Maersk, armateur numéro 1 au niveau mondial, va cesser ses opérations aux Comores à compter du 31 mars prochain. La nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre chez tous les professionnels dont les entreprises seront sérieusement affectées par le départ du mastodonte danois. L’information a été confirmée par son représentant à Moroni, Amin Naçr-Eddine de l’agence Spanfreight.
Pourtant, le patronat et l’Union des Chambres de Commerce affirment avoir alerté les pouvoirs publics «depuis plusieurs mois» de la très grande probabilité du départ de Maersk. «Elle était prévisible. Au mois de juillet, l’Uccia et la Nouvelle Opaco, dans une rencontre au ministère de l’Economie, avaient alerté sur le risque de voir la plus grande compagnie maritime se retirer du pays, vu notamment les décisions de justice souvent prises à leur encontre et qui ne tiennent pas compte des règles régissant le fret maritime», a réagi Chamsoudine Ahmed, président de l’Uccia.
La présidente de la Nouvelle Opaco, Sitti Djaouharia Chihabiddine, surenchérit. «J’ai informé les autorités et demandé une intervention urgente sur la question du fret, qui figure d’ailleurs au nom des doléances soumises voici 2 ans maintenant par le secteur privé ; à ma connaissance rien n’a été fait».
Des tracasseries administratives et judiciaires
Si aujourd’hui Maersk met les voiles, pour beaucoup, c’est à cause des tracasseries administratives sans réels fondements. « Nous sommes un petit pays à l’économie marginale mais les tracasseries y sont nombreuses. À titre d’exemple, la compagnie maritime subit ici plus de procès en un an que sur l’ensemble des pays d’Afrique continentale qu’elle dessert», a regretté un agent opérant au port de Moroni.A entendre le patronat, le climat des affaires en Union des Comores n’est guère reluisant, loin de là. «Le pays veut déroger aux principes et règles du commerce international en autorisant le dédouanement des conteneurs non pas par les lettres de transport maritime mais par ordonnance de référé», a pesté la présidente de l’organisation patronale.
Et comme si cela ne suffisait pas, «beaucoup de conteneurs sont vendus aux enchères, à croire que cela arrange beaucoup de monde mais au final c’est la compagnie maritime qui casque. D’autres sont déclarés avariés au port au détriment de Maersk, entre autres raisons qui justifient cette décision», a poursuivi notre interlocutrice. Un transitaire croit savoir «qu’il y a plus de conteneurs détruits à Moroni qu’à Kinshasa alors que la capitale congolaise importe 40 fois plus que nous».
Le chef de l’autre organisation patronale, Mourad Bazi n’est pas en reste. «Ce départ affecte la crédibilité de l’Etat et signe sa mise à l’écart du commerce international. Les connaissements ne sont pas respectés, les lettres de crédit sont remises en cause par l’appareil judiciaire, tout cela n’augure rien de bon pour le pays», a souligné le patron du Modec.
L’effet d’une bombe
Selon les différents interlocuteurs, il va falloir «prendre les dispositions nécessaires pour maintenir la compagnie qui reste», à savoir la Cma-Cgm qui sera donc d’ici deux mois, en situation de monopole. «Nous sommes en droit de redouter une inflation de fait», fait observer Sitti Djaouharia Chihabiddine.
En tout cas, ce départ tombe mal. Alors que depuis près d’une année, l’approvisionnement des produits de première nécessité se fait difficilement avec le dérèglement dû à la pandémie et avec des pénuries en tout genre, .«Ne perdons jamais de vue que nous sommes dans un archipel et quasiment tout ce que nous consommons provient de l’étranger», a prévenu la présidente de Vaniacom.
Affaire à suivre.