C’est par un de ses messages amusants qu’Onicor (Office d’importation et de commercialisation du riz) a annoncé l’arrivée du riz le mardi 30 juillet au port de Mutsamudu : «C’est avec joie que nous vous informons que nous avons récemment reçu un total de 96 conteneurs de riz, dont 46 conteneurs ont été destinés à Anjouan et 50 conteneurs à Moroni. Les livraisons des 46 conteneurs à Anjouan ont commencé aujourd’hui, et nous prévoyons que les 50 conteneurs arriveront à Moroni le 6 août prochain, inchallah.»
Jadis, le riz ordinaire commandé par Onicor était disponible en permanence dans les magasins et épiceries. Les citoyens comoriens, dont une grande partie vit au jour le jour, pouvaient l’acheter à tout moment. Mais ce bon vieux temps est révolu depuis quelque temps : n’a pas de riz qui veut, même avec de l’argent en poche. Et de nos jours, l’arrivée d’une cargaison de riz est annoncée comme « un exploit ».
46 conteneurs de riz pour 23 jours
Il faut noter que 46 conteneurs de riz équivalent à environ 23 jours de consommation à Ndzuani, car l’île en consomme au moins deux par jour. Quand la seule société censée approvisionner le pays en riz n’est pas en mesure de constituer un stock de plus de trois semaines, cela crée une situation de pénurie endémique, parfois réelle, parfois artificielle, mais dans tous les cas inéluctable.
Un responsable de cette société, s’expliquant sur le sujet au palais du gouvernorat de Mwali le mardi 30 juillet dernier, a implicitement reconnu cette incapacité. «Il se peut qu’il y ait un peu de manque, mais ce n’est pas la même chose que de dire qu’il n’y en a pas du tout. Les gens qui n’ont pas de riz n’ont peut-être pas d’argent pour en acheter. Car on n’a pas de riz en permanence, mais on fait venir le riz par cargaison.
Et même quand le riz est disponible, il y a des gens qui n’ont pas d’argent pour en acheter», a-t-il affirmé. À Ndzuani, cela fait un moment que la population locale semble avoir compris que la pénurie de riz ordinaire est une plaie ouverte. Cela l’a poussée à explorer d’autres modèles nutritionnels, même si leurs prix suivent encore la tendance haussière impulsée par le manque du grain blanc. «Nous sommes habitués à manger du riz ordinaire Onicor.
Mais avec cette pénurie, les gens se tournent vers des produits comme le riz parfumé, qui se vend à 1250 francs le kilogramme contre 600 francs pour l’Onicor», confie Mcomoro, vendeur au marché de Wani. Les pâtes, sous forme de vermicelles, macaronis ou soupes chinoises, ainsi que des plats à base de banane et de manioc, deviennent les substituts de choix, souvent consommés avec du pain et du thé.
Les prix des produits agricoles ont également augmenté, accentuant la difficulté pour les habitants de se nourrir. «Un oignon qui coûtait 400 francs est désormais vendu à 1500 francs, et la pomme de terre est passée de 750 à 1500 francs », détaille Mcomoro. Cette situation a favorisé l’essor de la boulangerie.
«Avec la pénurie de riz, les gens se tournent de plus en plus vers le pain», note une mère de famille à Mirontsi, en face d’une boulangerie nouvellement ouverte. Il faut d’ailleurs signaler que rien que dans la ville voisine de Mutsamudu, six nouvelles boulangeries ont ouvert leurs portes cette année. Ici, la demande de pain a crû.
Les habitants l’accompagnent de fromage, de confiture ou même de macaronis, en remplacement du riz.Dans les régions rurales, la consommation locale de féculents comme la banane, la patate douce et la pomme de terre, ainsi que de produits laitiers et de maïs, est mise en avant. «On consomme surtout ce que l’on cultive. L’arrivée des «je-viens» [Comoriens vivant en France] a aussi compliqué l’accès aux produits agricoles», confirme Boura, agriculteur à Adda.
Le responsable du marché de Wani, Abderrahmane Abdallah, ajoute : «Les produits ne suffisent pas toujours, surtout avec l’arrivée des «je-viens». Les habitants doivent désormais faire face à des choix limités et à des prix en constante augmentation.»
Face à cette crise, la population de Ndzuani montre plutôt de la résilience. Avec l’espoir que la farine ne vienne pas à manquer, le pain pourrait bien devenir le pilier de l’alimentation locale.