logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Trois questions à Mahamoud Ibrahime I Il faut étudier Cheikh «dans sa complexité, dans la richesse de son caractère et de son parcours»

Trois questions à Mahamoud Ibrahime I Il faut étudier Cheikh «dans sa complexité, dans la richesse de son caractère et de son parcours»

Société | -   A.S. Kemba

image article une
L’historien et auteur d’une biographie sur Said Mohamed Cheikh revient sur quelques bribes de l’histoire du premier président du Conseil de gouvernement comorien. Mahamoud Ibrahime appelle à honorer la mémoire de ceux qui ont marqué la Nation, déplorant, au passage, l’absence d’une étude de fond sur la vie du premier homme politique comorien.

 

Comment expliquez-vous le transfert de la capitale Dzaudzi à Moroni, un coup des réseaux anti-indépendance à Mayotte pour raviver les divisions ?

La volonté de déplacer le chef-lieu de Dzaudzi à Moroni était perçue comme une nécessité par l’administration coloniale dès 1912. Dzaudzi était trop petite pour devenir une cité administrative et il fallait aux citoyens faire la traversée dans des conditions difficiles pour la moindre démarche. Le transfert a été décidé par l’Administrateur supérieur en 1958, mais après une motion de l’Assemblée territoriale signée par tous les représentants sauf ceux de Mayotte.

Une telle motion n’a pu être adoptée que parce que le député Saïd Mohamed Cheikh, l’homme le plus influent de l’archipel a donné son aval. L’État colonial a fait trainer ce transfert jusqu’en 1962, malgré les demandes répétées de l’administration comorienne et notamment de Saïd Mohamed Cheikh devenu président du Conseil de Gouvernement. En 1962, ce dernier obtient du Haut-Commissaire, le gaulliste De Daruvar son installation à Moroni. De Gaulle le démet de ses fonctions pour cela. Donc, je ne vois pas pourquoi on parle d’un coup des réseaux anti-indépendance. Il aurait fallu déjà qu’à l’époque il y ait eu une volonté d’indépendance de la part des dirigeants comoriens.

Said Mohamed Cheikh est décédé avant l’accord du 15 juin 1973. Quelle a été sa position sur le projet d’indépendance brandi par les mouvements indépendantistes des années 1960 ?

Saïd Mohamed Cheikh, comme Saïd Ibrahim et toute leur génération étaient persuadés que les Comores n’étaient pas encore prêtes pour l’indépendance, qu’il fallait former plus de cadres avant de demander l’indépendance. En 1962, lorsque SMC parlait de créer de « l’État des Comores au sein de la République française», de Gaulle lui a demandé s’il voulait l’indépendance pour les Comores, il a refusé et a dit qu’il voulait plus d’autonomie. Les militants favorables à une indépendance immédiate ont été réprimés par le gouvernement comorien, à l’instar d’Abdourahamane Mkufundzi qui a été emprisonné sous la présidence Cheikh, d’autres comme Youssouf Alwahti ont été privés de leur nationalité française et expulsés des Comores, et d’autres ont été inquiétés à l’extérieur, à l’image de Nabhan Saïd Halidi.

Il y a eu le centenaire de Cheikh en 2004 à l’Université des Comores. Et, depuis, aucune action de grande envergure n’a été organisée dans le pays. Que faudrait-il faire, selon vous, pour bien honorer et enseigner sa mémoire ?

La commémoration du centenaire de Cheikh en 2004 n’a pas été organisée par l’Université. J’en ai eu l’idée, je l’ai proposée au doyen des historiens comoriens, Damir Ben Ali. L’organisation a été récupérée par les Sages de Ngazidja. Ce n’était plus de l’histoire, et ce fut pour moi un échec. Jusqu’à aujourd’hui les actes n’ont jamais été publiés. C’est dommage, car une personnalité comme Cheikh mérite d’être étudiée dans sa complexité, dans la richesse de son caractère et de son parcours, et non d’être réduit à un personnage du Shiduantsi de Ngazidja.

Commentaires