Al-watwan : Où en est l’affaire de la mairie de Vuani ? Et d’ailleurs qu’est-ce qu’il s’est réellement passé pour que cette mairie soit cadenassée depuis l’élection du maire ?
Saindou Ali Assane : Vuani est l’une des premières communes où s’est tenue l’élection du maire et l’installation du conseil communal [dès le mois de mars 2020]. Mais dès le lendemain, l’équipe vaincue a fermé la mairie pour des raisons inconnues. Et jusqu’à ce jour, la maire élue et investie n’y a pas accès.
Al-watwan : Comment travaille-t-elle alors ?
SAA : La réalité est que, depuis, il existe 3 registres d’état-civil dans cette commune : celui tenu par la nouvelle maire [Saidou Brahim Sahada], celui du maire sortant [Ali Saïd Houmadi] et celui aux mains de la tête de liste vaincue [Ahmed Malide].
Ce dernier a été “investi” maire par le maire sortant ! Mais dans tout cela, c’est la population de cette commune, qui est la plus vaste de l’île avec 14 localités, qui est pénalisée. Car, pour le moment, la justice de l’île reconnaît tous les actes signés par ces trois “maires” parallèles, mais l’on ne sait pas ce qu’il adviendra dans l’avenir. Car cela signifie en même temps qu’un enfant né dans cette commune peut se voir attribuer le même numéro d’acte de naissance qu’un autre, né le même jour !
Al-watwan : Comment expliquer qu’un individu, ou un groupe d’individus soient ainsi parvenus à fermer les locaux d’une mairie pendant plusieurs mois, dans l’impunité, et dans l’indifférence des autorités politiques et judiciaires ?
SAA : Ce qui est certain, c’est qu’il faut une grande réorganisation de l’administration, surtout communale, dans l’île de Ndzuani. Certains maires ont même nommé leurs secrétaires généraux et leurs receveurs, contrairement à ce que dit la loi. Nous travaillons pour régulariser cette situation rapidement, avec l’accompagnement du gouvernement et de la justice. Beaucoup de choses pourraient être améliorées si, déjà, on plaçait les bonnes personnes aux bons postes. Vous savez, l’État a formé, entre 2015 et 2017 au Centre universitaire de Patsy, 40 personnes, autrement dit 2 à raison d’une commune, sur la gestion des communes [ces personnes sont depuis 2017 titulaires d’une licence professionnelle en administration et gestion des collectivités territoriales]. Mais aucune d’elles n’a été recrutée! J’ai leurs dossiers ici dans ces tiroirs !
Al-watwan : Quelles autres communes connaissent justement des dysfonctionnements ?
SAA : Dans la commune de Ngandzale, l’élection du maire a été annulée par la Cour suprême. La signature du secrétaire général de cette mairie, lequel gère les affaires courantes en attendant la tenue d’une nouvelle élection, n’est cependant pas reconnue par le ministère des Affaires étrangères. Dans la commune de Hadda aussi, l’élection du maire a été annulée à deux reprises. Ici, c’est la mairie sortante qui gère jusqu’à présent les affaires courantes. Mais je me réjouis de voir qu’à ce jour, la plupart des communes ont tenu leurs premières sessions, auxquelles j’ai assisté.
Al-watwan : À part le règlement des conflits dans les municipalités, votre direction conduit-elle un projet consolidé dédié aux communes de l’île ?
SAA : Oui. Notre direction aide les communes à mettre en place l’intercommunalité. Celle-ci comprend notamment un projet de gestion commune des ordures, un autre de gardiennage des espaces champêtres afin de lutter efficacement contre le maraudage, et un autre projet sur l’harmonisation de l’état civil, c’est-à-dire concevoir un modèle unique des actes d’état civil pour toutes les communes.
Al-watwan : Et par rapport au financement des communes, le gouvernement a-t-il prévu de leur verser enfin leur fameux centime additionnel ?
SAA : L’Etat a suspendu le versement de ce centime additionnel, qui est de l’ordre d’un million de francs mensuels pour chaque commune, car il estime que les communes doivent d’abord démontrer une bonne gestion des ressources financières qu’elles engrangent déjà. Mais s’agissant de moyens de fonctionnement, notre direction en souffre beaucoup plus, alors que c’est elle qui est censée accompagner l’essor des communes. Vous serez peut-être surpris d’apprendre que notre siège n’est même pas branché au réseau électrique ! Je n’ai aucune indemnité de fonction, seulement mon salaire, que je dois encore grignoter pour financer certaines de mes activités. Notre local a même récemment failli être réquisitionné par l’armée !
Il est interdit de copier ou de reproduire partiellement ou totalement, cet article sans l’autorisation d’Al-watwan.