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Traque des comoriens à Mayotte I Des trajets périlleux, des destins brisés

Traque des comoriens à Mayotte I Des trajets périlleux, des destins brisés

Société | -   Ahmed Zaidou

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Depuis la reprise de l’opération Wuambushu à Mayotte le 22 mai dernier, le bateau Citadelle de la compagnie maritime «Sgtm Maria Galanta» a déjà effectué cinq trajets, transportant environ 300 Comoriens expulsés de leur propre île par les autorités occupantes françaises. Parmi eux se trouvent Irchad Abdouroihamane et Ahmed Wardi, natifs de Ndzuani, qui nous livrent ici leurs témoignages, bouleversants.

 

À Mayotte, se déplacer d’un point à l’autre relève du parcours du combattant. Et pour les candidats aux traversées dites « clandestines » vers l’île occupée, il est encore plus difficile d’atteindre le sol mahorais par la mer. En fait, depuis le déploiement en avril dernier de 1 800 policiers et gendarmes par les autorités françaises, l’île est tout simplement devenue une forteresse. « Il est impossible d’entrer. Tout est bloqué. J’étais déjà là-bas ici en 2016 et j’ai pu constater qu’il y a eu de nombreux changements », déclare Irchad Abdouroihamane, visiblement déçu.


Il a été intercepté en mer avec 11 autres personnes à une centaine de mètres des plages de Petite-Terre, suite à une panne du moteur hors-bord du kwassa qu’il avait pris. Après deux tentatives réussies en 2015 et 2016, la troisième a donc échoué. « Nous sommes partis de Wani à 20 heures [le mercredi 24 mai] dans une embarcation de fortune avec 12 personnes à bord, dont 2 capitaines et 2 enfants. Nous avons passé la nuit et la matinée dans le froid. Vers midi, nous avons été rattrapés à quelques mètres seulement de la plage. Notre moteur est tombé en panne. Quelques secondes après avoir été localisés par la garde-côte mahoraise, ils sont venus nous secourir», raconte le passager du kwassa-kwassa.


Selon lui, la Police aux Frontières (Paf) de Mayotte a pris soin de demander si l’embarcation transportait des personnes vulnérables. «Vous êtes en voyage à Mayotte ? Y a-t-il des malades, des blessés ?», leur ont demandé les agents de la Paf. «Après une réponse négative, ils nous ont invités à monter à bord de leur embarcation, en commençant par les femmes et les enfants», témoigne-t-il.

Des personnes vulnérables

Ahmed Wardi, lui, est un jeune homme dans la vingtaine. Il est arrivé à Mayotte en octobre 2022, mais il n’y a passé que sept mois : il a en effet été expulsé le 24 mai dernier. «Soudain, mes rêves se sont brisés. J’ai été arrêté devant le Lycée Ynoussa Bamana. Je venais de sortir des examens du baccalauréat le lundi 22 mai. En traversant la route, je n’ai pas vu leur voiture. Les personnes qui m’ont arrêté étaient en binôme, un Mahorais et un Blanc (français, ndlr). Quand ils m’ont demandé mes papiers, que je n’avais pas, je leur ai montré ma convocation pour le baccalauréat et ma pièce d’identité comorienne. Je devais retourner le lendemain pour la suite des examens», raconte avec amertume le jeune homme. Il ajoute : «Le français voulait me laisser, mais le Maorais a insisté pour que je sois renvoyé chez moi, car il y a des écoles là-bas. Menotté, j’ai passé 24 heures à la brigade de Mtsapere.

 

On a pris mes empreintes et ma photo, puis nous sommes partis le lendemain à 14 heures pour la barge puis le centre de rétention administrative. Les autres personnes sans cartes [d’identité] ont été laissées derrière. Dans le bateau, nous avons été séparés des autres passagers. Le mercredi 24, je suis reparti pour Ndzuani, abandonnant mon baccalauréat et des projets plein la tête. Toute ma famille est à Mayotte. Je suis parti pour des vacances, mais j’y ai pris goût. Je gagnais facilement ma vie avec de petits boulots», détaille Wardi Ahmed. Ni lui, ni Irchad Abdouroihamane, ni les centaines d’autres personnes rencontrées notamment au port de Mutsamudu, n’écartent la possibilité de repartir à Mayotte».

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