Comme nous vous l’annoncions dans notre livraison d’hier jeudi 3 mars, Mohamed Abdou Mhadjou, directeur général de l’Office de la radiotélévision national des Comores (Ortc) disait devoir ponctionner le salaire de certains de ses agents pour pouvoir dégager de l’argent devant servir à payer 150 autres agents qui ne percevaient, jusqu’ici aucune rémunération.
Suite à cette décision, Al-watwan s’est approché de quelques juristes et de l’inspection générale du travail pour savoir si cette mesure, prise unilatéralement par Mohamed Abdou Mhadjou est fondé et si comme il le dit, les textes notamment le Code du travail le lui permettent.
L’article 118 du code du travail
Pour Nourdine Madjid, inspecteur général du travail, le directeur général de l’Ortc a clairement transgressé les textes. L’intéressé citera le Code du travail en son article 118 qui stipule qu’il “est interdit à l’employeur de restreindre de quelque manière que ce soit la liberté du travailleur de disposer de son salaire à son gré sauf une autorisation prescrite par l’inspecteur du travail. Les acomptes sur un travail en cours ne sont pas considérés comme avances”. Nourdine Madjid affirme donc que Mohamed Abdou Mhadjou ne s’est pas conformé aux textes puisqu’il “ne m’a pas averti et n’a donc pas motivé les raisons de sa décision.
L’inspecteur général du travail assure que désormais, les agents qui sont lésés par cette mesure doivent le saisir pour qu’il convoque à son tour leur directeur général afin de lui expliquer que sa décision est illégale”.
Signe que la mesure de la direction générale dérange, un des membres de son équipe qui a requis l’anonymat dit regretter la situation.
“Il déclare s’appuyer sur le Code du travail, or ce texte ne lui permet pas de ponctionner les salaires de ces agents sans discussions et consentements des deux parties signataires du contrat qui les lie”, déclare ce haut responsable de l’Ortc avant de poursuivre “l’employeur ne peut pas changer les éléments essentiels du contrat sans concertation avec son employé et parmi ces éléments essentiels figure le salaire”. Notre source ajoutera qu’il aurait fallu que les agents soient avertis, or cela n’a pas été le cas. “Il aurait également fallu motiver sa décision par écrit et surtout dire quelle durée cette mesure sera en vigueur”.
De son côté, Me Zaid Omar, abonde dans ce sens et estime que “cette décision est un précédent dangereux qui porte atteinte aux droits au salaire reconnu à tout travailleur. Il s’agit d’une violation flagrante des dispositions des articles 118 et 120 du Code du travail révisé en 2012. D’une part, l’article 118 alinéa 1 interdit formellement à tout employeur de « restreindre de quelque manière que ce soit la liberté du travailleur de disposer de son salaire à son gré sauf autorisation prescrite par l’inspecteur du travail »”. Ainsi, “réduire le salaire des employés, quels que soient les motifs économiques et sociaux évoqués, est en soi une restriction de leur droit de percevoir leurs salaires en intégralité pour en disposer volontairement”, poursuit Me Zaid Omar.
Et d’autre part, “aux termes du premier alinéa de l’article 120, « les dispositions d’une convention ou d’un contrat autorisant tout prélèvement sont nulles de plein droit ». Cet article interdit clairement les accords conclus entre l’employeur et le travailleur en vue de retenir une partie de son salaire. À plus forte raison, la décision unilatérale de l’employeur de prélever une fraction du salaire de son employé ne peut qu’être un abus manifeste.
Le deuxième alinéa de cet article donne droit au travailleur, dont une partie du salaire a été prélevée en violation des dispositions prévues au premier alinéa, de réclamer le paiement des sommes retenues à tort et ces sommes « portent intérêt à son profit au taux légal depuis la date où elles auraient dû être payées»”, conclut-il. Il reste désormais à savoir si les agents concernés vont porter l’affaire devant l’inspection générale du travail et la justice ou non. Pour l’heure, ce n’est pas le cas.