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Section des comptes de la Cour suprême I Le compte «Greffe de Moroni» passé au crible

Section des comptes de la Cour suprême I Le compte «Greffe de Moroni» passé au crible

Société | -

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Dans un rapport rédigé en 2018, la section des comptes a procédé au contrôle du compte intitulé « Greffe de Moroni » pour une période allant de 2005 à 2017. Celui-ci est alimenté par les cautions judiciaires et autres garanties civiles et pénales. Les opérations de retrait durant la période couverte se sont élevées à 459 558 535 FC. Maitre H.I n’a pu justifier que 92 554 035 FC sur le montant total des retraits. Il lui restait donc à présenter les pièces justificatives relatives aux 367 004 500 FC restants.

 

“Maitre H.I a retiré 459 558 535 FC alors qu’elle a présenté des pièces justificatives pour un montant de 92 554 035 FC, soit un montant de 367 004 500 FC qui reste à justifier” .Pour lire cette phrase, il a fallu tourner 5 feuilles du rapport de 2018 produit par la section de la cour des comptes de la Cour suprême. Couvrant la période 2005-2017, elle a procédé au contrôle des opérations effectuées sur le compte n 1310 14 200 129, intitulé « Greffe de Moroni ». Il s’agit d’un compte courant alimenté par les cautions judiciaires et les garanties civiles et pénales déposées au greffe du Tribunal de Première Instance par l’inculpé, dont les montants sont fixés par le juge d’instruction, dans le cadre d’un contrôle judiciaire.


A la lecture de ce rapport édifiant, plusieurs constats s’imposent. Le premier étant que Maitre H.I, greffière en chef au TPI, a sévi pendant plus de 10 ans, « en effectuant des opérations de versement et de retrait de fonds sur le compte «Greffe de Moroni », sans avoir la qualité de comptable public». Résultat, elle a été déclarée comptable de fait. Et à ce titre, « elle est personnellement et pécuniairement responsable des opérations dont elle a eu la charge et des contrôles qu’elle était tenue d’effectuer», souligne le rapport qu’Al-watwan a consulté.

Des emprunts accordés sur le compte «Greffe de Moroni»

Trois tableaux figurent dans le rapport, ce document de la section des comptes. Dans le premier, il y a des montants versés (par chèque ou en espèce) dans le compte dont il est question sur la période revue. Le montant total s’élève à 81 289 285 FC. Il s’agit de sommes variant entre 300 000 FC et 27 760 535 FC. « L’examen des extraits du compte indique que tous les montants affichés au tableau ont été versés dans ce compte, soit en tout un montant de 81 289 285 FC justifié sur les 503 196 742 encaissés par la Greffière en chef», poursuit ce document. . Le rapport apporte une précision, et il s’agit ici du deuxième constat, qui vaut son pesant en millions de Kmf non justifiés : « les données figurant dans le tableau cité plus haut ne présentent qu’une situation très partielle des versements ».

 

D’ailleurs, la greffière en chef, dans une lettre adressée au Président de la Section des Comptes le 14 juillet 2018, « justifie l’absence des autres pièces justificatives par la difficulté qu’elle a rencontrée à retrouver et réunir des dossiers pour un contrôle dont la période remonte à plus d’une décennie». Elle a, en outre, demandé à la Cour, « de lui accorder un délai raisonnable afin qu’elle puisse continuer de manière progressive les recherches des pièces manquantes et les transmettre dès que possible», lit-on.
Et de fait, pour élaborer ce rapport, la section des comptes a dû s’appuyer aussi sur des copies des extraits du compte « Greffe de Moroni », produites par le directeur général de la BIC-Comores, à la demande de son président.

La greffière demande un délaipour les pièces justificatives

Troisième constat et non des moindres, en plus de l’absence de pièces justificatives, Maître H.I s’est permis d’accorder des emprunts. « L’examen des extraits du compte montre que des personnes non encore identifiées ont effectué des opérations de versement s’élevant à 9 500 000 FC au titre de remboursement des sommes que la Greffière en Chef leur a accordé à titre d’emprunt ».


Le tableau N°2 présentant le remboursement des sommes empruntées s’élève à 9 850 000 FC. Cette grille a été suivie d’une injonction de la Cour, écrite en gras : elle, « exige l’arrêt immédiat de ces extractions irrégulières de fonds et la mise en œuvre d’un plan de recouvrement des sommes non encore remboursées ».
Enfin, dans le 3eme tableau, il est question des cautions judiciaires remboursées pour un total de 92 554 035, « sur la base des dossiers transmis à la Section des Comptes de la Cour Suprême ».


A la fin du rapport, la section des comptes a émis des recommandations en plus d’avoir formulé une conclusion. Ainsi, « les cautions judiciaires versées dans le compte Greffe de Moroni sont rarement restituées aux prévenus en ce que les procès ne sont pas toujours organisés. Ce qui permet à la Greffière en chef de disposer d’une manne d’argent et de procéder à des emprunts avec le risque de ne pas se faire rembourser ».
Le rapport pointe aussi le fait « que les Chefs de Juridiction ne sont pas toujours informés des opérations de retrait réalisées sur ce compte ouvert dans un établissement bancaire privé au détriment du Trésor Public ».


Enfin, afin de permettre au greffe du tribunal de mieux maîtriser la gestion des dépôts et consignation, la Cour « recommande au Président du Tribunal de Première Instance de procéder à l’ouverture de deux comptes séparés : un compte ouvert au Trésor public destiné aux opérations de versement et de retrait des cautions judiciaires et le maintien du compte « Greffe de Moroni » consacré au dépôt des sommes et autres garanties relatives aux affaires civiles ».

«Procéder à l’ouverture de deux comptes séparés»

Al-watwan reviendra dans ses prochaines éditions sur “une probable évolution de cette affaire”. Toujours est-il que la dame en question a été remplacée au poste qu’elle occupait à l’élaboration de ce rapport. Elle a depuis été nommée à la Cour suprême selon plusieurs sources. “La nomination est intervenue en début d’année”, a-t-on précisé.
D’aucuns se demandent comment une greffière en chef a pu procéder à des opérations comptables sur une aussi longue période sans qu’elle en ait la qualité et sans qu’une régularisation soit effectuée durant plus d’une décennie ? “Au nom de qui et de quoi ces emprunts ont-ils été accordés, à qui ont-ils bénéficié, pourquoi de telles pratiques ont-elles pu prospérer durant au moins 12 ans sans contrôle ? En un mot comme en mille, à qui ont profité les cautions des justiciables comoriens ?”, s’interroge-t-on dans les couloirs du tribunal.

Fsy et Am

 

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