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Suspension de la collaboration entre la justice et la police

Suspension de la collaboration entre la justice et la police

Société | -   Abdou Moustoifa

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Le procureur de la République dénonce «certains agissements de la police nationale» qui compliquent le travail du parquet. La police, selon ses dires, est censée travailler sous son autorité. Le parquetier a cité de nombreuses affaires impliquant des hauts responsables de la police. Contacté, le patron de la police nationale n’a pas souhaité faire de commentaires.

 

Le parquet de la République a annoncé la suspension de sa collaboration avec la police nationale, estimant que celle-ci ne respecte pas les fondements de ses rapports avec les autorités judiciaires. Dans deux courriers, en date du 16 mars, adressés respectivement au garde des sceaux et au patron de la police nationale, le procureur général et le procureur de la République déplorent «les agissements» des officiers et agents de la police judiciaire.
«La police nationale balaie d’un revers d’une main ces us et coutumes et torpille sans vergogne les principes sacro-saints du code de procédure pénale. Des intrusions observées dans des procédures relevant exclusivement de l’autorité judicaire. Ce qui présage un transfert des compétences de la justice vers la police», écrit Mohamed Abdou.«Les officiers et agents de la police judiciaire travaillent sous les ordres du procureur de la République sous la surveillance procureur général», rappelle le magistrat, citant en référence les articles 38 et 39 du code procédure pénale. Le chef du parquet a, de ce fait, suspendu momentanément ses relations avec le corps de la police aux justiciables de s’adresser à la gendarmerie.

Plusieurs libérations sans l’avis du parquet

Le parquet de Moroni, avait pourtant informé le nouveau directeur de la Dgspn des manquements dont seraient responsables des officiers de la police judicaire. «Les incartades, nous avons commencé à les constater depuis un moment. Mais ces derniers temps, c’est devenu ingérable. D’où l’origine d’une telle mesure», a avancé le procureur de la République qui a accordé un entretien à Al-watwan hier à ce sujet. Le chef du parquet a énuméré certains faits à l’origine de sa décision. Le premier concerne «le relâchement par le Dga, Mohamed Mfoihaya, d’une femme originaire de Dzahani La Tsidje qui était placée en garde-à-vue au commissariat central de Moroni pour une affaire d’abus de confiance». Selon nos sources, «Il s’en est chargé lui-même contre l’avis du garde».

Idem pour le jeune de Samba Kuni à l’origine de la rumeur sur un supposé cas de Covid-19 aux Comores. «Le Dga est allé le libérer aussi le soir même de son placement au commissariat», a-t-on souligné. «Il oublie que certes administrativement la police est sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur, mais ils ne peuvent en aucun cas désobéir à un ordre du procureur de la République», a-t-on expliqué. Tout comme les gendarmes qui, administrativement, sont gérés par le commandant de la gendarmerie. «Toutefois, c’est à moi d’ordonner le placement en garde-à-vue d’une personne. Comme il me revient à moi seul le droit de demander sa libération. Donc, la police tout comme la gendarmerie qui constituent ce qu’on appelle les officiers de la police judicaire (Opj) sont sous soumis à ces obligations», a insisté Mohamed Abdou. Al-watwan a contacté le patron de la police national mais ce dernier a préféré ne pas s’exprimer.

Un mépris de plus à notre égard

Contacté, le commissaire Achkal Mohamed a dit ignorer la personne qui a libéré le jeune de Samba Kuni. Une enquête serait ouverte. «Nous n’avons pas pu s’entretenir avec la police qui assurait la permanence le soir de l’incident», dit-il. Mohamed Abdou a également fait part d’une affaire qui concerne des Malgaches refoulés en voulant se rendre en Arabie Saoudite. Les autorités du ministère de l’Intérieur auraient gardé toutes les affaires de ces personnes et les ont transférées à la gendarmerie.
«J’ai donné aux gendarmes l’autorisation d’aller au ministère pour compléter l’enquête, car sûrement les Malgaches n’étaient pas seuls, mais devinez quoi, les Opj n’ont pas pu y entrer. Un mépris de plus à notre égard», a regretté le chef du parquet. A en croire le parquetier, pour préserver les droits des citoyens, «l’institution judicaire comorienne a décidé de ne pas travailler jusqu’à nouvel ordre avec la police», a rappelé le parquetier.
Mohamed Abdou a rappelé que a la décision de rompre toute collaboration avec la police a été prise consensuellement à l’issue d’une réunion tenue la semaine dernière au ministère de la Justice à laquelle avaient pris part tous les chefs des juridictions judiciaires comoriennes.

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