Né à Zanzibar en 1918, Sayed Omar Abdallah alias Mwinyi Baraka est considéré comme un des plus grands lettrés comoriens, pour ne pas dire de l’Afrique de l’Est, du XXème siècle. Fils de Abdallah Bin Cheikh Ahmed, frère de Saïd Mohamed Bin Cheikh Al-Maarouf, originaire de Moroni, Mwinyi Baraka, est originaire de Mbeni par sa mère, Khadidja wa Andnane, mais également de Ntsudjini par sa grand-mère maternelle, Soifia Mouigni Bahssane.
Très tôt orphelin, Sayyid Omar Abdallah sera élevé par son père adoptif, Abdoulfatah qui avait épousé la sœur de sa mère, même si son père spirituel restera Al-habib Omar Bin Soumeit.
Mwinyi Baraka a démontré prématurément des capacités hors du commun d’apprentissage et d’abnégation dans son éducation religieuse, comme dans l’acquisition d’un savoir encyclopédique. Il fut un érudit et polyglotte d’une culture plurielle, avec un quotidien imprimé de profond humanisme, d’humour jovial, de grande humilité et de disponibilité intergénérationnelle à toute épreuve.
Il a débuté son apprentissage au shioni (école coranique), avant de fréquenter l’Ecole publique laïque où il obtiendra un General certificate of secondary school (ou the General certificate of Cambridge), équivalent du baccalauréat.
Enseignant et imam itinérant
Il a appris et maitrisé le fiqh aux côtés de fundi Saïd Moustoifa Bin Djaafar Djamal layl, père de sa future femme et devait se spécialiser au mirath, sciences islamiques sur l’héritage. Son mention “très honorable” lui permettra d’accéder à l’Université de Makerere en Uganda où il avait appris la pédagogie option Biologie. Il sera l’ami de celui qui allait devenir président de la Tanzanie Jilius K. Nyerere.
De Retour à Zanzibar, il sera recruté comme enseignant à Beit Ras, établissement de formation d’enseignants. C’est dans cet établissement qu’il va rencontrer et former l’ancien président de la Tanzanie, Ali Hassane Mouigni.
Dans les mosquées, “fundi” Mwinyi Baraka entreprendra d’enseigner le fiqh, l’arabe et le soufisme, entre autres. Aux années 50, il se rendra à Londres où il apprendra le droit comparé et la langue arabe au London university.
A son retour à Zanzibar, il lancera l’idée d’ouvrir le “Muslim academy”, grâce auquel il obtiendra une bourse d’études pour Oriel College d’Oxford où il décrochera le B. A. Ph Bachelor art of philosophie avec sa thèse “The concept of felicity in medivial islamic age” (Le concept de félicité dans l’islam médiéval).
Sous la révolution socialiste d’Abeid Karume en 1964 et après une garde à vue de deux semaines, Mwinyi Baraka a quitté la Tanzanie où il était membre du parlement pour venir s’installer aux Comores.
Mwinyi Baraka sera à la fois enseignant d’arabe et imam itinérant, parcourant l’archipel et l’Océan indien. Il y animera des conférences, notamment sur “les enseignements du Saint-Coran à la lumière des connaissances scientifiques”. Alors qu’il était âgé de plus de 50 ans, il n’a pas hésité à aller s’inscrire à l’Université de Paris-Sorbonne pour s’initier à la langue française.
Ambassadeur extraordinaire
Déterminé à transmettre son savoir dans une lutte permanente contre l’obscurantisme ambiant, il fera preuve d’un exceptionnel esprit d’ouverture et de tolérance dans la croyance en la miséricorde divine.
Conseiller des présidents Saïd Mohamed Cheikh, Saïd Ibrahim ou encore Ahmed Abdallah, Saïd Omar Abdallah sera nommé, pendant le règne du président Ali Soilihi, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire auprès de la Ligue des États arabes et de l’Organisation de la Coopération Islamique, il défendit avec brio, en 1975, la reconnaissance du jeune État comorien auprès du Conseil de sécurité des Nations unies.
Ensuite, suite à une proposition du ministre des Affaires étrangères d’Arabie Saoudite, Al-Sound Faïssoil, à l’époque, ambassadeur de la Ligue islamique mondiale pour l’Afrique, l’Europe, l’Asie et l’Amérique Mwinyi Baraka s’est dépensé sans compter dans une mission planétaire de promotion de l’éducation et des valeurs essentielles de l’Islam dans la paix et la tolérance avant d’être emporté par la maladie, à l’âge de 70 ans, le 5 mars 1988 à la suite d’un darsa (séance de traduction du Saint-Coran, qu’il a animé à la mosquée de Ribatwi à Moroni). Il sera inhumé à Ntsudjini le 6 mars 1988. Il a laissé derrière lui des jumelles, Loulou et Aïchat Omar, qui lui ont donné dix petits-fils et petites-filles.
Hommage
En sa mémoire, trois fondations portant son nom ont vu le jour, à savoir la Fondation Mwinyi Baraka à Dar-es-Salam sur les pratiques musulmanes en Tanzanie, la Fondation Mwinyi Baraka de Zanzibar créée pour protéger les archives de l’érudit, et la Fondation Muigni Baraka des Comores dont l’objet est de créer un musée pour les archives de Muigni Baraka et une école pour consolider la tolérance tant défendue par le regretté.
Un établissement d’enseignement laïque porte son nom pour “immortaliser” le grand homme : il s’agit de l’école privée Muigni Baraka.