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Saisies de drogue à Hahaya I Réseaux locaux, complicités internationales et saisies croissantes

Saisies de drogue à Hahaya I Réseaux locaux, complicités internationales et saisies croissantes

Société | -   Nourina Abdoul-Djabar

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Depuis des semaines, des colis de stupéfiants en provenance de Paris et Marseille sont saisis à Hahaya. Notre enquête révèle des connexions internationales, des arrestations controversées et des inquiétudes croissantes sur l’essor d’un réseau criminel aux Comores.

 

Depuis plusieurs semaines, des colis contenant des stupéfiants sont fréquemment découverts par les agents douaniers, en provenance de Paris et Marseille. Les procédures de saisie varient, touchant des colis expédiés via Comores Safari, des bagages en soute ou lors de contrôles routiers. Hommes ou femmes, aucune spécificité ne semble exclue. Notre enquête révèle que même le bras droit d’un jeune artiste international comorien, résidant en France, a également été impliqué avec un colis de 10 kilogrammes de stupéfiants. Actuellement, la question demeure : s’agit-il d’un ou de plusieurs réseaux établis aux Comores ?
Selon des sources officielles, plusieurs individus ont été appréhendés puis relâchés entre octobre et début décembre. Chaque personne interpellée présente des particularités, qu’il s’agisse de transporteurs ou de victimes, comme Hilma*, arrêtée en septembre sans connaissance des produits illicites dans son colis.

200 000 euros

Hilma affirme avoir été interpellée en septembre dernier sans connaissance des stupéfiants emballés dans son colis. Elle envoie régulièrement de l’argent en Tanzanie pour ses activités commerciales et attendait une livraison en provenance de Dar es Salam. Le colis a quitté la Tanzanie à bord d’un vol Kenya Airways, transité à Nairobi avant d’être acheminé à Moroni. À l’aéroport des Comores, elle découvre que son colis a été combiné avec un autre de 15 kilos, contenant de la drogue. Une personne a tenté de le récupérer, mais a pris la fuite après avoir été interpellée par l’agent douanier. Le paquet à son nom lui a été remis sous la menace d’agressions. Après des heures d’explications avec des preuves à l’appui, elle a été libérée. Elle reste persuadée qu’il y aurait « une implication potentielle d’un agent de douane dans cette affaire ».

 

D’après Hilma, « la compagnie Kenya Airways a une grande responsabilité. Mon colis n’avait aucun souci au moment de quitter Dar es salam, une fois en transit à Nairobi, je découvre de la drogue emballée, est-ce normal ? À noter qu’on nous a plusieurs fois volé des colis lors de nos transits au Kenya», dit-elle. Suite à ces accusations, nous avons contacté le chef d’agence de la compagnie Kenya Airways, Robert Carolus, qui semble ne pas être au courant de cette affaire. « Nous n’avons pas été informés qu’il y a des passagers de Kenya Airways qui ont eu des colis avec des produits stupéfiants. Normalement, si c’était le cas, la douane devrait nous informer officiellement par un courriel.»

Les procédures

Selon Najim Youssouf, chargé de communication de la douane, au cours des trois derniers mois, la Brigade touristique de surveillance du centre douanier de l’aéroport Prince Saïd Ibrahim et le service Fret ont effectué une saisie de 53,950 kg de stupéfiants en provenance de France (Paris et Marseille).
440 barrettes étaient dissimulées dans divers emballages tels que des boîtes de lait en poudre, des boîtes de chocolat en poudre, des paquets de café, voire dans des appareils électroniques tels que des haut-parleurs, consoles de jeu et machines à laver. Notre interlocuteur mentionne que « 7 opérations ont été effectuées à Hahaya pour environ 10 colis faisant suite à l’arrestation de 11 personnes, dont 5 étaient des voyageurs».


Si le responsable de la communication technologique rapporte les faits sereinement, un agent douanier anonyme exprime ses préoccupations face à l’augmentation de ces saisies : «Je crains l’implantation d’une bande criminelle dans le pays, mettant en danger la sécurité de tous. Ces gens-là voient nos visages au moment des saisies, nous sommes dans un petit pays. Ils peuvent facilement s’en prendre à nous », s’inquiète-t-il. Pour rappel, la gendarmerie nationale a procédé à l’incinération de 266 plaquettes de résine de cannabis, d’une valeur estimée à 200 000 euros (près de 100 millions de francs) le 9 décembre dernier. Le commandant de compagnie, Zakaria Abdallah, a déclaré lors de l’incinération :
«Il s’agit de 266 plaquettes de stupéfiants (shit) équivalant à 31 kg et 4 kg de cannabis enroulés en balai.»


Les procédures de saisie sont diverses, impliquant des colis envoyés via Comores Safari, des bagages en soute de voyageurs voire lors d’un contrôle routier. Hommes ou femmes, aucune spécificité ne semble exclue. Notre enquête révèle que le bras droit d’un jeune artiste international comorien, résidant en France, a également été impliqué avec un colis de 10 kg de stupéfiants. Il aurait passé plusieurs jours de garde à vue, son cas témoigne la diversité des personnes impliquées. Toutefois, le lundi 18 décembre, une source officielle de la gendarmerie indique que «toutes les personnes appréhendées ont soit été libérées, soit remises au parquet».

La saisie du buzz ou du démarrage

Rappelons que le 12 septembre dernier, la douane de Hahaya avait déjà mis la main sur 9,800 kilos de drogue de type shit à base de résine de cannabis, soit 99 sachets d’une valeur de plus de 25 millions de francs, provenant de Marseille via Ethiopian Airlines. Malgré ces nombreuses arrestations, la gendarmerie dit poursuivre ses enquêtes pour « démêler les complexités de ce réseau de trafic de drogue qui semble s’enraciner sur le territoire».

*Hilma est un nom d’emprunt

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