Mise en place le vendredi 3 août suite à cinq décrets présidentiels, la Cour de sûreté de l’Etat est entrée en action dès le lendemain de sa création, à travers l’information judiciaire ouverte à Ndzuani par le substitut du commissaire du gouvernement. Cette information judiciaire a pour objet de faire la lumière sur l’affaire de la tentative d’assassinat du vice-président Moustadroine Abdou. Pour mener à bien ce travail d’enquête approfondie, le dossier est confié à deux magistrats instructeurs, respectivement Nour Ousseni et Youssouf Ibouroi.
L’instruction du dossier va se faire à Ndzuani, selon le parquetier de Mutsamudu, sachant que c’est là où l’infraction a eu lieu. Que ce soit au niveau du commissaire du gouvernement (parquet) ou de l’instruction, les quatre magistrats doivent travailler en collaboration, à en croire une source du la justice.
Créée à Moroni en 1981 sous le régime du feu Ahmed Abdallah Abdérémane, la Cour de Sûreté de l’Etat est une juridiction d’exception qui a pour vocation de juger toute personne accusée d’avoir porté atteinte à la sûreté de l’Etat et tous les auteurs d’infractions politiques.
Juridiction d’exception, la Cour de Sûreté de l’Etat prononce des lourdes peines, dont la peine de mort. Cette juridiction d’exception existait en France jusqu’en en 1981 suite à un projet de loi de Robert Badinter, ministre français de la justice de l’époque. Mise en place pour juger et condamner les auteurs d’infraction portant atteinte à la sûreté de l’Etat, cette juridiction existe toujours dans la plupart des pays, dont la Syrie, le Mali, l’Algérie (…) et les Comores, sachant que la structure architecturale de la justice de l’archipel de la lune se trouve souvent calqué sur celle de la France, ancien pays colonisateur. Cette Cour n’est pas compatible à la démocratie et à l’émergence
A Moroni, le maintien de cette juridiction, qui existe depuis 37 ans, rappelle une période incarnée par la dictature et sa légitimité fait couler beaucoup d’encre. En 2013, lors de l’affaire de la supposée tentative de coup d’Etat, les avocats constitués à ce dossier ont demandé la suppression de cette juridiction qui, selon eux, n’est pas compatible au système politique actuel. Un des avocats de la place a montré hier que l’existence de cette Cour n’est pas compatible à la démocratie et à l’émergence prônée par le chef de l’Etat. «Nous ne pouvons pas envisager de faire des Comores un pays émergent et s’accrocher à des infractions imaginaires telle l’atteinte à la sûreté de l’Etat. L’infraction elle-même d’atteinte à la sûreté de l’Etat n’a pas lieu d’exister dans la mesure où pour accéder au pouvoir, il faut passer par les urnes», indique l’avocat.
Le ministre de l’intérieur, Mohamed Daoudou, soutient le contraire. Pour lui, il y a atteinte à la sûreté de l’Etat, lorsque les symboles de l’Etat sont attaqués. «Les gens qui optent à la suppression de cette juridiction sont ceux qui veulent que l’impunité s’installe dans le pays. Et dans le cas précis de ce qui s’est passé à Ndzuani avec la tentative d’assassinat du vice-président, personne ne peut dire qu’il n’y a pas eu de fusillade». Interrogé sur le principe qui veut que l’accession au pouvoir se fait via aux urnes, Mohamed Daoudou avance que jusqu’en 2018, «certaines personnes croient toujours qu’elles peuvent s’emparer du pouvoir par la force et par conséquent, cette juridiction doit être maintenue afin d’empêcher les agissements de cette catégorie de personne». Dans son intervention, le ministre de l’intérieur a ajouté que «les gens n’ont pas encore compris que s’attaquer aux symboles de l’Etat est un acte grave et qu’il ne faut surtout pas jouer avec la stabilité du pays».