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Recrudescence des crimes sexuels Sittina-Echat Salim : «Le problème est dans l’impunité»

Recrudescence des crimes sexuels Sittina-Echat Salim : «Le problème est dans l’impunité»

Société | -   Sardou Moussa

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Les crimes sexuels ainsi que les violences à l’encontre des mineurs et des femmes en général défrayent la chronique dans notre pays. Dans cet entretien, la directrice de la promotion du genre au niveau de Ndzuani en explique les raisons. Sittina-Echat Salim propose aussi quelques pistes de solutions.

 

Que savez-vous aujourd’hui du viol perpétré le 21 mai dernier à Domoni sur une fillette de 4 ans ?
J’ai d’abord vu cette histoire sur les réseaux sociaux. J’ai voulu en savoir plus auprès de mes collaborateurs sur place…Il m’a fallu deux jours pour avoir une confirmation des faits. Le présumé auteur a fui, l’enfant a été hospitalisée à l’hôpital de Bambao-mtsanga. Notre psychosociologue a également suivi de près l’affaire. Elle confirme que l’enfant a subi une violence terrible, et que sa famille s’apprêtait à l’évacuer vers Mayotte. Celle-ci hésiterait cependant à rendre l’affaire publique, mais ce qui nous importe pour le moment, c’est la santé de la fillette.

Depuis février dernier, une autre fillette, Tania Massoundi, qui habitait Dindihari à Mtsamdu, est portée disparue. Quelles sont les dernières nouvelles la concernant ?
Après sa disparition, nous avons rendu visite à sa mère, laquelle était enceinte. Mais elle a malheureusement perdu le bébé. Nous avions aussi rendu visite à sa famille, qui était effondrée. Nous avons essayé de la réconforter. Il y avait eu quelques arrestations…Il faut savoir qu’en ce qui nous concerne, nous assurons avant tout un suivi médical, psychologique et psychosocial de la victime et de sa famille, mais c’est celle-ci qui décide de porter l’affaire devant nous, et dans ce cas nous la confions à notre avocat et c’est lui qui s’occupe du reste. Mais le cas de cette fillette ne nous a pas été soumis. Une plainte avait été directement déposée à la gendarmerie. Aujourd’hui nous ne savons toujours pas ce qui est arrivé à cette fillette, comme nous ne savons rien de l’enquête de la gendarmerie.

Il y a eu aussi ces deux jeunes filles violées et jetées dans un ravin en mai 2020 à Koni-ngani, l’une ayant survécu, et l’autre morte…
L’affaire de Koni, c’est nous qui l’avions. Nous avons assuré le suivi médical de la fille qui a survécu, jusqu’à sa guérison. L’autre fille a été retrouvée morte et a donc été inhumée. Dans cette affaire, c’est la famille elle-même qui a refusé de porter plainte. Elle a dit préférer s’en remettre à Dieu. Toutefois deux personnes avaient été arrêtées, jugées et envoyées en prison. Je ne peux rien confirmer si elles y sont toujours.

Doit-on dire aujourd’hui que les violences faites aux mineurs à Ndzuani sont en régression ou c’est le cas contraire ?
Elles ont plutôt augmenté. Ce n’est pas qu’avant elles n’existaient pas. Elles existaient, mais aujourd’hui elles sont recensées, les gens viennent les déclarer. D’où le sentiment qu’elles sont en progression. Ce qui est certain, c’est qu’elles ont progressé depuis surtout l’arrivée de la pandémie de Covid-19, avec les arrêts des cours dans les écoles, la promiscuité dans les ménages… certains enseignants profitent du fait que de nombreux élèves accusent une baisse de niveau pour les exploiter sexuellement. Cela est aussi favorisé par le fait que beaucoup de parents n’encadrent ni ne surveillent plus leurs progénitures, et ces derniers ont trouvé un autre moyen facile pour eux d’obtenir des notes. Les cas d’incestes sont malheureusement aussi en progression. En tout cas avec l’avènement de la Covid-19, toutes sortes de violences sont en progression.

Comment expliquez-vous alors que ces violences ne régressent pas malgré les nombreuses campagnes de sensibilisations que vous menez ?
Le problème est dans la non-application des textes de loi censés protéger les enfants et les personnes vulnérables. Il est aussi dans l’impunité qui couvre bon nombre de criminels sexuels, tout comme dans la ténacité des arrangements familiaux, des certificats médicaux de complaisance sur lesquels s’appuient certains juges pour délivrer des libertés provisoires tout aussi complaisantes. Et même quand le criminel n’a pas pu échapper à la prison, il a toujours une chance de s’en évader. Il est finalement trop facile de se soustraire à la justice et à aux peines de prison que beaucoup n’ont plus peur de franchir la ligne blanche. D’ailleurs, il y a beaucoup de récidivistes dans ces affaires. Il faudrait organiser des assises sur ces problématiques des violences sexuelles et violences basées sur le genre. Il faudrait peut-être faire évoluer le code de la famille, l’âge légal du mariage, durcir certaines peines…

Comment évaluez-vous le travail de la brigade des mœurs et du juge des enfants ?
Il y a une bonne collaboration entre la brigade et nous. Elle nous renvoie instantanément tout cas d’agression qu’elle en fait connaissance pour que nous le fassions suivre médicalement. Le juge des enfants s’occupe le plus souvent des affaires de famille, que ce soit les cas d’abandon, de versement de pension alimentaire ou autre. Et ils ne sont pas moins nombreux, ces cas d’abandon de famille : nous en avons enregistré déjà 12, rien qu’au premier trimestre.

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