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Tares sociales I Des coins des rues «aux maisons closes»

Tares sociales I Des coins des rues «aux maisons closes»

Société | -   Issoufou Abdou Goli

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Autrefois, l’activité consistant à vendre son corps se pratiquait en cachette, dans la clandestinité absolue. Mais les choses ont changé : on assiste désormais à l’ouverture de lupanars en milieu urbain.

 


À Mutsamudu, dans le quartier de Habomo, près du port, se trouve un endroit singulier connu sous le nom de « Dragon Rouge », où l’on observe un autre type de commerce, moins conventionnel, mais tout aussi révélateur des réalités socio-économiques du pays.

C’est devenu un lieu emblématique, connu pour la présence de nombreuses femmes, majoritairement étrangères, postées ici et là. Selon les témoignages des habitués, un cortège de voitures s’y aligne à toute heure, et témoigne de l’activité incessante de cet endroit. Mirna* (nom d’emprunt), une femme de 27 ans, est parmi les habituées du lieu. Il a accepté de partager son histoire, et de nous révéler les dessous d’une activité illégale, mais en plein essor.

Entre mythes et réalités

Installée à Ndzuani depuis trois ans, Mirna a quitté sa terre natale pour suivre son époux. «Mais une fois sur place, notre vie s’est compliquée avec mon mari au chômage. Il faut faire de la politique pour intégrer la fonction publique ici», raconte la jeune femme, mère de deux enfants.

Après s’être séparée de son mari, et pour subvenir aux besoins de sa progéniture, elle a alors «suivi les conseils d’une amie» vivant à Mutsamudu, acceptant de quitter Domoni pour élire domicile à Mutsamudu. «Là-bas, j’allais tenter ma chance dans cette maison close aux côtés de mon amie», confie-t-elle.


Ce qui était initialement une activité «limitée aux week-ends» s’est vite transformé en un commerce florissant à toute heure du jour et de la nuit. Clients et vendeuses de services sexuels se retrouvent dans cette zone pour caler leurs rendez-vous.

Fait surprenant, Mirna souligne que «les vendeuses sont bien plus nombreuses que les clients», ce qui a entraîné «une stagnation», voire «une baisse des prix». «Le prix de la passe d’une nuit entière a tendance à baisser, ou à stagner car plusieurs femmes (…) habitent Mutsamudu surtout ces deux dernières années», dit-elle. Mirna préfère passer la nuit dehors avec un client pour éviter les proxénètes qui réclament le loyer.

Et la précarité…

«Des fois, on tombe sur des clients généreux qui peuvent nous donner jusqu’à 60 euros la nuitée. Tout comme des fois, on tombe sur des clients très radins», raconte-t-elle, déplorant que «ce métier» soit loin d’être rentable. Pour subvenir à ses besoins, elle est alors obligée de compléter encore ses revenus en revendant des marchandises.


Mirna regrette d’avoir suivi son mari aux Comores. «Quand j’étais à (…), beaucoup de proches m’avaient demandé de ne pas venir ici, mais j’aimais mon mari et mes parents nous avaient prêté beaucoup d’argent pour nous lancer dans des affaires. J’ai honte de leur raconter mes déboires sentimentaux», regrette amèrement la jeune mère.


La prostitution semble devenir une profession de plus en plus visible dans le pays, mais les autorités locales restent silencieuses face aux accusations de proxénétisme au sein du «Dragon Rouge». Ce phénomène n’est pas isolé : à Mutsamudu comme à Moroni, les lieux de prostitution clandestine sont nombreux.


Bien que la législation comorienne punisse l’adultère, la prostitution, elle, est bien plus que tolérée. Mutsamudu, autrefois connue pour son port et ses marchés, devient peu à peu le reflet de la lutte des femmes pour survivre dans un contexte économique difficile. Un fait qui révèle les fractures sociales et les défis que l’île de Ndzuani toute entière doit encore surmonter.

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