Lundi soir, le président de la République, Azali Assoumani, a pris une décision historique en libéralisant le marché du riz ordinaire à travers le décret N°23-060/PR, qui modifie les statuts de l’Office national d’importation et de commercialisation du riz (Onicor). Cette mesure met fin à un monopole qui a longtemps caractérisé le pays, suscitant ainsi de nombreuses interrogations. Pourquoi cette décision a-t-elle été prise ? Quel sera l’avenir de l’Onicor, qui a déjà du mal à se maintenir même en tant que seul fournisseur de riz ? Quelles seront les répercussions pour les consommateurs ? Comment l’Onicor réagit-il face à cette situation ?
Une gestion critiquée, des pénuries récurrentes
À l’instar d’autres entreprises telles que Ma-mwe, aujourd’hui devenue Sonelec et Sonede, ou encore l’opérateur historique Comores télécom avant l’arrivée de Telma, l’Onicor détenait depuis longtemps le monopole de la commercialisation du riz ordinaire dans le pays. Toutefois, contrairement à ces autres sociétés, l’Onicor était responsable du produit le plus consommé dans le pays. Malgré cela, l’entreprise a toujours éprouvé des difficultés à fonctionner de manière efficace, alternant entre une gestion critiquée, des pénuries récurrentes, dont une récente ayant provoqué des scènes apocalyptiques, et des prix exorbitants ayant créé de nombreuses tensions entre le ministère de tutelle, celui de l’Économie, et ladite société.
Maintenant que la libéralisation est devenue une réalité, quel avenir se profile pour l’Onicor ? Le directeur général de la société, Abdou Miroidi, a promis de répondre à cette question aujourd’hui, mercredi. En interne, le décret n’a pas suscité de surprise et n’a pas été bien accueilli. Les employés craignent la liquidation de l’entreprise et affirment que celle-ci n’a pas été consultée avant la prise de cette mesure. Les divergences entre le ministère de tutelle et l’Onicor, notamment en ce qui concerne la fixation des prix, sont également évoquées. Les prix étaient en effet déconnectés de la réalité du marché, ce qui a contraint l’Onicor à vendre à perte. Néanmoins, nos sources reconnaissent que «l’Onicor n’est pas exempt de tout reproche», tout en soulignant qu’ils ne sont pas opposés à l’ouverture à la concurrence, considérant cela comme une évolution positive pour le pays. Cependant, ils estiment qu’il aurait été nécessaire d’associer l’Onicor à cette mesure et d’établir des conditions préalables avant de la mettre en place.
60 000 tonnes de riz chaque année
A ce propos, on se souvient que dans notre édition N°4402 du vendredi 08-04-2022, Al-watwan avait rapporté une perte de plus de huit milliards de francs comoriens depuis avril 2018, attribuée à la publication de l’arrêté N°18/009/Vpmeeiatispaf/Cab, suivi de la décision N°18/068/Vpmeeiatispaf/Cab en avril 2018. À l’époque, le gouvernement avait réduit le prix de la tonne de riz, le faisant passer de 283 000 francs à 253 000 francs, ce qui avait entraîné une perte de 215 francs par tonne. Notre édition de cette date rapportait que l’Office national importait environ 60 000 tonnes de riz chaque année. Cette situation a entraîné de nombreuses difficultés et des plans de sortie de crise ont été élaborés pour maintenir l’Office à flot. Les raisons de ces difficultés ont également été attribuées à la Covid-19 et à la guerre en Ukraine. Malgré les rappels à l’ordre fréquents des ministères des Finances et de l’Économie, l’Office a été contraint d’augmenter ses prix.
Du côté des petits commerçants, la libéralisation du secteur est bien perçue, tant par la population que par les commerçants eux-mêmes. Abdou, qui tient une échoppe à Moroni, se réjouit ainsi : «Maintenant, on va pouvoir souffler. Fini les galères pour obtenir le précieux sésame, et surtout, la diversité sera là. J’espère juste que les licences seront octroyées dans le respect des normes qui seront fixées, cela offrira des opportunités à de nouveaux acteurs commerciaux.» Kassim, un père de famille, partage cet avis en ajoutant : «Ce n’est pas facile de nourrir plusieurs personnes avec la crise que nous traversons, donc si d’autres peuvent intégrer ce marché, c’est bénéfique.»
Malheureusement, les ministères de l’Économie et des Finances, la Nouvelle Opaco, le Modec, l’association des commerçants de Ndzuani (Ankiba) et l’Union des chambres de commerce n’ont pas donné suite à nos sollicitations dans les délais impartis.