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Sonelec I 2018 et 2019 Des marchés de plus de 200 millions «octroyés en dehors des règles»

Sonelec I 2018 et 2019 Des marchés de plus de 200 millions «octroyés en dehors des règles»

Société | -   Abdou Moustoifa

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Pendant cette période, les responsables de la société nationale de l’électricité des Comores, ont eu à gérer vingt et deux marchés publics établis essentiellement sur la fourniture d’huile et de matériel électrique. Selon la section des comptes, qui a sorti un rapport très détaillé sur le sujet, dont Al-Watwan s’est procuré une copie, aucun marché n’a fait l’objet d’un appel d’offres ouvert.

 

La section des comptes poursuit ses investigations sur le fonctionnement des sociétés d’Etat. Après Comores Telecom et la Sch, place aux marchés publics de la société nationale de l’électricité des Comores (Sonelec) d’être passés au peigne fin. Dans un rapport publié en avril dernier, la section des comptes a passé en revue la manière dont la sonelec a attribué ses marchés publics de 2018 à 2019 au niveau de Ngazidja. Rendu public il y a deux mois, le rapport long d’une cinquantaine de pages, révèle que sur les 22 marchés recensés pendant cette période, aucun n’a fait l’objet d’un appel d’offre ouvert.

230 millions en 2019

La direction, note la cour, a donc octroyé ces marchés, évalués à 453, 363 000 millions de nos francs à des fournisseurs, en violation de la loi n°11-027/Au/ du 27 décembre 2001, portant passation des marchés publics. Ce texte fixe en effet les modalités d’attribution de tout marché public. Selon cet audit, la sonelec a géré en 2018, 17 marchés, d’une valeur de 202. 983 600 millions de francs. Mais, pointent les auditeurs, 15 d’entre eux, soit donc 88%, ont été attribués à des prestataires de gré à gré, sans le respect de la procédure. Pour les 2 restants (80. 600 000 millions), les bénéficiaires les ont eus à travers des appels d’offres restreints. Prévue dans la loi de décembre 2021 sur la passation des marchés, cette procédure doit d’abord être motivée et soumise à la direction nationale de contrôle des marchés publics.


Une étape contournée par la direction de la Sonelec. «L’article 43 de la même loi qui fixe les conditions à remplir avant de lancer un appel d’offres restreint a également été bafoué», déplore la section des comptes. Selon toujours cet audit, ces pratiques ont perduré jusqu’en 2019. La preuve, sur 11 marchés d’un montant de 230. 283. 850 millions, 7 ont été octroyés «en violation des procédures en vigueur». C’est-à-dire sans appel d’offre mais de gré à gré. Les 4, restants la cellule qui s’en occupait a choisi la consultation.


La nature de ces services vont de la fourniture d’huile (60.46%), de matériel de transport (18.2%) et enfin d’équipements électriques (21.32%). Sans surprise et comme en 2018, les conditions d’attribution des marchés publics de l’année 2019 ont été pointées du doigt. La plupart de ces irrégularités entachent la quasi-totalité des contrats passés entre la sonelec et ses principaux fournisseurs, soulignent les vérificateurs qui avaient la charge d’éplucher les documents fournis par l’entreprise publique. Parmi les manquements répertoriés, figurent, entre autres, «le non-respect du principe de mise en concurrence, le manque de procès-verbal de réception, ou encore l’inexistence de documents prouvant la notification des marchés aux fournisseurs retenus.

Appel d’offre restreint

La violation des principes cardinaux de l’appel d’offres restreint a également été ajoutée à la liste des dysfonctionnements, élaborée par la section des comptes. A en croire les auteurs du rapport, disponible depuis plusieurs mois sur le site de la cour suprême, pour conclure les contrats, le directeur de la sonelec d’alors a «abusivement» utilisé cette méthode au cours des deux années passées en revue.Entre 2018 et 2019, à titre de rappel, les marchés ayant fait l’objet d’appel d’offres restreints s’élèvent en termes de valeurs à 223. 400 000 millions de francs. Autre entorse relevée : non consultation de la direction nationale pour les marchés publics.


L’article 47 du décret portant application de la loi n° 11-027/Au du 29 décembre 2011, portant passation des marchés publics prévoit en effet des montants à partir desquels l’avis de la direction nationale des marchés publics (Dnmc) devient obligatoire. Non seulement la Dnmc n’a pas été consultée, mais les montants méritaient un appel d’offres ouvert.Un contrat de 38 millions portant fourniture de 200 poteaux et un autre de 11. 350 000 millions sur l’achat de tourets ont également été épinglés pour les mêmes manquements. Pour l’année 2019, le rapport a relevé quelques marchés passés en violation à la loi sur la passation des marchés. Sur la liste, on y retrouve deux contrats attribués à un assureur de la place en violation aux articles 62 et 64 de la loi. Cette entreprise a bénéficié à elle seule des marchés d’un montant de 51 millions en 2018. Ce qui représente 25% des parts des marchés de l’année.

84 millions pour une station service de la place

C’est le cas aussi de deux contrats de fourniture de fûts d’huile octroyés à une statation service du pays pour 84. 350 000 millions francs, alors que le montant total des marchés passés en 2019 est évalué à 250.380 000 millions fc. Des entreprises locales ont respectivement, pendant la même période, bénéficié des contrats de 38 millions et de 35 millions.Ces trois entreprises si l’on s’en tient aux informations contenues dans le rapport se sont d’ailleurs emparées de des 60% du montant global des marchés de 2019. Loin d’être irréprochables, ces deals n’ont pas échappé aux remarques des vérificateurs de la section des comptes.


Ces derniers, ont noté de nombreuses irrégularités qui entachent l’ensemble des marchés octroyés par la sonelec pendant les deux années passés au crible. D’après eux, ni ceux passés de gré à gré ou par entente direct encore moins les contrats confiés à des fournisseurs via les appels d’offre retreint, n’ont respecté les dispositions prévues par la loi sur ces cas de figure. Pour rappel, même recourir au gré à gré, exige la délivrance par la direction nationale de contrôle des marchés d’un avis de non objection.

Des recommendations émises par la section des comptes

S’agissant des anomalies les plus recensées par la section des comptes, elles sont nombreuses : absence de contrats liant les deux parties dans certains marchés, inexistence de preuves pour la réception du marché, absence de cahiers de charges et d’appel d’offre, de bon de paiement des incohérences sur les dates, manque d’informations sur les soumissionnaires non retenus, absence de dossiers techniques pour des contrats de construction pour ne citer que celles-là. Cette longue liste n’a pas empêché la section des comptes d’émettre des recommandations pour améliorer la gestion. 

Ce que dit la loi sur les règles de passations des marchés ?

 

Article 43 : Appel d’offre restreint
Le recours à la procédure de l’appel d’offres restreint doit être motivé et soumis à l’autorisation préalable de la Direction nationale de contrôle des marchés publics ou de la Direction insulaire compétente.
Il ne peut être recouru à la procédure de l’appel d’offres restreint que lorsque les fournitures, les travaux ou les services, en raison de leur nature spécialisée, ne sont disponibles qu’auprès d’un nombre limité de fournisseurs, d’entrepreneurs ou de prestataires de services.
Article 62 : Seuils de passation des marchés publics
Les passations de marchés publics par voie d’appel à la concurrence est obligatoire pour toute dépense d’exécution de travaux, de fourniture ou de prestation de service dont le montant est égal ou supérieur aux seuils suivants : 30 millions pour les marchés de travaux , 10 millions pour les marchés de fournitures et de services.
Article 47 du décret n°12-131/Pr :
L’avis de la Direction Nationale des marchés Publics est requis à chaque étape de la procédure de passation des marchés publics lorsque les montants sont supérieurs aux seuils de compétence citée précédemment.

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