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Renouvellement de visa en Tanzanie I Entre «tracasseries» et «détournement» de statut d’étudiant

Renouvellement de visa en Tanzanie I Entre «tracasseries» et «détournement» de statut d’étudiant

Société | -   Abdou Moustoifa

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Des étudiants, en particulier, disent rencontrer des difficultés pour renouveler leurs visas. Cependant, selon l’ambassade comorienne en Tanzanie, seuls les ressortissants exerçant d’autres activités de manière illégale seraient en réalité confrontés à des tracasseries.

 

Considéré comme l’une des destinations privilégiées des Comoriens souhaitant faire du commerce ou se faire soigner, le pays de Julius Nyerere n’a jamais été aussi proche de l’archipel. Un rapprochement qui ne cesse de s’intensifier sur tous les plans. Le dernier événement en date illustrant cette proximité est la venue, en juillet dernier, de la présidente tanzanienne, Samia Suluhu Hassan, qui a prononcé un discours lors des célébrations du cinquantenaire de l’indépendance des Comores. Cependant, en dépit de ces relations fraternelles brandies, des étudiants comoriens affirment ne pas « bénéficier d’un traitement digne » lorsqu’ils souhaitent renouveler leurs visas en Tanzanie. C’est du moins ce qui ressort des témoignages recueillis en début de la semaine dernière.

Des descentes

«Les étudiants vivent un calvaire. Ils paient 250 euros pour le visa annuel. Certains vont jusqu’à donner davantage pour pouvoir être tranquilles et circuler librement, mais on ne leur délivre pas le visa. Et cela ne s’arrête pas là. Dans les aéroports, si jamais un jeune accompagne un proche qui voyage, ils les poursuivent pour leur soutirer encore jusqu’à 300 euros», a dénoncé un père de famille dont les enfants poursuivent leurs études supérieures en Tanzanie. Ainsi, notre source appelle les autorités comoriennes à trouver une solution, rappelant que les Tanzaniens installés à Moroni ont toujours été traités avec bienveillance. « Qu’ils arrêtent de traquer nos enfants dans les rues de Dar es-Salaam. Parfois, avec la complicité de certains Comoriens, des policiers organisent des descentes dans les quartiers étudiants pour exiger des frais de visa qu’ils n’obtiendront jamais. Que cela cesse», insiste ce père.


Un autre étudiant approché par Al-watwan a confirmé ces pratiques. « Il arrive que tu donnes l’argent et qu’en retour on te délivre un faux visa. Même quand on a un visa valide, les agents de police trouvent toujours un moyen de t’extorquer», témoigne notre informateur, installé en Tanzanie depuis le mois de mars dernier. Selon lui, le seul répit consiste à envoyer son passeport au Burundi. «On te le renvoie avec un visa d’entrée de trois mois, ce qui te coûte 50 euros. C’est mieux que rien », explique l’étudiant.
Contacté, l’ambassade des Comores en Tanzanie réfute ces accusations.


«Renouveler un visa ne pose aucun problème si l’étudiant présente tous les documents nécessaires. Nous leur fournissons même des courriers d’accompagnement. Mais il faut préciser que certains étudiants obtiennent des visas et ne vont jamais en cours, ce qui pose un problème lors du renouvellement. Ils commercent illégalement et séjournent sans titre dans le pays», clarifie l’ambassadeur, Ahamada Elbadaoui Mohamed Fakih, qui rappelle qu’en Tanzanie, même avec un visa touristique de trois mois, il est interdit de travailler.

Détournement de visa

Le diplomate contacté mardi par Al-watwan a exposé les faits ainsi : «Le problème concerne les Comoriens qui viennent ici, même ceux qui passent par Zanzibar : ils ne se rendent pas dans les écoles et universités une fois le visa obtenu. Ils ne sont pas capables de prouver leurs inscriptions dans un centre d’enseignement, même pour une durée de trois mois. Beaucoup préfèrent devenir vendeurs de kilos dans les aéroports, tandis que d’autres servent de guides aux malades venus en Tanzanie. Résultat : il ne leur sera pas facile de renouveler leur séjour », a conclu l’ambassadeur, qui a précisé qu’en Tanzanie, même se marier sur place ne donne pas le droit à un étranger de travailler.


Ce phénomène, dit de «détournement de visa», n’a pas été nié par un ancien étudiant comorien récemment rentré. «En réalité, on se ment. Il est difficile de distinguer l’étudiant du commerçant. Nos compatriotes se rendent là-bas pour obtenir un titre de séjour, dans l’espoir de se frayer un chemin vers la France. Ils utilisent malheureusement le statut d’étudiant comme couverture, au détriment des jeunes réellement motivés par la poursuite de leurs études. Le service d’immigration s’en est rendu compte et a durci la procédure de renouvellement des visas», a confié notre source. Pays voisins liés par l’histoire et la culture, les Comores et la Tanzanie ont considérablement renforcé leur coopération ces dernières années dans divers secteurs, notamment le commerce.


Selon les données de l’Union des chambres de commerce des Comores, les importations en provenance de Tanzanie pour l’année 2024 se chiffrent à 3,5 milliards de francs. Aujourd’hui, une importante communauté tanzanienne est répartie dans les îles. On estime officiellement à « 500 » le nombre de Tanzaniens installés aux Comores. Ils exercent dans sept secteurs, notamment en tant que commerçants, employés de maison et ouvriers du bâtiment.

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