Ma dernière conversation avec «Président Tourqui» remonte au 2 juin dernier. Six heures de discussion. On a pris le même vol en provenance de Moroni pour l’Europe. Un échange intense. Il n’était pas le genre de personne à laquelle on pouvait s’ennuyer en écoutant. Il pouvait passer des heures à prodiguer des conseils tout en rappelant son long et plutôt atypique parcours professionnel. Son humilité donnait l’impression d’échanger avec un vieux camarade de classe. L’un de ces derniers conseils : «prépare-toi Elie à aller couvrir la Coupe du monde. J’espère une qualification des Coelacanthes. Tu vivras quelque chose de merveilleux».
Tourqui Salim, ce n’était pas, seulement, le président de la Fédération de football des Comores, mais une haute personnalité. Une notoriété! Il fut également un diplomate, le consul honoraire du Royaume d’Espagne à Moroni. Le patron de Dhl-Comores, le président d’Apaches club de son Mitsamihuli natal, après une longue carrière de policier national. On le présentait également en tant qu’homme d’affaires.
Une personnalité publique
Tourqui Salim était plus connu, au niveau des plus jeunes, comme le «père» du football comorien. En ce qui me concerne, c’est à la fédération de football que je l’ai connu en décembre 2008. Depuis, on a su cultiver un feeling professionnel. «Président» m’avait pris sur ses ailes pendant presque dix ans. Il m’a présenté un monde fou du milieu du football et m’a ouvert pas mal de portes dans le cadre de mon métier de journaliste. Bien qu’il m’ait toujours soutenu dans mon travail, il est arrivé qu’il n’apprécie pas mes articles, certaines enquêtes particulièrement. Il n’arrêtait pas de me lancer : «tu n’arrêtes pas de critiquer la fédération alors que tu es le journaliste comorien le plus privilégié de cette instance». Ce dont j’avais l’habitude de répondre par des rires.
Un grand apport
Grâce à Tourqui Salim, j’ai couvert mon premier match international en novembre 2009 à Madagascar. J’ai aussi interviewé, toujours grâce à lui, d’éminentes personnalités du football mondial, tels que Joseph Blatter, Issa Hayatou, Michel Platini et Danny Jordan, respectivement président de la Fifa, président de la Caf, président de l’Uefa et président du Comité d’organisation de la Coupe du Monde, Afrique du sud 2010. Je me rappelle qu’en 2015, «sa» fédération m’a élu «Meilleur journaliste sportif de l’année 2014» (Notre photo en bas) alors que j’avais publié, quelques mois auparavant, une enquête, qui avait conduit à un audit. Il respectait les hommes de média. Il entretenait une grande amitié avec l’ancien chroniqueur sportif d’Albalad, Abdoul Youssouf, avec feu Hassane Mzé ben Youssouf et avec «doyen» Bm Gondet.
Une source sûre
Après la sortie, le 8 août 2018, de mon article intitulé «Rapport d’audit de la Fifa sur la Ffc : Des zones d’ombres présumées dans la comptabilité», «Président» Tourqui Salim m’a appris une grande leçon de vie. Celle d’homme intègre, d’un responsable, celle de celui qui assume ses responsabilités et son travail. Quelques mois plus tard, avec le concours de l’actuel président de la fédération, Saïd Ali Saïd Athouman et Toienlidine Anassi, la Ffc m’a invité à Paris pour couvrir le match amical «Comores vs Madagascar».
Tourqui Salim fut un responsable, un «père» protecteur, qui respectait tout le monde et qui accueillait toujours les gens avec un sourire sincère.
J’ai appris, ce lundi 15 septembre tôt le matin, sa mort le cœur lourd. Je n’ai pas perdu un super ami seulement, mais surtout un «conseiller», un carnet d’adresse et une grande source. Je présente mes condoléances les plus attristées à sa famille, à son fils Fahad, et à la fédération de football et à tous les sportifs. «Mgu namlaze pvwadjema!».