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Travail des enfants : un phénomène qui s’éternise particulièrement à Ndzuani

Travail des enfants : un phénomène qui s’éternise particulièrement à Ndzuani

Société | -   Sardou Moussa

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Dans notre série de reportages, à l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant, nous abordons aujourd’hui le phénomène du travail des mineurs à Ndzuani. Soumis à des durs métiers comme l’agroforesterie, la mécanique auto et moto, le travail domestique, le commerce ambulant, ces enfants vivent une situation délicate dans la mesure où ceux et celles qui assurent leur garde ignorent souvent leur statut. Demain, nous reviendrons sur la scolarisation des enfants handicapés.

 

Au début des années 2000, les données statistiques du gouvernement, reprises par l’Organisation internationale du travail, évoquaient l’exercice d’un travail effectif des enfants comoriens «dès l’âge de 12 ans, avec 94% d’enfants âgés entre 12 et 18 ans sur le marché de l’emploi». Les données indiquent que «36% de ces enfants travailleurs étaient des apprentis, 20% des salariés et 34% accomplissaient un travail d’aide à leurs familles». Les principaux domaines concernés ont été l’agriculture, la pêche et les travaux domestiques.
Il convient en effet déjà de cerner la notion de «travaux dangereux interdits aux enfants». Selon le Bureau international du travail (Bit), ceux identifiés chez nous comprennent notamment l’agroforesterie, la mécanique auto et moto, les travaux publics, la menuiserie, le travail dans les écoles coraniques, le travail domestique, le commerce ambulant, le transport, le tourisme, la pêche et l’élevage. A Ndzuani, l’on continue de trouver des enfants dans tous ces secteurs, le travail domestique (y compris au champ), le commerce ambulant et le travail dans les écoles coraniques demeurant à ce jour les plus occupés.

Une législation incomplète

Dans l’île de Ndzuani, l’exploitation des mineurs au travail n’a donc pas cessé, mais disons qu’elle n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était jusqu’à la fin des années 90. A cette époque, les enfants issus des zones rurales n’étaient le plus souvent pas scolarisés par leurs familles d’accueil, mais apprenaient seulement un métier. Au même moment, ils étaient beaucoup employés dans le commerce ambulant et les travaux ménagers. Aujourd’hui, le nombre a fortement diminué : dans les rues des zones urbaines, c’est à peine si l’on trouve encore un de ces mômes trimballant une glacière de sorbets, ou des bouquets de jasmin. Malgré tout, une autorité insulaire chargée de la protection de l’enfance a refusé de nous en dire plus sur le sujet, par «crainte de la réaction de certains partenaires» qui «n’aiment pas entendre parler de choses qui pourraient être assimilées à tort à de la traite d’enfants».
Mais notre dirigeant émet ses réserves sur la question, les témoignages de citoyens aident à comprendre la situation actuelle. N. Ahmed, une jeune femme habitant le quartier de Hombo à Mutsamudu, nous décrit la condition d’une enfant de neuf ans, adoptée depuis quelques années par sa voisine chez une famille rurale démunie. «Elle va à l’école, mais elle assure aussi les travaux ménagers de la maison. Elle n’a pas l’air malheureux… si vous la voyez s’amuser avec les autres enfants du quartier, vous ne soupçonneriez rien d’anormal chez elle. Mais ce n’est qu’une enfant, elle n’est pas encore consciente de sa condition. En réalité, elle est mal habillée, personne ne prend soin d’elle. Elle était plus jolie à son arrivée que maintenant. Son père passait de temps en temps lui rendre visite, et disait lui aussi que son enfant était entre de bonnes mains. Moi, je dis plutôt que lui ne voit pas la réalité, ou préfère l’ignorer», raconte-t-elle.
Il faut, d’autre part, noter que, s’agissant du travail des enfants, la législation nationale reste, à ce jour, incomplète, à en croire de nombreux observateurs. Le code du travail dispose que «les enfants ne peuvent être employés dans aucune entreprise, même comme apprenti, avant l’âge de quinze ans», mais «il n’existe pas encore de dispositions pénales à l’encontre d’employeurs d’enfants». Or, certes les choses ne sont plus comme avant, car grâce notamment au travail de sensibilisation de l’Etat et de la société civile, les familles scolarisent de plus en plus leurs enfants et de moins en moins de familles rurales acceptent encore de placer leurs progénitures dans des familles d’accueil des grandes villes, mais beaucoup de cas d’exploitation d’enfants au travail demeurent encore.

SM

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