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Toufé Maecha, président de l’Upf-Comores I «Depuis 2022, nous avons formé 52 journalistes comoriens dont 17 femmes»

Toufé Maecha, président de l’Upf-Comores I «Depuis 2022, nous avons formé 52 journalistes comoriens dont 17 femmes»

Société | -   Nourina Abdoul-Djabar

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Toufé Maecha, président de la section comorienne de l’Union de la Presse Francophone (Upf), revient au cours de cette interview sur les formations initiées par son organisation à l’endroit des journalistes. Il en a profité pour saluer l’attribution des cartes de presse par le régulateur, « une très bonne chose ».

 

Une dizaine de journalistes de différents médias vient de bénéficier d’une formation sur la reconnaissance des fausses informations en ligne, grâce à la section comorienne de l’Union de la Presse Francophone (Upf) dont vous êtes le président. Voulez-vous nous détailler ce projet, son origine et son but ?


Cette formation entre dans le cadre de la politique de redynamisation de la section comorienne de l’Upf. Nous avons donc entamé une série de formations au bénéfice de journalistes qui en ont besoin. La formation que vous avez évoquée a été choisie parmi un panel d’autres formations que l’Upf Comores proposera aux journalistes à court terme. Il y avait « veille et recherche d’informations sur internet », « transition numérique des rédactions », ou encore « devenir Jri : pousser ses sujets vidéos sur les réseaux sociaux ». Vue la disponibilité des crédits de notre bailleur, l’ambassade de France, nous avons opté pour la « veille et recherche d’informations sur internet ». Cette formation a été sélectionnée à partir d’un constat sans appel. Aux Comores, l’information circule comme une trainée de poudre. Les fake news pullulent sur les différentes plateformes, au premier rang desquelles Facebook, avec les conséquences que l’on sait. Les compétences acquises lors de cette formation sont d’une grande utilité́ pour l’évolution professionnelle des journalistes comoriens car elles leur permettront de détecter ces fakes news, alerter l’opinion et rétablir la vérité. Voilà en quelques mots le but de cette formation.

Ce n’est pas une première apparemment…

Et ce ne sera pas la dernière non plus. Depuis 2022, nous avons formé 52 journalistes comoriens dont 17 femmes, répartis dans 28 médias différents. Le processus de désignation est rigoureux et transparent. Les journalistes sont sélectionnés à travers leurs rédactions en chef. La qualité et le genre sont des critères sur lesquels nous mettons particulièrement l’accent.

Au fait, c’est quoi l’Upf ?

L’Upf est une association internationale des journalistes qui a 70 ans d’existence. Son siège est à Paris. Sa mission principale est de défendre les droits de la presse. Chaque pays a une section. Ces sections forment le Comité international qui se réunit tous les deux ans dans le même pays que le Sommet de la Francophonie. La francophonie, comme le veut l’Organisation internationale de la francophonie, ce n’est pas que le partage d’une langue commune, elle est surtout une diversité culturelle. Que la langue d’information soit l’anglais, le swahili ou le Shikomori, on est le bienvenu au sein de notre famille. C’est pour cette raison que nous ne limitons pas nos offres aux seuls journalistes francophones. Les radios communautaires ou encore les médias sociaux qui informent exclusivement en Shikomori sont traités sur le même pied d’égalité que ceux qui utilisent le français comme langue d’information.


Par ailleurs, à une certaine époque, nous nous interposions comme médiateurs dans les litiges entre les journalistes et leurs employeurs. Mais depuis la naissance du Syndicat national des journalistes comoriens (Snjc), début 2020, nous nous sommes résolument tournés vers la formation des professionnels de l’information. La formation ne constitue pas notre seule mission, cependant nous en avons fait une priorité car le besoin est là. Si nécessaire, nous accompagnons aussi le Snjc dans les litiges ci-haut cités. Nous sommes aussi appelés par nos statuts à favoriser et promouvoir des relations et des partenariats, avec des publications, stations de radiodiffusion ou de télévision, sites internet et tout autre support de communication. Nous pensons que le fait d’avoir envoyé six journalistes comoriens pour des formations personnalisées dans le prestigieux Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (Cfpj) à Paris, répond d’une manière ou d’une autre à ces missions statutaires qui sont les nôtres. Les journalistes ont su nouer des relations pour ainsi élargir leurs carnets d’adresse, pour ne citer que cela. 

Sur quels critères sélectionnez-vous les journalistes qui vont en France ?

J’avoue que c’est un exercice délicat. Pour être éligible à une formation au Cfpj en France, il faut être un journaliste à l’expérience reconnue. Il faut reconnaître néanmoins qu’il y a d’autres enjeux. Nous devons nous assurer que les journalistes que nous envoyons à Paris reviendront après leurs formations car, cela y va de notre crédibilité. En 2022, une présentatrice de l’Ortc a décidé de rester après sa formation sur la technique de prise d’images, ce qui nous a causé de sérieux problèmes avec l’ambassade de France. Nous avons évité de justesse un blacklistage. La vigilance est, depuis, de mise. Nous estimons que les deux journalistes d’Al-watwan présélectionnés pour des formations au printemps 2025 au Cfpj Paris, cochent toutes les cases.

Justement, le Conseil national de la presse et de l’audiovisuel vient de rendre publique la liste des journalistes Comoriens autorisés à exercer le métier aux Comores. Ils sont en tout moins d’une centaine, sur plus de 140 demandes reçues. Les formations s’avèrent donc indispensables pour mettre à niveau ces nombreux confrères. Vous devez donc sûrement avoir une feuille de route pour la poursuite du programme de recyclage des journalistes…


Avant de dérouler notre feuille de route, vous me permettrez de faire un petit clin d’œil sur le programme d’octroi de la carte de presse. Je pense que c’est une très bonne chose d’en arriver là. Il est temps de nettoyer les écuries d’Augias. Cette carte permettra désormais de distinguer le journaliste professionnel de l’animateur. Cela est très important dans la mesure où l’opinion publique met, souvent, tout le monde dans le même panier. Ceci étant, je ne suis pas contre ceux qui font l’information sans en être des professionnels. Ce qui me parait intéressant, c’est d’offrir la possibilité aux citoyens de distinguer le professionnel du non professionnel. Je pense qu’on doit cela à l’opinion publique et je ne peux que souhaiter plein succès au Cnpa et plus particulièrement à la commission d’attribution de la carte. Maintenant, cela ne suffira pas. Il y a un travail qui devra se faire en permanence. Celui de veiller scrupuleusement au respect des règles régissant la profession. Nous faisons face à des dérapages inacceptables qui font malheureusement tache d’huile. Il ne suffit pas d’être détenteur du fameux sésame pour en être épargné.

Il était question du recyclage des journalistes…

Comme je l’ai dit ci-haut, l’Upf Comores s’est tournée vers le renforcement des capacités des journalistes. Nous mobilisons des fonds à cet effet. Jusqu’ici, notre principal partenaire est l’ambassade de France à Moroni. Entre 2022 à aujourd’hui, elle a financé l’Upf à hauteur de 45 850 euros environ. Nous avons tissé des liens privilégiés avec le Cfpj Paris où nous comptons envoyer, début 2025, deux journalistes. Nous comptons dans un avenir très proche soumettre d’autres projets de formations aux institutions nationales pour avoir des financements. Nous allons demander une audience avec la ministre de l’Information, l’ancienne journaliste Fatima Ahamada, pour voir dans quelle mesure elle pourra appuyer notre dossier. Que ça soit clair : l’Upf Comores ne peut pas réserver ses formations aux seuls détenteurs de la carte de presse. Les journalistes en devenir auront leur place, eux aussi.

En dehors de la nécessité de formation, de quoi d’autres les journalistes Comoriens ont-ils besoin pour leur épanouissement et dans quelle mesure l’Upf peut-elle les aider ?
Les conditions de travail des journalistes restent un des soucis majeurs auxquels fait face la profession. Si l’on constate des améliorations sensibles dans certains médias, notamment à La Gazette des Comores, il n’en demeure pas moins que dans certains organes des journalistes n’ont pas de salaire s’ils ne sont pas payés aux calendes grecques. L’Upf Comores avait déjà mené une campagne de sensibilisation dans ce sens auprès de patrons de presse. Nous allons profiter de l’occasion d’attribution des cartes de presse pour reprendre notre bâton de pèlerin.

 

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