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Ressources naturelles Nakib Ali Mhoumadi : «Nous voulons relancer les secteurs pétrolier et minier»

Ressources naturelles Nakib Ali Mhoumadi : «Nous voulons relancer les secteurs pétrolier et minier»

Société | -   Youssef Abdou

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Le Bureau géologique des Comores (Bgc) joue un rôle stratégique dans la valorisation des ressources naturelles de l’archipel. Entre exploration pétrolière, développement géothermique, cartographie minière et prévention des géorisques, l’institution s’impose comme un acteur clé du développement durable. Dans cet entretien, son directeur général, Nakib Ali Mhoumadi, revient sur les avancées réalisées, les défis rencontrés et les priorités du Bgc, tout en appelant à une mobilisation collective autour des richesses du sous-sol comorien.

 

Pouvez-vous nous rappeler les missions de votre institution ?


Le Bureau géologique des Comores a été créé pour remplir trois missions essentielles. D’abord, le contrôle des ressources minières et la gestion durable des ressources naturelles du pays. Ensuite, nous intervenons dans plusieurs domaines tels que l’exploration des hydrocarbures (comme le pétrole), la recherche géothermique, la cartographie géologique, ainsi que l’analyse des risques environnementaux. L’objectif est de soutenir le développement économique des Comores tout en veillant à la préservation de l’environnement. Le Bgc joue également un rôle clé dans la collecte et l’analyse de données géo scientifiques, indispensables pour orienter les politiques publiques.

Où en sommes-nous avec le pétrole et le gaz supposés exister dans les fonds marins comoriens ? Qu’a-t-il été fait jusqu’à présent ?


Nous avons collaboré avec deux compagnies. Western Energy, d’abord, avec qui nous avons travaillé depuis 2014. Mais en raison du non-respect de leurs obligations contractuelles, nous avons dû résilier le contrat. Ensuite, le consortium Bahari Discover a mené des recherches et estimé les gisements, mais faute de moyens financiers, leurs activités ont été suspendues. Je tiens à clarifier ce dossier, car beaucoup de rumeurs circulent, laissant penser que nous nous sommes désintéressés du secteur pétrolier. En réalité, ce sont les compagnies qui n’ont pas respecté leurs engagements. Depuis mon arrivée, il y a un peu plus d’un an, nous avons travaillé d’arrache-pied avec le gouvernement comorien. Ensemble, nous sommes prêts à relancer le secteur, et de nouveaux contrats seront bientôt signés.

Et concernant la géothermie, peut-on dire que le projet avance ?


Absolument. C’est un projet ambitieux qui nécessite environ 190 millions de dollars, répartis en trois phases. La première, exploratoire, visant à évaluer le potentiel géothermique à travers des études, est déjà achevée. Nous sommes actuellement dans la deuxième phase, celle des forages exploratoires, estimée à plus de 44 millions de dollars. Ce financement a déjà été obtenu grâce à la Banque africaine de développement, à l’Union africaine, au Programme des Nations unies pour le développement et au gouvernement comorien. Cependant, nous devons encore construire une route vers Bahani et réaliser cinq forages d’eau avant de procéder aux trois forages géothermiques, probablement au début de l’année 2027.

Depuis la création du Bgc, quels sont les projets majeurs réalisés ?


Nos projets sont de longue haleine. Ce ne sont pas des initiatives qui se concrétisent du jour au lendemain, surtout au vu des moyens dont nous disposons. Nous avons besoin de soutien. Dans le secteur pétrolier, il faut compter au minimum huit ans pour mener un projet à terme, même pour une entreprise disposant de tous les moyens. En outre, les compagnies sont souvent prudentes à cause de la volatilité des prix du pétrole. Nous avons accompagné les deux sociétés, Western Energy et Bahari Discover, mais elles n’ont pas pu aller jusqu’au bout, faute de moyens.


Pour le projet géothermique, les études ont véritablement commencé en 2015. Les travaux de forage ont démarré en 2017 et s’étendront jusqu’en 2028, principalement autour du mont Karthala. Même avec les ressources nécessaires, on ne peut pas improviser un tel projet. Nous avançons étape par étape, en remplissant nos missions quotidiennement. Enfin, dans le domaine minier, nous avons mené des études avec une société iranienne, Parskan, qui a identifié des zones présentant des traces de ressources naturelles.

Avez-vous identifié des ressources exploitables ou prometteuses dans l’archipel ?


C’est une question importante pour les Comoriens. Des études menées depuis 2009 par la société Parskan ont révélé la présence de ressources naturelles exploitables. Ces données ont été vérifiées par nos soins à travers des campagnes de cartographie, notamment à Ndzuani et à Ngazidja. À Mwali, les interventions restent encore limitées, mais nous poursuivons nos efforts sur les deux autres îles. J’insiste sur le fait que ces ressources, pour l’instant, se résument à du sable contenant des minéraux. Seule leur teneur pourra déterminer s’ils sont exploitables d’un point de vue économique.

Malheureusement, par ignorance, certains de ces matériaux sont déjà utilisés dans la construction sans connaître leur véritable valeur. Nous voulons maintenant faire adopter un nouveau code minier et mettre en place notre propre laboratoire national. Cela nous permettra de quantifier les ressources disponibles et de déterminer leur potentiel économique avant toute exploitation. Mais cela prend du temps. Nous y travaillons activement.

Le Bgc intervient également dans la gestion des géorisques. Quelles actions menez-vous dans ce domaine ?


Nous avons mis en place une équipe dédiée à l’étude des géorisques. Nous développons actuellement un projet nécessitant d’importants financements pour identifier les zones à risque et proposer des mesures de prévention, notamment contre les glissements de terrain. Ce phénomène est particulièrement préoccupant à Ndzuani ces dernières années. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Le projet est actuellement en phase finale. Nous allons solliciter des bailleurs de fonds et le présenter au gouvernement pour trouver une solution durable. Nous vivons dans un pays volcanique et montagneux, où les crues et glissements de terrain sont fréquents. Ces phénomènes, amplifiés par le changement climatique, causent régulièrement des accidents. C’est pourquoi nous avons élaboré un projet global qui prend en compte tous ces facteurs pour apporter des solutions concrètes dans un avenir proche.

Quelles sont aujourd’hui les principales difficultés de votre institution ?
Une partie de nos problèmes a été résolue, mais nous manquons encore de ressources humaines qualifiées. Il y a dix à quinze ans, les domaines de la géologie pétrolière et géothermique étaient inexistants aux Comores. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’une nouvelle génération de jeunes commence à s’y intéresser. Nos moyens financiers restent également limités, surtout pour des secteurs aussi coûteux que l’exploration et l’exploitation. Nous remercions néanmoins le gouvernement comorien qui subventionne le Bgc, ce qui nous permet de poursuivre les projets déjà engagés.

Quels sont les projets prioritaires du Bgc pour les prochaines années ?


Ma priorité actuelle est de réformer l’institution en profondeur. Il s’agit d’assainir la gestion interne afin de rendre le Bgc pleinement opérationnel, avec une gouvernance renforcée et des moyens adaptés à ses missions. Nous souhaitons également rendre notre laboratoire géologique fonctionnel. C’est un outil indispensable pour analyser les échantillons et valider les ressources naturelles. Par ailleurs, nous voulons relancer les secteurs pétrolier et minier, qui représentent un potentiel économique important pour le pays. Enfin, nous envisageons l’acquisition d’un grand camion de forage. Cela nous permettra de mener nos campagnes de prospection de manière plus autonome, tout en réduisant notre dépendance vis-à-vis des prestataires extérieurs.

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