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Tentative de déstabilisation du pays / Un document sonore conforte la thèse d’un coup d’Etat en préparation

Tentative de déstabilisation du pays / Un document sonore conforte la thèse d’un coup d’Etat en préparation

Société | -   A.S. Kemba

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On y entend l’écrivain échanger avec un homme qui écoute religieusement ses dires et demandant «l’identité du responsable» en cas d’échec d’un mouvement programmé à la caserne militaire de Kandani. «Non, non, ne t’inquiète pas pour ça. Si on te demande, tu diras que c’est pour le compte du Colonel Gamil», répond l’écrivain non pour rassurer son interlocuteur dans cet enregistrement de 3’25 secondes qui circule depuis dimanche soir sur les réseaux sociaux.

 

C’est une pièce à charge qui vient conforter la thèse d’un coup d’Etat en préparation au milieu de l’année 2018 aux Comores. Le document sonore de 3’25 secondes, largement partagé depuis dimanche soir par des internautes, résume les premières conversations secrètes entre l’écrivain Said Ahmed Said Tourqui (Sast) et un homme présenté comme le capitaine Ibrahim Djae alias Galaxy.

Soulèvement à Kandani

Si les bruits qui entourent les voix des deux hommes ne permettent pas de restituer la totalité de la bande sonore et troublent les capacités auditives des curieux, quelques passages permettent toutefois de se faire une idée de l’objet des échanges. On ignore la date exacte des conversations faute d’une expertise sur le spectre sonore de ce document inédit, le premier à être diffusé cinq mois après l’arrestation de six personnes considérées comme «des acteurs clés» du projet de complot contre la sûreté de l’Etat, selon le parquet de la République.


Il est difficile de lire de bout en bout le contenu faute d’une retranscription des échanges par un expert en la matière. Mais on y entend l’écrivain échanger avec un homme qui écoute religieusement ses dires et demandant «l’identité du responsable» en cas d’échec du mouvement programmé à la caserne militaire de Kandani.  «Non, non, ne t’inquiète pas pour ça. Si on te demande quoi que ce soit, tu diras que c’est au nom du Colonel Gamil», répond l’écrivain non pour rassurer son interlocuteur dans cet enregistrement collé à l’image de l’auteur des «Berceuses assassines».


À la première minute, on y entend : «D’ici quelques jours, il y aura un mouvement, une action…et que si tu sors indemne, je vais t’appeler et que tu travailles sous mes ordres, pour le compte de qui, pour le compte du colonel Gamil», lui dit l’écrivain. «Et si je dis que c’est Gamil alors qu’il n’est pas là ?», demande le militaire. «Non, même s’il n’est pas là, on y travaille pour lui, c’est tout», lui répond l’écrivain qui avance une somme de 1 million de francs comoriens pour supporter les premiers frais de ce militaire enrôlé depuis les années 1980. «Ce sera un million de francs», dit Said Ahmed Said Tourqui. «Vous dites un million», demande le capitaine. «Oui un million et puis on verra», précise l’écrivain qui tente de ramener son interlocuteur à sa cause en essayant d’évacuer sa peur et ses doutes sur le succès programmé de l’opération.

Complot contre la sûreté de l’Etat

À écouter attentivement le son, l’interlocuteur de Sast devrait rallier d’autres militaires au mouvement de soulèvement soigneusement planifié dans le cadre d’un plan de déstabilisation qui aboutirait à la neutralisation et à «l’élimination physique» de certains hauts responsables du régime, comme l’avait expliqué le procureur de la République, Mohamed Abdou. «Nous confirmons ici qu’il y avait bel et bien un projet de déstabilisation du pays, des gens voulaient prendre le pouvoir, ils voulaient créer des troubles au sein de l’armée avant d’aller au bout de cette forfaiture», avait souligné le magistrat en conférence de presse.


Arrêté le 9 août 2018 pour complot contre la sûreté de l’Etat et tentative de déstabilisation, l’écrivain Said Ahmed Said Tourqui a été condamné, le 15 décembre dernier, aux travaux forcés assortis de 30 ans de peine incompressible au même titre que l’avocat Me Bahassane Ahmed, l’ancien vice-président Djaffar Ahmed Said et le commandant Faissoil Abdousalam, tous reconnus coupables des faits reprochés par la Cour de sûreté de l’Etat. L’avocat de l’écrivain avait dénoncé «le caractère illégal» de cette juridiction décriée par une  bonne partie de ses confrères. Le Colonel Soilih Abdallah Gamil sera radié, début décembre, «des cadres de l’armée nationale de développement par mesure disciplinaire», d’après le décret N°18/109/PR.


Les préparatifs du coup d’Etat remontent «au mois de mars 2018», selon toujours notre source qui parle de plusieurs ramifications, mettant des liens avec des organisations de la société civile et des medias. Dans cet enregistrement, on y entend les noms du ministre de l’Intérieur, Mohamed Daoudou, et celui du chef d’Etat-major de l’armée, le Colonel Youssouf Idjihad, comme étant «les premières cibles» sans précision sur la nature du plan censé prendre aux prises les deux responsables en charge de la sécurité nationale.


Les auteurs du complot contre l’autorité de l’Etat étaient pris en filature, d’après une source qui a requis l’anonymat. Le pays vivait des tensions politiques extrêmes au lendemain de la convocation du collège électoral en vue de l’adoption d’une nouvelle constitution censée remettre les compteurs à zéro du système de la présidence tournante.A l’approche du référendum, le 30 juillet, la tension était au maximum mais les autorités avaient à l’œil «certains hommes politiques et de la société civile», nous dit notre source. «C’est après le référendum que nous avons décidé de renforcer notre dispositif de contrôle et de notre système de veille sécuritaire», indique encore notre source.

Les pièces à convictions

Dans la nuit du 8 au 9 août, les choses s’accélèrent. L’écrivain Said Ahmed Said Tourqui sera arrêté par des éléments de la gendarmerie qui retrouvent un fusil et pistolet automatique ainsi qu’une somme d’argent dont la nature douteuse a conforté les accusations du parquet. Le procureur de la République annonce un projet de «tentative de déstabilisation du pays», précisant que les auteurs avaient l’intention «d’éliminer physiquement» certaines hautes autorités du régime dont le ministre de l’Intérieur, le chef d’Etat-major de l’And et le secrétaire général du gouvernement.  


À l’audience, le capitaine Ibrahim Djae alias Galaxy avait fait allusion aux échanges qu’il a eus avec l’écrivain le 29 juillet 2018 à 15h 36. Une retranscription des éléments sonores a été promise à la presse mais elle n’a jamais été faite à ce jour. Le chef du parquet avait alors annoncé «l’existence de preuve» au lendemain des arrestations des auteurs du coup d’Etat manqué. Les enregistrements ont été parmi les pièces à convictions brandies par le procureur de la République pour attester la thèse d’un coup d’Etat en préparation. On ignore s’il existe d’autres documents sonores mais tout le laisse croire car le document actuellement disponible n’est que «la première partie» d’une série d’enregistrements confidentiels gardés probablement par la Justice. L’écrivain passe ce lundi 4 février son 179 ème jour en cellule.





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