La semaine dernière ont été organisées, à Moroni, les assises nationales de l’énergie. Qu’ont-elles décidé pour Ndzuani ?
Nous avons maintenant l’électricité, mais le chef de l’Etat ne veut pas que l’on dorme sur nos lauriers. Il souhaite qu’elle devienne pérenne. D’où cette table-ronde, à laquelle il a participé du début à la fin. Au niveau de Ndzuani, nous aurons l’énergie solaire d’ici peu, en quantité satisfaisante.
Et les financements sont déjà disponibles. Quant à l’hydraulique, vous savez que c’est quelque chose de purement anjouanais. Les études sont en bonne voie. Mais nous ne devons pas nous accrocher à l’arrivée de ces technologies au point de négliger le thermique que nous avons déjà.
Ces énergies propres pourront être exploitées d’ici à quelle date et à quelle proportion par rapport à l’énergie thermique ?
Je n’aime pas me montrer trop optimiste ; je préfère garder les pieds sur terre, mais je peux vous dire que la part du solaire à elle seule sera satisfaisante. Couplée à celle de l’hydraulique, il se pourrait bien qu’au bout du compte l’on n’ait même pas besoin d’utiliser nos générateurs classiques.
Mais encore une fois, ce sont des technologies que nous ne maitrisons pas encore et le plus intelligeant sera pour nous de bien conserver notre centrale thermique, tout en misant sur elles.
Depuis avril dernier, et grâce aux nouveaux générateurs, l’électricité est permanente dans l’île, comme dans le reste du pays. C’est à quel prix ? Et à quoi sont dues ces petites coupures impromptues ?
Ces nouveaux générateurs nous ont soulagés au niveau technique. Parmi nos anciennes machines, il y en a deux qui n’ont pas été révisées. Le gouvernement nous aidera à le faire, afin de disposer de groupes de réserve. Nous avons, toutefois, un problème avec notre réseau.
Nous utilisons encore beaucoup de poteaux électriques en bois, usés, et quand ils s’abattent cela provoquent ces déclenchements. Un générateur peut quelquefois lâcher, mais le plus souvent ces coupures ne sont dues ni à un manque de carburant, ni à un autre problème technique.
Il peut s’agir aussi d’un arbre tombé et qui a sectionné des câbles, ou d’une chauve-souris électrocutée. Il y a une solution à ce problème, mais qui demande des moyens. Nous devons nous équiper de sectionneurs et de disjoncteurs sur le réseau.
Prions Dieu de trouver rapidement les moyens pour les acheter. Côté financier, suite au démarrage des nouveaux générateurs, nous, personnel d’Eda, étions obligés de retarder le paiement de nos salaires pour pouvoir acheter le gas-oil.
Mais le sacrifice a payé car nous sommes en train de retrouver notre équilibre financier : il ne nous reste en effet plus qu’un mois d’arriéré de salaire et nous n’avons pas de dette auprès de Comor Hydrocarbures.
C’est un succès du personnel d’Eda, des anciens cadres comme des jeunes employés. Il reste maintenant à éradiquer la fraude de l’électricité dans les ménages, qui sape nos efforts. Et pour cela nous demandons à la population de s’approprier aussi ce combat.
Récemment, des employés de la centrale ont été appréhendés, la nuit par la gendarmerie, avec 600 litres de gas-oil volés. Quelles mesures avez-vous justement prises contre ce genre d’acte comme pour la lutte contre les branchements illégaux ?
Depuis que j’ai pris ces fonctions, c’était la première fois que j’apprenais un vol de gas-oil par des employés. L’enquête suit toujours son cours ; c’est maintenant une affaire entre les mains des autorités et de la justice. Je suis, toutefois, persuadé que c’était un acte isolé ; le personnel de la centrale a pris ses responsabilités pour éviter qu’une telle chose ne se reproduise.
Sachez que l’approvisionnement du gas-oil se fait en présence de notre direction, des agents de la centrale, de l’armée et du fournisseur, Comor Hydrocarbures.
S’agissant du vol d’électricité, notre brigade de contrôle a été formée par l’armée. Quand les gens verront ses agents chez eux, tard le soir, ils devront comprendre que ce n’est pas pour les déranger mais pour faire leur travail.
Comment se définit actuellement votre politique de recouvrement vis-à-vis de l’administration publique et des gros clients, notamment les entreprises ? Nous avons, par exemple, déjà vu l’aéroport de Wani débranché du réseau pour cause d’arriérés de facture…
L’installation des compteurs à prépaiement chez les gros consommateurs et dans l’administration publique doit impérativement se faire dans toute l’île.
Il y a une chose que je ne comprends pas : les cadres et hauts cadres qui dirigent ces bureaux administratifs, comment n’arrivent-ils pas, de part toute leur intelligence, à faire en sorte que l’électricité consommée dans leurs bureaux, et dont ils ne peuvent pas se passer, soit tout simplement payée ! Et pourtant quand notre électricité à nous fait défaut, ils trouvent quand même les moyens de s’équiper de groupes électrogènes et de les alimenter en gas-oil ! L’électricité n’est pas gratuite, même les mosquées la paient !
Les petits clients, eux, se plaignent, par ailleurs, du coût «exorbitant» du branchement. Comment, en effet, expliquez-vous que l’achat d’un compteur suivi du branchement franchit facilement les 150.000 francs… ?
Il s’agit d’une entreprise commerciale, qui cherche à faire entrer de l’argent pour pouvoir déjà maintenir son fonctionnement. De ce fait, le compteur ne peut pas être vendu au rabais… il a été acheté, dédouané et affranchi de frais divers.
Au final il nous revient à un prix qui nous oblige, à notre tour, à facturer le branchement au client. Et puis ce coût permet sans doute aussi au client d’avoir conscience de l’investissement qu’il a fait.
Il y a cette fameuse redevance audiovisuelle, que vous recouvrez. Beaucoup de vos clients se plaignent de payer 250 francs sans voir la télévision publique nationale. Comment les ménagez-vous et est-ce que cette redevance va au destinataire, qu’est l’Ortc ?
La redevance a été instaurée par une loi, et nous avons des autorités hiérarchiques. Si ces dernières nous ordonnent de l’enlever de notre facturation, nous l’enlèverons. Si elles nous autorisent à les utiliser de telle ou telle manière, nous nous y soumettrons.
D’ailleurs quelquefois nous nous permettons de nous les prêter pour régler une situation quelconque, mais bien entendu nous en gardons les traces dans notre comptabilité.
Par rapport au destinataire, nous sommes convenus avec le ministère de l’Intérieur de garder cet argent dans nos comptes, et c’est lui qui nous autorisera à débloquer tel montant à l’Ortc, après avoir arrêté avec ce dernier l’objet de la dépense.
Electricité d’Anjouan, nous l’avons compris, ne badine plus avec son du. D’où sa politique de recouvrement actuelle, que vous avez eu à nous étaler toute à l’heure. Mais qu’en est-il des droits de l’Etat ? Paie-t-elle enfin ses impôts ?
Normalement dans le monde entier, les personnes handicapées ne paient pas d’impôts. C’est la situation que traversait jusqu’ici notre société, et donc comment pouvait-elle s’acquitter d’impôts ? Si nous devons user de rigueur à tous les niveaux, c’est justement parce que nous devons enfin être en mesure de payer ces droits.
Maintenant que nous avons une société digne de ce nom, qui roule en permanence, ce serait commettre un péché si nous ne nous acquittions pas de nos impôts.