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Route Dindri-Lingoni : La transversale de la délivrance

Route Dindri-Lingoni : La transversale de la délivrance

Société | -

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Deux mois après la pose de la première pierre, les travaux de la route Didrin-Lingoni battent leur plein malgré des conditions météorologiques et environnementales parfois hostiles. A Lingoni dans la région de la cuvette, l’enjeu est tout autre. Il s’agit de sortir cette bourgade de l’isolement total. Ici, il n’y a ni route ni électricité. Et des habitants résignés pendant tout ce temps, à vivre à l’ancienne. Témoignages au sommet du mont Tringui où traverse cette route.

 

Niché aux confins de la zone forestière du mot Tringui et à quelques encablures du lac Dzialandze, Lingoni est un coin du monde sorti des sentiers battus, au vrai sens du mot. Ni route, ni électricité. Pour accéder à ce village de 2.228 âmes (statistique de 1991), il faut  se glisser à travers des layons en plein cœur du mont Tringui, trainant ses 1.595 m d’altitude. «Là je regagne Lingoni, après l’école. Comme j’ai eu une voiture qui m’a déposé ici, j’ai changé d’itinéraire, parce que ce chemin est le plus simple et pratique», raconte Faydhata Absoir, rencontrée sur le chemin de retour au beau milieu de la route en plein chantier. La jeune fille ajoute : «il y a quelques temps, pour se rendre au village, on marchait à pieds, parce qu’il n’y avait ici que forêt dense et falaises. On empruntait des sentiers très étroits. On rencontrait les difficultés du monde pour transporter ne serait-ce qu’un malade vers l’hôpital. Pour le transférer à Mutsamudu, on n’avait pas de choix que d’escalader ces falaises», a-t-elle poursuivi.


Les travaux routiers en cours auront fait oublier des souvenirs douloureux, comme le raconte, Bakari, cultivateur croisé au sommet du mot Tringui où traverse la route. «Avant l’avènement de cette route, on portait nos sacs sur nos têtes. Et quand il y a quelqu’un décédé ici au champ, c’était toujours compliquer de transporter son corps. Les difficultés sont donc derrière nous », dit-il. «On peut donc bien travailler nos terres, parce que le problème de l’acheminement des produits ne se posera pas. Dieu soit loué pour ceux qui ont porté ce projet. Quand tu veux te rendre dans un enterrement à Lingoni,  le trajet se fait à pieds. Sinon les habitants se trouvent obligés de passer par Nyumakele alors que là aussi la route est très dégradée. Tu peux trouver que le soir sous une pluie battante, on emprunte sentiers et ravins qu’on les éclaire à l’aide d’une lampe tempête. Maintenant les difficultés sont allégées, Dieu merci, car le trajet, on le fait en 10mn», se réjouit Bakari.

 


Dans cette région perdue de Nzuwani, le défi est énorme pour l’entreprise chargée de mener les travaux. Il s’agit de perforer la montagne et de construire des ponts surplombant des torrents, pour désenclaver cette zone agricole et sortir les habitants de l’isolement. Les villageois ont été contraints de vivre à l’ancienne.  Certains n’oublient pas les promesses jamais tenues par les politiques et tentent de gommer leurs douleurs après le démarrage des travaux. «On a eu trop de promesses sans lendemains au point d’être plongé dans le scepticisme quant à la construction de cette route. Mais aujourd’hui l’espoir est de mise. Que du bonheur, parce que dorénavant, on ne sera pas obligé de rester à Mutsamudu, bien loin de nos familles», a fait savoir Faydhata Absoir. La jeune étudiante, retient son souffle, puis reprend ses mots. «Si quelqu’un se blesse au champ on le porte sur un brancard d’infortune, fabriqué à partir des troncs d’arbres dont on se relaie jusqu’à l’arrivé à son domicile. Toujours est-il que les sentiers sont sinueux. Aujourd’hui, c’est assez différent parce que les voitures peuvent accéder ici bien que les travaux de la route de Lingoni soient en cours. Les voitures que vous voyez là se rendent à Dindri», se rappelle-t-elle avec un brin de regret. Lancé au mois d’octobre dernier au cours d’une cérémonie solennelle présidée par le chef de l’Etat à Dindri, cette transversale de 11 km va désenclaver une zone à la fois agricole et protégée – zone forestière avec le lac dzialandze, classé parmi les aires protégées du pays  – d’où son importance.  

M.Mbaé et Ibrahim Youssouf

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