La reprise du procès sur le programme de citoyenneté est intervenue hier matin après les épisodes du lundi. Cette reprise qui était relativement calme a été marquée par le rejet de la demande de report formulée par le commissaire du gouvernement lors du premier jour du procès. Au cours de sa décision, le président de la séance, l’honorable juge Omar Ben Ali a rappelé le regret des exceptions formulées la veille par les avocats de la défense et a également ordonné la reprise de l’audience in limine litis.
L’article 12 de la loi instituant la Cour de sûreté de l’Etat
Me Fahardine Mohamed Abdoulwahide, un des avocats de l’ancien vice-président, Mohamed Ali Soilih a soulevé deux exceptions sur la régularité de la saisine de la cour de sûreté de l’Etat et la constitution de la partie civile devant cette juridiction d’exception. Pour étayer son argumentation sur le premier point qui est un élément de droit, l’avocat a évoqué l’article 12 de la loi instituant la cour de sûreté de l’Etat en rappelant que «les tribunaux normalement compétents continuent à connaitre des infractions prévues par la présente loi, lorsque le commissaire du gouvernement ne s’est pas saisi. Le commissaire du gouvernement peut demander à toute juridiction de se dessaisir des infractions qu’il estime être de celles prévues par la présente loi, tant que les débats sur le fond n’ont pas commencé devant la juridiction du jugement, il s’adresse à cette fin des réquisitions de dessaisissement au parquet compétent, qui les transmet sans délai au juge saisi. Celui-ci doit se prononcer dans un délai de 48 heures. En cas de dessaisissement, les actes d’instruction valablement accomplis n’ont pas à être refaits».
Pour l’avocat, au regard de cette disposition, «la saisine de la cour est irrégulière car le juge d’instruction ordinaire n’a pas à renvoyer un dossier devant la cour de sûreté de l’Etat». Selon l’avocat, étant donné que la saisine serait, selon lui, «irrégulière», la cour devrait retourner le dossier au commissaire du gouvernement ou au parquet compétent. En faisant un clin d’œil à l’ordonnance de renvoi pour donner plus de tonus à son argumentation, l’avocat a rappelé que ce dossier de programme de citoyenneté économique a été d’abord entre les mains du juge Aliamane Ali Abdallah. «Après sa nomination au poste de président du tribunal, le dossier a été hérité par le juge Hassani Assoumani. La dernière pièce que mon client a versé dans le dossier c’était auprès du juge Hassani Assoumani. Comment cela était possible que l’ordonnance de renvoi a été signé par le juge Elamine Said Mohamed, qui n’a jamais connu le dossier».
Le commissaire du gouvernement affirme que «la saisine est régulière»
Quant à la deuxième exception liée à la recevabilité de la partie civile dans cette procédure, le président de la séance n’a pas laissé l’avocat approfondir son argumentaire en lui signifiant que «cette exception a été vidée depuis hier». Suite à ces exceptions, le commissaire du gouvernement est intervenu pour demander à la cour de les rejeter car «la saisine est régulière» contrairement à ce qu’avance la défense. Sans prendre le temps d’examiner ses demandes, le président de la séance a joint les exceptions au fond et a ordonné l’ouverture des débats. Cette étape de la procédure a été marquée par une longue et ennuyeuse lecture de l’ordonnance de renvoi, qui a duré deux heures et trente minutes. Aussitôt cette lecture finie, le président a suspendu l’audience.
A la reprise, en constatant que sa demande a été balayée, le commissaire du gouvernement a déclaré que le report qu’il a sollicité avait pour but de laisser du temps à la défense afin de mieux nourrir sa réflexion. «Je me rends compte que c’était une décision bien réfléchie, la preuve, ils ne sont pas présents à l’audience». Suite à ce refus de comparaître manifesté par l’ancien président Sambi, la cour a pris acte. Après le départ de Sambi et le refus de l’ancien député Ibrahim Mhoumadi Sidi d’être assisté à l’audience, connu depuis le premier jour de l’audience, le tour revient à l’ancien vice-président Mohamed Ali Soilihi. Absent à l’audience étant donné qu’il se trouve en France, l’ancien vice-président a informé ses avocats qu’il refuse d’être assisté «car il ne veut pas participer à cette audience».
Aussitôt que le parquet ait fini son intervention, Me Fahardine Mohamed Abdoulwahide a repris la parole pour informer que son client, l’ancien vice-président a pris la décision de se retirer de l’audience car «il ne conçoit pas cette manière de juger cette affaire. La volonté du président de l’audience de joindre ses exceptions au fond». La cour a pris acte de cette décision, a ouvert les débats en convoquant à la barre Abdou Bacar Dossar Mohamed ancien ministre des Finances, ancien député et ancien directeur de cabinet du président de la République, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi.
Poursuivi dans cette affaire de détournement de fonds de ce programme de citoyenneté économique, l’interrogatoire de l’ancien ministre était axé sur le mémorandum d’entente signé entre l’ancien directeur de cabinet et la société privée pour les services de sécurité établi et enregistré aux Emirats Arabes Unis. Devant la cour, l’ancien directeur a reconnu avoir effectivement signé ce document, écrit en arabe, sans connaitre son contenu. «Je l’ai signé car on m’a dit de le faire». Sans se remettre en cause par le fait d’apposer sa signature sur un document dont il ignorait le contenu, l’ancien député a fait endosser toute la responsabilité de son acte à son ancien supérieur.