Huit mois après la création de leur mouvement, les ressortissants franco-comoriens établis principalement en France continuent de se plaindre « des longs délais » du consulat français de Moroni dans la transcription des mariages. De nombreux couples ne parviennent toujours pas à officialiser leur union, faute des documents que l’ambassade de France aux Comores devrait leur délivrer. Cette situation, jugée intenable, a conduit à la mobilisation du «Collectif pour le droit au mariage franco-comorien».
Officiellement lancé en avril dernier, ce collectif milite pour « un traitement raisonnable » des dossiers soumis au consulat français. Pour se marier à l’étranger, les ressortissants français doivent suivre un processus précis. La première étape consiste à obtenir le certificat de capacité à mariage (Ccam), qui atteste que les futurs époux remplissent les conditions légales de leur pays.
17 mois d’attente
Ce document permet également de vérifier leur nationalité et leur résidence.Une fois le Ccam délivré, la célébration du mariage peut avoir lieu, suivie de la transcription de l’acte auprès des autorités françaises. Cependant, au consulat français de Moroni, le délai de délivrance du Ccam, qui est habituellement de trois mois, «atteint un an», selon toujours ce collectif.
En outre, la transcription, censée être finalisée en six mois, s’étend parfois jusqu’à deux ans. «C’est une situation insoutenable», déplore Rokia, membre du collectif.
Dans un entretien accordé à Al-Watwan la semaine dernière, cette Franco-Sénégalaise, dont l’histoire a conduit à la création du collectif, reconnaît que la mobilisation d’avril dernier a permis d’avancer sur certains dossiers.
Rencontre de septembre
«L’ambassadeur s’était engagé à mobiliser tous les moyens nécessaires pour accélérer les procédures. En signe de bonne foi, nous avons accepté de lui accorder du temps. Effectivement, dix-neuf personnes, dont les dossiers dataient de 2023, ont reçu leurs transcriptions avec les certificats de capacité à mariage. Le service consulaire a également délivré les certificats à quatre membres du collectif, qui attendaient depuis 2022. Enfin, six demandes ont été refusées », a indiqué Rokia.
Cependant, elle déplore que, depuis, l’ambassade ait repris « ses habitudes », notamment « des lenteurs excessives» dans la délivrance des certificats. «Nous avons écrit à la chancellerie pour obtenir une réaction, mais sans succès», ajoute-t-elle. En avril dernier, le consulat avait expliqué ces retards par le volume important de dossiers, estimé à près de 8 000 par an.
Rokia, tombée amoureuse d’un Comorien, ne peut toujours pas vivre avec son fiancé. Elle attend une réponse depuis 17 mois, et son cas est loin d’être isolé. Selon les chiffres du collectif, 14 personnes ayant déposé une demande de certificat en 2023 n’ont toujours rien reçu, tandis que 16 couples attendent la transcription de leurs actes de mariage. «Si un certificat met plus d’un an à être délivré, que dire alors de la transcription ? Ces délais sont anormaux. Dans certains cas, l’ambassade remet en question la sincérité du couple, sous prétexte que l’un des époux chercherait simplement à entrer en France.
Cela laisse penser qu’un Africain n’a pas le droit de tomber amoureux d’une personne résidant en France», s’indigne Rokia, qui n’a pas pu célébrer son mariage lors de son dernier séjour aux Comores.En septembre dernier, des membres du collectif ont de nouveau rencontré l’ambassadeur de France aux Comores, Sylvain Riquier. Le ministère comorien des Affaires étrangères a également reçu la délégation. Cependant, «aucune avancée significative n’a été enregistrée».
Il convient de souligner que, outre les retards du consulat, les services d’état civil comoriens sont souvent pointés du doigt en raison des nombreuses erreurs dans le remplissage des documents, lesquelles pénalisent ensuite les futurs époux. Cela n’exonère toutefois pas le service consulaire français de ses responsabilités. Selon le collectif, le droit au mariage franco-comorien est bafoué, ce qui brise et sépare des familles. Cela empêche ainsi leur regroupement et engendre la naissance de nombreux enfants loin de leurs deux parents.
Créé il y a huit mois, ce collectif, qui rassemble plus de 177 membres sur son groupe d’échanges, a permis de faire avancer la cause. En avril dernier, Rokia, qui partage sa vie avec un Comorien depuis un an, a déposé une demande de certificat. Mais face à la lenteur des démarches à l’ambassade de France aux Comores, comparée à celles menées au Sénégal, elle a commencé à chercher des personnes confrontées aux mêmes difficultés sur les réseaux sociaux.