Le porte-parole de Beit-Salam, Mohamed Ismaila, a été reçu, samedi dernier dans les locaux de l’Ortc par la journaliste de la chaîne publique, Fatima Ahamada, et le journaliste d’Al-watwan, Nassila Ben Ali. Au cours de l’entretien qui a duré plus d’une heure, plusieurs thématiques qui animent le paysage politique comorien ainsi que la vie quotidienne ont été mis au goût du jour. Ainsi, Mohamed Ismaila s’est prononcé sur de nombreuses thématiques avec une insistance particulière sur l’éducation, la cherté de la vie, le dialogue national, la covid-19 et l’équipe nationale de football.
Les écoles privées ou le frein de l’éducation
Ancien ministre de l’Education, ancien enseignant, syndicaliste, Mohamed Ismaël a résumé avec aisance les véritables maux du système éducatif et fourni des explications sommaires sur les causes des mauvaises performances enregistrées ces trente dernières années. À l’entendre, les écoles privées constituent un poids pour le développement éducatif. “Les écoles privées, qui d’ailleurs ne répondent pas toujours aux normes nécessaires, ont précipité la déchéance de l’enseignement public”, avance, dans un premier temps, l’ancien enseignant de philosophie.
Selon lui, ce phénomène se manifesterait surtout à Ngazidja. “57% des élèves à Ngazidja sont dans le prive, contre 43% seulement dans les écoles étatiques. Alors qu’à Mwali, 67% des élèves sont dans le public et 33% seulement dans le privé. Le chiffre est encore plus conséquent à Ndzuani, où 69% constituent l’école publique, et seulement 31% suit l’effet de mode du privé”, devait constater Mohamed Ismail. Un constat qui nourrit, d’après lui, les risques de fermeture de certains établissements publics, surtout à Ngazidja, ce qui constituerait, pour certains enseignants, un sentier menant tout droit vers le chômage. “Qu’adviendraient ces enseignants ? L’éducation nationale serait-elle à même de les rembaucher ?, s’est-il interrogé.
Le porte-parole de Beit-Salam est aussi revenu sur l’Université. Pour lui, la priorité serait la réhabilitation des facultés, sites et centres universitaires. “Avec pas moins de 16.000 étudiants, l’Université des Comores se retrouve confrontée à un surcharge sans précédent et on ne peut étudier dans de telles conditions ? J’appelle donc le ministre de l’Education actuel à revoir cette question”, a déclaré Mohamed Ismaila. La maquette des formations que propose l’Université des Comores s’est invitée dans les échanges. Comme le rapporte la Maison de l’emploi (édition du mercred15 février), l’écart qui existe entre les formations et les besoins du pays est une épine dans le pied du marché du travail. Mohamed Ismaila appelle donc les administrateurs de l’Université à revoir la question pour, dit-il, que “nos enfants ne se sentent plus lésés et nourrissent l’idée d’aller chercher du travail ailleurs”.
Le dialogue national
A quelques jours du dialogue national inter-comoriens, le flou plane toujours autour de la participation, ou non, de l’opposition. On constate que de plus en plus d’organisations et mouvements politiques opposés au régime se prononcent pour la table des discussions. Par ailleurs, les responsables du Front commun et l’ancien gouverneur de Ngazidja, Mouigni Baraka Saïd Soilihi, restent fermes sur leur position, daignant guère de prendre part à l’événement politique de cette année. Une réticence qui surprend et désole Mohamed Ismaël. “Ce dialogue national pourrait être l’occasion rêvée pour l’opposition de déterminer sa place et son rôle dans le développement du pays, mais elle refuse d’y prendre part”, avance-t-il, dans un premier temps.
Rappelons que l’une des conditions principales posées par l’opposition pour prendre place au dialogue, c’est la libération des “prisonniers politiques”. Mais en faisant cela, estime le porte-parole de Beit-Salam, “l’opposition amorce le dialogue en amont, mais se trompe de terrain de revendications”. Par ailleurs, interrogé sur la position du chef de l’Etat, Azali Assoumani, à l’Union Africaine, l’ancien cadre du Front démocratique a estimé que seul le principal concerné était légitime à répondre à cette question, à l’heure où la presse africaine se délecte, déjà, de ce combat qui s’annonce alléchant entre Azali Assoumani et son homologue Kenyan, Uhuru Kenyatta. Qui, du Comorien, ou du Kenyan, succédera à Macky Sall qui vient d’accéder au rang de président de l’Ua ?
La cherté de la vie
Les prix, tous secteurs confondus, connaissent une hausse exponentielle, jour après jour. Une situation inquiétante à un mois du début du ramadhwani. Mais pour les autorités, il faudrait trouver des circonstances atténuantes à cette crise, amorcée par la Covid-19. “Nous dépendons entièrement des pays étrangers, et si leur marché est affecté, le nôtre le sera indéniablement car nous importons tout chez eux”, estime Mohamed Ismaël. A en croire ce dernier, “l’inflation serait due à l’impunité de certains commerçants, et à la passivité des consommateurs, rien d’autre”… Pour Mohamed Ismaël, les produits locaux seraient aussi chers que ceux importés.
“Les commerçants s’autorisent des prix indépendamment de l’Etat. Un phénomène constaté surtout dans la vente des produits locaux qui ne payent pas de taxes douanières. Et certains consommateurs acceptent cette situation, car ils ne les dénoncent pas”, estime l’ancien candidat au gouvernorat de Ngazidja. Ce chemin emprunté par certains commerçants créent la stupeur chez Mohamed Ismaël, d’autant plus que, affirme-t-il, “l’Etat a octroyé cinq milliards aux commerçants pour leur faciliter la tâche, et ils devraient en faire de même pour les consommateurs”.
Mohamed Ismaël a clôturé son entretien, en saluant “les performance des Cœlacanthes” prouvées lors de la Coupe d’Afrique des nations (Can). Une réussite rendue possible, entre autres, par les efforts du gouvernement. “Nous avons investis dans ce combat, et nous n’hésiterons pas à réitérer l’exercice lors de la prochaine Can en Côte d’Ivoire”, a fait savoir Mohamed Ismaël avant d’appeler les Comoriens à ne pas brûler les étapes, et à garder les pieds sur terre.
Housni Hassani