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Retrait du pays de l’Ohada Ibrahim Ali Mzimba mis en minorité

Retrait du pays de l’Ohada Ibrahim Ali Mzimba mis en minorité

Société | -   Mariata Moussa

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Quelques jours après les déclarations du bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Ibrahim Ali Mzimba, prônant le retrait du pays de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, les réactions qui soutiennent la thèse contraire sont nombreuses . Après le vice-président chargé du ministère de l’Economie et ancien président de la Commission nationale Ohada, la Cacom, la Chambre de commerce et autres avocats ont tenu à réagir.

 

Secrétaire greffier de la Cour d’arbitrage des Comores (Cacom), Abdérémane Mohamed ne s’aligne pas sur les déclarations du bâtonnier de l’Ordre des avocats, qui souhaite le retrait du pays de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des Affaires en Afrique (Ohada). Selon lui, l’appartenance du pays à cette organisation est une bonne chose car elle a doté le  pays d’un climat propice aux affaires, dans la mesure où le droit qui y est appliqué provient de plusieurs actes uniques.

 


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Assurant le rôle de greffier de cette juridiction, un produit direct de l’Ohada, Abdérémane Mohamed a tenu a précisé que la Cacom a été mise en place en 2012 conformément à l’acte unique d’arbitrage. Cette juridiction a beaucoup d’avantage pour le pays car nous avons pu régler plusieurs litiges en très peu de temps et en toute confidentialité, chose qui n’est pas possible auprès des tribunaux et Cours étatiques.

Liens directs entre économie, investissements et bonne gouvernance

Pour le greffier, le règlement d’une affaire par voie d’arbitrage dure en moyenne six mois et trois mois en médiation, en toute confidentialité loin des regards des médias. Cette célérité dans le traitement des affaires est unique ce qui n’est pas le cas des tribunaux et cours étatique, où les délais des procédures durent au moins deux ans. 

A son tour, Faiza Soulé Ibrahim, de la Cacom a soutenu que les sentences rendues par la Cacom sont adressées à la Cour d’appel pour exéquatur et en cas de contestation, c’est auprès de la Cour commune de justice et d’arbitrage d’Abidjan qu’il faut se pourvoir en cassation. Au terme de son intervention, la greffière a soutenu que cette procédure de cassation ne nécessite pas un déplacement.

 

La distance n’est pas un argument et nous déplorons que le bâtonnier puisse souhaiter le retrait de notre pays sans tenir compte de toutes les avancées constatées.


Du côté de la Chambre de commerce, les déclarations du président du conseil de l’Ordre ont été accueillies avec tristesse car cet outil a apporté au pays une sécurité juridique et judiciaire. “Nous avons renoncé aux textes coloniaux au profit du droit Ohada qui constitue une véritable référence”.
Selon le secrétaire général, de l’institution, Fakriddine Youssouf Abdoulhalik, contrairement à ce que pense l’éminent avocat, les personnes qui ont œuvré à l’intégration du pays dans cette organisation ont été bien inspirées car elles ont mis en place des liens directs entre économie, investissement et bonne gouvernance juridique.

 

Notre appartenance à cette organisation a permis de moderniser notre cadre légal des affaires, de nous adapter au monde actuel et surtout de créer un climat de confiance dans le sens où les défaillances de la justice locale peuvent être rectifiées par un juge supranational.


Pour le secrétaire général, cette possibilité de se pourvoir en cassation auprès de cette juridiction communautaire constitue également un moyen de pression pour le juge local. “Avant de rendre une décision, le magistrat sera obligé de bien mesurer ses motivations par peur de se faire sanctionner par un juge étranger”. Quant à Me Aicham Itbar, il pense qu’il est légitime, en sa qualité de bâtonnier d’un Ordre des avocats ressortissant d’un pays membre de l’Ohada, de s’interroger sur le  bilan de ces 23 années d’appartenance au giron du droit communautaire.

“On ne peut en tout cas pas contester la légitimité et le caractère intéressant de cet exercice, toutefois, je ne partage pas l’idée d’un retrait des Comores de l’organisation et j’ai été plus convaincu par les arguments du bâtonnier en faveur d’une évolution de la procédure de saisine de la Ccja”.

Rendre l’Ohada plus accessible

Au sujet du défaut de proximité et d’accès soutenu par le bâtonnier de l’Ordre, l’avocat avance qu’il a au moins un avantage et un inconvénient certains, dans l’éloignement géographique du pays à la juridiction communautaire, cependant la réalité est indéniable. “Dans une société de proximité comme les Comores, un pays de moins de 800 000 habitants, le risque de conflit d’intérêt entre justiciable et corps judicaire est plus qu’évident. Et la Ccja dans l’absolu a au moins le mérite de rassurer de par son éloignement géographique du traitement impartial des litiges pourvus en cassation”.

Le revers est que le sentiment d’une justice éloignée du justiciable est indéniable, mais à mon avis ce n’est qu’un sentiment, et d’ailleurs aujourd’hui plus qu’il y’a encore cinq ans, l’Ohada et la Ccja sont de plus en plus présents et proches du justiciable comorien.

Je rejoins par contre le bâtonnier sur un aspect, c’est que je suis convaincu que cet effort de rapprochement de la Ccja du justiciable n’a pas été achevé. Nous sommes un territoire insulaire, donc encore plus éloigné que d’autre pays du continent, des réformes de la procédure sont indispensables pour rendre cette Cour plus accessible des justiciables comoriens : la possibilité par exemple de signifier les écritures à la Cour et aux parties par voie électronique et non uniquement par voie postale faciliterait sensiblement l’accès. Sur ces réformes, la réduction des délais de procédures est nécessaire car il me semble aberrant, ou  illogique, que les délais de traitement des pourvois en cassation devant notre juridiction de cassation soient différents, ou en tout cas plus rapides que ceux de la juridiction communautaire.

Quant au souhait de remplacer l’Ohada par une juridiction régionale qui serait composée des pays membres de la Commission de l’océan indien, Me Aicham Itbar voit en cela un retard d’au moins 20 ans. Notre appartenance à l’Ohada depuis deux décennies nous permet d’hériter aujourd’hui d’un ensemble normatif d’un droit des affaires stable et surtout d’une construction jurisprudentielle de la Ccja qui éclaire chaque jour notre justice. L’opportunité économique d’une intégration juridique régionale va donc nécessairement, et ce pour au moins encore vingt ans, affecter cette stabilité juridique acquise durant deux décennies de construction d’un droit communautaire.


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