Dans la région d’Itsandra, à la sortie de Bahani se trouve le site dit de “Shamadane” où sont déposées les ordures de la capitale et celles du Centre hospitalier national (Chn) El Maarouf. Avec les ordures qui s’empilent, on a l’impression de nager dans un océan d’ordures essentiellement ménagères mais pas que.
Des carcasses de voitures, des sacs bourrés d’ordures y pullulent. Les sentiments qui prédominent auprès des passants et des habitants de toute la zone est le même et pourrait se résumer en ces quelques mots.
Notre région est devenue une poubelle. Tout le monde trouve normal de déposer toute sorte d’ordures autour du site de Shamadane,
se désole un passant. Tout près de la ruelle qui mène au site, la sonnette d’alarme est tirée. “Les portiers ne doivent pas savoir que vous êtes venu ici pour faire des photos”, me lance un jeune homme. “Un maire de la région s’est déjà vu refuser l’accès”, chuchote-t-on aux alentours.
Devant le portail d’entrée du site, un homme, la soixantaine, y a pris place. Sous le soleil ardent, il tente de se mettre à l’abri comme il peut. Nous nous y engouffrons, l’accès étant libre.
Cinq minutes plus tard, nous rencontrons un camion du Chn-El Maarouf. Selon l’habitant de la commune d’Itsandra Djumwashongo qui nous a accompagnés,
il s’agit des déchets médicaux qui vont être déposés sans le moindre contrôle du comité de pilotage du site.
Avant même de pouvoir nous approcher du camion, nous sommes harcelés par des mouches. Nous étions pourtant à plus d’un kilomètre du site proprement dit. Tout en prenant la précaution de nous protéger de l’odeur nauséabonde à l’aide de nos mains pour masquer le nez, nous dépassons le véhicule.
En dépit des centaines de sacs en plastiques, des mouches et des odeurs, il s’est développé, tout près d’une citerne datant du temps du président Ahmed Abdallah Abdérémane, une culture de framboises, de bananiers et de patates malgré les risques tout à fait probables de contaminations. Il nous a fallu plus de trente minutes pour arriver, enfin, sur le fameux site de Shamadane.
Jusqu’à quand ?
Le site de Shamadane ? Une collection de sachets en plastique usagés ? Une grande montagne d’ordures de toute sorte ? “Non ! Un élevage de mouches et d’autres insectes”, avait suggéré, avec un sourire moqueur, une personne que nous avions rencontrée en amont. Une chose est sûre : Interdiction de respirer.
Cet océan de détritus est divisé en deux parties, l’une pour les ordures médicales et l’autre pour les déchets ménagers emmenés depuis la capitale fédérale. Pas plus de cinquante mètres entre les deux compartiments.
Loin de chercher à les faire enfouir, les personnes chargées de la gestion du site se contentent d’entasser les ordures sans même penser à les trier. Par ailleurs, la masse est tellement compacte que personne ne pense plus à les brûler.
Jusqu’à quand vont-ils continuer à les empiler ? Pourquoi ne pas creuser un grand trou pour enfouir les plus biodégradables? Bien malin celui qui aurait des réponses à ces questions angoissantes, à ces interrogations pressantes.
Sur ces montagnes d’ordures bercées par des odeurs insupportables, cinq messieurs fouillent, pourtant, frénétiquement à la recherche d’objets “tels que valises, moulins et autres appareils de métal endommagés”, nous précisent-ils.
De même, à quelques mètres du site, des cultures diverses sont, là aussi, entretenues. Pourquoi autorise-t-on les gens à fouiller et à cultiver dans ces zones à risque? Dans notre quête de réponse nous avons approché le maire de la commune la plus proche, celle de Itsandra-Djumwashongo
L’appel du maire
Moustoifa Mohamed déplore que sa commune soit devenue une poubelle “à cause d’un site qui ne répond malheureusement pas aux normes”. Il estime qu’il serait mieux de programmer des heures précises pour le passage des ordures dans les localités.
“Nos administrés respirent régulièrement cet air pollué. Parfois, des camions chargés tombent en pannent et sont laissés là des journées entières et c’est à moi qu’on demande des comptes”. Notre interlocuteur a l’impression que le comité de pilotage a pris sa commune “en otage”.
Il en veut pour preuve le fait qu’on lui aurait interdit de visiter le site sans qu’il comprenne pourquoi. Moustoifa Mohamed reste persuadé que tant que toutes les communes ne seront pas impliquées dans la gestion du site, les cinq localités ne cesseront de pointer du doigt les mairies.
C’est pour ce faire que le premier magistrat de la commune appelle à une révision rapide de la convention qui a mis en place le dit comité. “Nous sommes dans un contexte communal. Il est inacceptable que nos communes soient tenues à l’écart parce que nos habitants sont les premières victimes de cette situation”.
On le comprend. Malheureusement, des années après l’ouverture de ce site, le cri de Monsieur le maire semble avoir du mal à porter.