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Sécurité et mœurs I La police rase les têtes peu conformes «à nos valeurs»

Sécurité et mœurs I La police rase les têtes peu conformes «à nos valeurs»

Société | -   Faïza Soulé Youssouf

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Depuis une semaine, la police nationale a entrepris une étrange opération : raser la tête de ceux qui arborent une chevelure fournie «au nom de la sécurité publique» et «des valeurs culturelles».

 

"La police nationale m’a arrêté au rond-point Salimamoud, plaqué par terre comme un voleur, genou sur le dos, j’ai l’orteil tordu, mal aux côtes et au dos, et tout ça parce que j’avais des cheveux longs ». C’est l’info qui fait le buzz en ce moment sur les réseaux sociaux. Ce cri du cœur est celui d’un dessinateur à qui la police a jugé utile de tondre la tête, mardi en début de soirée. « Nous avons été embarqués en direction du commissariat central et là-bas, c’est avec l’aide d’une lame que nos chevelures ont été rasées par les policiers», a expliqué l’artiste Yaz, joint au téléphone par Al-watwan.


Et de fait, hier mercredi dans la matinée, les marches menant au bâtiment principal du commissariat central, étaient encore parsemées de touffes de cheveux. Dans l’arrière-cour, un homme en treillis semblait très occupé à tondre la tête de deux quidams qui semblaient se demander ce qu’ils avaient fait pour mériter cela.

«C’est en application de la loi»

Un policier parlant sous le sceau de l’anonymat explique ainsi que l’opération « tête conforme aux traditions » pour le paraphraser a commencé depuis quelques jours. Selon cet interlocuteur, elle se fait « au nom de la sécurité publique ». « 80% des vols à l’arraché, des voitures vandalisées, des maisons cambriolées sont du fait des expulsés de l’opération de Wuambushu », avance-t-il, tout en précisant ne «cibler personne». Selon lui, les refoulés de l’île comorienne de Mayotte seraient reconnaissables « par leurs tatouages», mais aussi par «leurs cheveux longs et les colliers autour du cou comme s’ils étaient des femmes». Sa hantise serait «que cela se propage comme une épidémie .


Joint par téléphone, le commissaire Abylyassry Aboulaithe indique que l’opération pourrait s’étendre sur une certaine durée. «C’est la sécurité urbaine qui lutte contre les comportements déviants», a-t-il expliqué. Interrogé sur la base légale de cette opération, il répond : «C’est en application de la loi», sans plus de précisions. Il assure toutefois que «les classes aisées comme les plus précaires seront concernées, sans aucune discrimination».

Le dessinateur qui, malgré lui, a fait connaitre l’opération au grand-public, a effectué deux radios ce mercredi. «Mes côtes sont douloureuses à cause du plaquage au sol mais heureusement rien de cassé», a-t-il relaté. Son orteil s’en est moins bien sorti. «Tordu, il a dû être bandé». Ses cheveux, déplore-t-il, étaient « sa source d’inspiration » sans lesquels «il se sent nu».

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