Quelles sont les principales difficultés auxquelles font faces les entreprises comoriennes du Btp ?
Nos entreprises du Btp rencontrent plusieurs obstacles : les banques exigent des garanties trop élevées, difficiles à fournir pour la majorité des entreprises locales, et la plupart des sociétés ne disposent pas des moyens nécessaires pour renouveler leur parc matériel, ce qui limite leur compétitivité.
Pour la réhabilitation du lycée public de Moroni, le gouvernement et son bailleur de fonds ont opté pour une entreprise étrangère. Pourquoi les entreprises comoriennes sont parfois écartées des grands marchés publics ?
Pour la réhabilitation du lycée de Moroni, Egt a soumis une offre en groupement avec une entreprise comorienne. Notre proposition était compétitive et nous avons même introduit un recours auprès de l’Armp [Autorité de régulation des marchés publics], estimant que le processus n’avait pas été respecté. Pourtant, les bailleurs accordent leur confiance presque exclusivement aux sociétés étrangères, soutenues par leurs États et dotées de références internationales. En outre, les conditions des appels d’offres (chiffre d’affaires minimum, matériel obligatoire, expériences similaires) semblent conçues pour favoriser ces entreprises étrangères. Les autorités, quant à elles, considèrent souvent nos entreprises comme incompétentes, en généralisant à l’ensemble de la profession les défaillances de quelques cas isolés survenues par le passé.
Les entreprises locales ont-t-elles réellement les moyens techniques et humains pour gérer de gros chantier ?
Oui, bien sûr ! Les entreprises comoriennes sont capables de gérer de grands chantiers. En groupement, Egt s’est associée à une jeune entreprise locale, Bedc, pour un important marché actuellement en cours de réalisation. D’autres consortiums d’entreprises nationales se sont également constitués afin de répondre à ces projets d’envergure. Cette dynamique nous permet de mutualiser nos moyens et nos compétences, même si nos ressources techniques restent limitées. Grâce à la location de matériel, nous parvenons néanmoins à trouver des solutions efficaces.
Comment décrivez-vous les relations entre les entreprises locales et les institutions publiques en charge des infrastructures ?
Le public ne nous accorde pas encore suffisamment de confiance, et nos entreprises sont rarement sollicitées lorsque des projets sont financés par les bailleurs. Cependant, une volonté existe, notamment avec la mise en place du Dialogue public-privé. Il reste désormais à instaurer un partenariat transparent et équilibré entre le secteur public et le secteur privé.
Quelles réformes ou initiatives proposeriez-vous pour que les entreprises comoriennes puissent jouer un rôle plus central dans les grands projets d’infrastructures ?
Nous avons formulé à plusieurs reprises des propositions concrètes. Adapter les critères des appels d’offres afin de favoriser la participation locale, notamment à travers des clauses de préférence nationale ou l’obligation de sous-traitance avec des entreprises comoriennes. Mettre en place un fonds de garantie ou une véritable banque de développement pour faciliter l’accès aux financements et aux cautions bancaires.
Renforcer les capacités techniques grâce à la formation continue et aux échanges avec des entreprises étrangères. Encourager la création de groupements d’entreprises locales afin de mieux peser dans les appels d’offres. Instaurer enfin un dialogue régulier entre le public et le privé, afin de planifier ensemble les besoins en infrastructures et d’assurer une meilleure coordination. Cela permettrait à nos entreprises de disposer d’une visibilité sur l’avenir et de renouveler ainsi leur parc matériel.
Toimayat H. Ali (stagiaire)