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Une fille de 10 ans contre son voisin et son cousin I «Les doutes bénéficient à l’accusé», estime le parquet dans son réquisitoire

Une fille de 10 ans contre son voisin et son cousin I «Les doutes bénéficient à l’accusé», estime le parquet dans son réquisitoire

Société | -   Faïza Soulé Youssouf

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Le17 août s’est tenu une audience qui opposait une fillette de 10 ans à deux hommes, son voisin et un cousin. Elle a accusé ceux-ci d’avoir abusée d’elle. Les deux prévenus ont nié les faits. Le délibéré sera rendu le 31 août prochain.

 

Une victime de 10 ans. Deux prévenus. Un cousin et un voisin, qui, à l’époque des faits, habitaient dans le même quartier que la gamine. Entre-temps, la famille de la victime a déménagé et a quitté le sud de la capitale. Celle-ci les accuse d’avoir sexuellement abusé d’elle en 2019. Les deux garçons lui opposent un démenti catégorique. L’audience de cette affaire s’est tenue ce 17 août au tribunal correctionnel de la capitale dans le cadre des audiences spéciales portant sur les agressions sexuelles.


La petite fille, menue, petit haut blanc fourré dans sa petite jupe, voile sur la tête, était intransigeante, son témoignage a été concis. La victime est vive d’esprit. Et elle est formelle : les deux prévenus ont abusé d’elle. «Le premier, c’est Y. un cousin, il est venu à la maison alors que tout le monde dormait. C’était un jeudi et je n’avais pas cours le lendemain. Il a abusé de moi et m’a menacée. Je ne devais le dire à personne sinon il allait m’arriver quelque chose de fâcheux». A., le deuxième protagoniste présumé est un voisin, habitué lui aussi de la maison. Le premier aurait abusé de la fillette dans une véranda, l’autre dans une chambre. Après les faits, la fillette dit en avoir parlé à sa mère quand elle est rentrée du boulot. Celle-ci aurait alors pris un bâton pour se rendre chez l’un des auteurs présumés de l’agression sexuelle.


La mère de la victime est appelée à la barre. Pourquoi la plainte pour abus sexuels n’a-t-elle été enregistrée qu’il y a quelques mois alors que les faits remonteraient à l’année dernière ? Elle explique que la fillette s’est récemment confiée à sa grand-mère. C’est à la suite de cette confidence que la famille a décidé de porter plainte contre les 3 garçons. La présidente du tribunal lui rappelle alors que son enfant a indiqué à la barre l’avoir prévenue et que celle-ci, visiblement en colère, s’était même munie d’un bâton pour se rendre chez l’un des prévenus. «Je ne m’en souviens pas du tout», reste la réponse de la maman.


Le procureur de la République demande alors à la présidente du tribunal de lire les deux certificats. Les deux certificats médicaux établis ne font état d’aucune pénétration. Il faut sans doute noter que dans une autre affaire avec la même victime, N. a reconnu les faits. Il n’y a pas eu de pénétration mais «un frottement».
Pour l’avocat de la gamine, «les trois hommes se connaissent et pire, se sont passés le mot». Selon lui, les deux prévenus convoqués à l’audience feignent d’être des étrangers l’un pour l’autre «que vu la petitesse du quartier dans lesquels ils vivaient, il est impossible qu’ils ne se connaissent pas».


Lors de sa plaidoirie, l’avocat de la victime, qui a demandé un franc symbolique, a loué «la constance des propos de sa cliente dès la gendarmerie, puis chez le procureur, le juge d’instruction et même lors de la confrontation avec ses bourreaux, son discours n’a pas changé d’un iota». Il a poursuivi en ce sens : «le tribunal doit prendre en compte la parole des victimes, leurs témoignages, les aveux de la victime devraient suffire. Je précise que même si l’hymen de ma cliente est intact, il y a eu un traumatisme local et des menaces pour son silence».


L’avocat de la défense a lui aussi loué la constance des prévenus quant à leurs propos. Il s’est insurgé contre «les déclarations télécommandées de la fillette dans une ambiance de dénonciation. La chronologie des faits est douteuse, la partie civile dit que les faits se sont déroulés dans un quartier du sud de la capitale il y a 5 ou 6 mois alors que la mère a reconnu avoir déménagé il y a 8 mois». Il a plaidé la relaxe de ses clients.


Enfin, le procureur de la République a renvoyé le tribunal à ses propres responsabilités et n’a requis aucune peine. Tout au long de son réquisitoire, il a semé le doute. Il a dit être troublé par «l’imprécision de la déclaration de la mère, la chronologie des faits qui prête à confusion». Les enfants ne mentent généralement pas, a-t-il fait valoir. Il a invoqué la loi de 2014 pour appuyer son propos : «la déclaration de la victime est une preuve» pour aussitôt préciser que «les doutes bénéficient à l’accusé».
Pour finir, en s’adressant au tribunal, il a déclaré : «si vous estimez que les faits ne sont pas avérés au vu des débats et témoignages, soyez courageux». Le délibéré sera rendu le 31 août prochain. 

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