève à près de 128 millions de francs. Pendant notre entretien d’hier, le vice-président de la Nouvelle Opaco dit craindre que cette méthode de l’Onicor n’ouvre « un boulevard » à un moment où elle prive les opérateurs de leurs droits fondamentaux, notamment ceux de pouvoir faire recours.
«Dans le cas espèce, soit tu paies et tu pars soit tu restes. Mais pour combien de temps », demande-t-il. Lors de la rencontre d’avant-hier, le patronat a rappelé à l’Onicor qu’il doit encore de l’argent à de nombreux opérateurs.
Est-ce une raison pour ces derniers de venir solliciter «l’emprisonnement» des directeurs généraux de la société ?

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