Le feuilleton macabre des morts en mer entre Ndzuani et Mayotte se poursuit. Le dernier épisode en date a eu lieu le jeudi 24 septembre dernier, à quelques encablures d’une plage de Petite-Terre (Mayotte). Un énième kwassa y a sombré, avec à son bord 25 passagers. Dix d’entre eux n’ont pas survécu ; les quinze autres ont été secourus par les forces de sécurité françaises, parties en mer avec 4 vedettes rapides et un hélicoptère. Tandis que les rescapés ont été admis à l’hôpital de Mamoudzou, les morts ont été enterrés dans des localités différentes, où se trouvent des membres de leurs familles.
Parmi les victimes de ce naufrage, le cas d’un père et de son enfant de 5 ans en dit long sur les raisons principales et récurrentes qui poussent nos compatriotes à tenter le sinistre aventure de la traversée. Kambi Saïd Ali était un quadragénaire originaire de Mutsamudu, époux et père de trois enfants, dont le petit Rafiou, qui périra avec lui dans cet accident. Tombés d’un escalier deux jours avant, le père et son fils devaient vite rejoindre Mayotte pour des soins d’urgence. Un premier départ le lendemain à Bambao-mtsanga aurait été annulé, à cause de mauvaises conditions climatiques. C’est donc le surlendemain jeudi que le voyage été possible, cette fois à partir de Domoni. Mais, comme le font très souvent les passeurs, la barque, partie semble-t-il avec seulement 12 passagers, sera « complétée » en pleine mer : une autre vedette de la même « compagnie » est venue ajouter son contenu à bord, afin de minimiser les pertes en cas d’interception par la gendarmerie française, auquel cas barques et moteurs sont automatiquement détruits.
Le dernier naufrage de kwassa qui a précédé celui-ci s’est produit il y a seulement un mois, le 23 août dernier, précisément. Parmi les 21 passagers, 8 avaient péri. Et parmi ces 8 victimes, figuraient une mère et ses 3 enfants. Et entre la mi-juillet et ce 23 août-là, deux autres barques avaient également sombré, faisant toutes les deux près d’une vingtaine de morts. Ces drames à répétition interrogent sur la véritable politique envisagée par le gouvernement comorien pour résoudre, une fois pour toute, la question du territoire comorien de Mayotte.
Officiellement, ces traversées par kwassa vers Mayotte sont interdites. Et le premier point du document cadre de partenariat entre la France et les Comores, signé au mois de novembre 2018, engage les deux parties à des « actions en faveur de la sécurité maritime et la sauvegarde des vies humaines en mer en luttant contre les trafiquants d’êtres humains entre les différentes îles ». Mais en réalité, l’on continue de dénombrer par dizaines les départs de kwassas de Ndzuani vers Mayotte chaque semaine. Et visiblement, ce ne sont pas tous les décideurs politiques comoriens qui sont d’avis à ce que soit mis fin à ces traversées. En effet, dans son discours à l’occasion de l’inauguration du nouveau remorqueur du port de Mutsamudu, le 17 septembre dernier, le gouverneur de Ndzuani, Anissi Chamsidine, est allé jusqu’à rendre « hommage aux compatriotes qui bravent la mort en tentant de rejoindre Mayotte » car, selon lui, « ce sont eux qui continuent de montrer au monde que Mayotte est une partie intégrante du territoire comorien».