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Vient de paraitre. «Médias aux Comores» I Des «bribes» d’histoires rassemblées

Vient de paraitre. «Médias aux Comores» I Des «bribes» d’histoires rassemblées

Société | -   Housni Hassani

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Sous l’impulsion du Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa), quatre journalistes tentent de «dresser un état des lieux rapides» du métier d’informer sur près d’un demi-siècle d’histoire des médias. Toutefois, le livre ne fait pas l’unanimité, certaines voix s’élevant pour signaler des «incohérences» ou encore des «omissions».

 

«Cet ouvrage sur la situation des médias répond à la nécessité de combler un vide». C’est ainsi que l’ancien journaliste, Mohamed Boudouri, a présenté le livre «Médias aux Comores : des bribes d’histoires (ré) assemblées», l’ouvrage qui aura mis à contribution les plumes de quatre journalistes et anciens journalistes à savoir Faiza Soule Youssouf, Kamal’Eddine Saindou, Ali Moindjie et Soeuf Elbadawi.

Publié chez Bilk & soul, sous les auspices du Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa), le livre cherche à «dresser un état des lieux rapides» de la profession de journalisme aux Comores, selon le président du Cnpa, Mohamed Boudouri, dans l’avant-propos.


Cet état des lieux se propose de revenir sur les origines du journalisme comorien, dont les «premiers supports connus en langue française» remonteraient à l’époque coloniale et auraient été «édités, pour la plupart à l’étranger, par des activistes politiques évoluant dans la clandestinité, des acteurs du mouvement indépendantiste notamment», relate Kamal’Eddine Saindou.

«Ambiguïté entretenue»

«Un journaliste doit se soumettre ou se démettre». Cette affirmation prêtée à l’ancien ministre de l’intérieur et de l’Information, Omar Tamou* en 1988, plante le décor, selon l’analyse que fait Kamal’Eddine Saindou de la situation des médias dans l’archipel à ses débuts. Selon Kamal’Eddine Saindou, cette phrase serait «significative de la conception que les pouvoirs de ce pays se font du journalisme» qui végèterait, donc, entre la «communication» et l’ «information». Cette «ambiguïté» supposée, les journalistes auraient contribué à l’entretenir même après l’accession du pays à la souveraineté internationale, en 1975 : «A l’indépendance, la radio est passée des mains du pouvoir colonial à celles de l’autorité locale, mais n’a pas dérogé à la règle. Ali Soilihi en avait fait un instrument privilégié de sa propagande», s’est laissé convaincre Kamal’Eddine Saindou.


Et à Ali Moindjié de renchérir en citant l’exemple de l’ancien directeur de l’Ortc, l’ancien journaliste Mohamed Hassani, remercié après la publication par la station d’un communiqué «d’un Syndicat des boulangers comoriens» qui approuvait la hausse du prix du pain suite à une hausse des frais des douanes décidée par le gouvernement de l’époque.

Selon l’ancien directeur d’Al-watwan, le renvoi «brutal» d’un journaliste «aussi respecté que Mohamed Hassani» serait révélateur de la véritable nature de la mission assignée à la radio publique : «Les équipes de la maison doivent faire preuve d’une fidélité à toute épreuve et être disposées à relayer, en toute circonstance, l’information, telle que voulue par la tutelle», assure l’ancien rédacteur.
A l’aube des années 1990, le multipartisme alors en gestation dans certains pays d’Afrique francophones qui avaient été par ailleurs soutenu, par le président français, François Mitterrand, dans un de ses discours resté célèbre, était censé libérer la parole.

«Difficultés multiples»

Mais «il n’en est absolument rien», à en croire toujours Ali Moindjié, parfois pour des raisons économiques : «Près de soixante radios naissent, meurent ou végètent ainsi aux Comores», constate-t-il.
La cause? Une pression économique difficile à tenir, et une gestion laborieuse, manque d’expérience oblige, aussi bien dans la presse écrite que sur les ondes. Les rares organes qui avaient émergé «grâce à la publicité» comme Tropic fm dont le propriétaire, Cheikh Ali Bacar Kassim, faisait rarement mystère de son opposition au régime de l’époque se seraient «aussitôt effondrés».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces «bribes d’histoires» ne font pas dans la parité. Trois hommes contre une seule femme, Faiza Soule Youssouf qui plus est, n’a eu droit qu’à une seule chronique.

«Genre», «omissions», «incohérence»…

Ce constat illustre assez bien le témoignage que l’ancienne rédactrice en chef d’Al-watwan a recueilli auprès de Kamaria Aoidi. Selon cette ancienne journaliste à la radio, aux Comores «les médias appartiennent aux hommes. Etre une femme est un défi». Ce défi, c’est le combat de plusieurs femmes, lesquelles, auraient eu droit, parfois, à des mesures pour le moins fantaisistes dans leurs rédactions respectives, leurs directions n’hésitant pas à prendre des dispositifs en fonction d’»une tenue» ou d’»une coupe de cheveux», soutient l’actuelle et par ailleurs toute première présidente du Syndicat national des journalistes aux Comores (Snjc), laquelle pointe, également, «l’inégalité des chances» entre les hommes et les femmes qui sévirait dans le métier ainsi que des tentatives d’»agressions sexuelles».


Toutefois, ce livre est loin de faire l’unanimité. Certaines voix s’élevant pour dénoncer des «incohérences» et des «omissions», à la limite du «parti pris». Pour John Baloz, le livre aurait «volontairement omis» de dire que la première chaîne de télévision aux Comores a vu le jour à Anjouan. Alors que l’un des auteurs, Kamal’Eddine Saindou, rend un «vibrant hommage» au journaliste Mdukua, John Bazoz, lui, avance qu’il serait «un animateur qui a fait ses débuts dans la propagande du séparatisme anjouanais et dans la comédie».L’ouvrage qui allait être distribué gratuitement dans les bibliothèques et autres lieux de lecture a été présenté au Cnpa à Moroni, mais doit l’être également à Mwali et Ndzuani.

 

Note.
*Il faut cependant préciser que l’ancien homme d’Etat parlait des journalistes employés dans les médias du service public, Radio Comores et Al-watwany (actuel Al-watwan)

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