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Violences basées sur le genre I Un documentaire choc présenté au foyer des femmes

Violences basées sur le genre I Un documentaire choc présenté au foyer des femmes

Société | -

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Dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur les genres, Africain women leaders network (Awln) Comores et l’Ong Mvukisho Ye Massiwa (Mym) ont présenté un documentaire poignant sur les violences sexuelles aux Comores, suscitant émotion, débats et appels urgents à la libération de la parole et soutien des victimes.

 

L’organisation Awln Comores, en partenariat avec l’Ong Mvukisho Ye Massiwa et avec le soutien du Système des Nations unies ainsi que d’autres partenaires, a organisé vendredi 28 novembre une projection dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre. L’événement, tenu au foyer des femmes, a rassemblé un public mixte composé de femmes, d’hommes, de jeunes, d’autorités publiques et de représentants d’associations.Au cœur de cette rencontre, il y a eu la diffusion d’un documentaire inédit de deux heures, réalisé par Mvukisho Ye Massiwa, abordant la question des violences sexuelles dans la communauté comorienne. L’œuvre, structurée en neuf parties, donne la parole à des victimes, des professionnels, des juristes et des militants engagés dans la lutte contre ce fléau.

Témoignages bouleversants

La partie 6 du documentaire a particulièrement ému le public. Elle raconte l’histoire poignante d’une enfant violée pendant deux ans par son père, également auteur de violences conjugales. Tombée enceinte, la jeune fille a finalement quitté le pays. D’autres séquences reviennent sur la difficulté d’accéder à un soutien psychologique adapté. L’un des témoins évoque la difficulté de suivre une thérapie avec un professionnel étranger, tandis qu’un autre confie que la thérapie lui a permis d’échapper à une tentative de suicide. Le film aborde également l’éducation sexuelle, les solutions légales, l’accompagnement psycho-social et le rôle des associations...
Presque à la fin de la projection, témoins et intervenants ont lancé un message commun. L’on doit «écouter les enfants, les accompagner, dialoguer, et surtout ne pas culpabiliser les victimes». «Il ne faut pas avoir honte de dire les choses. Au lieu de protéger les agresseurs, soutenez les victimes», a souligné un intervenant dans le documentaire.Zaina, connue sous le nom de Zayone, vice-présidente de Mvukisho Ye Massiwa et artiste, insiste sur l’authenticité du film. «Ce ne sont pas des histoires inventées. Si je témoigne à visage découvert, c’est pour que ceux qui me connaissent voient l’envers du décor, et que ceux qui ne me connaissent pas comprennent qu’il existe des personnes formées pour écouter et accueillir ces récits souvent très lourds», a-t-elle insisté.

Une mobilisation sur toutes les îles

La présidente de l’association Mym, Nouria Ngazy, a pour sa part souligné l’importance de la démarche. «Ce documentaire était inévitable. Les violences sexuelles sont un fléau mondial, mais elles existent bel et bien chez nous. Nous n’avons pas toutes les réponses, mais nous proposons des pistes», a-t-elle déclaré, rappelant que le projet a été réalisé «avec nos propres moyens», sans expertise professionnelle en audiovisuel.Chaque année depuis quatre ans, Mvukisho Ye Massiwa organise la randonnée thérapeutique Mwendo wa Dzihiro. Il s’agit d’une action de sensibilisation menée dans toutes les îles de l’archipel. Après Ngazidja, Mwali et Maore, la quatrième édition s’est déroulée cette année à Ndzuani.Nadia Tourqui, représentante d’Awln, explique que la projection s’inscrit dans une démarche de leadership féminin. «Ce documentaire permet de susciter des discussions et d’identifier des pistes d’action. Nous espérons une prise de conscience et de véritables actions. L’un de nos plaidoyers est la ratification par l’État comorien de la convention de l’Union africaine contre les violences faites aux femmes et aux filles», a-t-elle expliqué.Les débats qui ont suivi la projection ont en tout cas révélé l’urgence d’agir. La présidente de l’Ong a partagé sa propre expérience, confiant que les conséquences de son viol ont resurgi à l’âge de 48 ans.


Elle dit que quand vous dites à votre enfant «tais-toi, ne porte pas la honte à la famille, vous condamnez cet enfant à vie. La honte revient à l’agresseur, pas à la victime».
De nombreux témoignages ont suivi, dont celui d’une jeune femme de 24 ans qui reçoit «une trentaine de témoignages par semaine» via son compte Instagram dédié à la sensibilisation.Pour sa part, Nadjim Youssouf, membre de Mvukisho Ye Massiwa, dit n’avoir jamais pu regarder le film en entier sachant que certaines histoires sont insoutenables et qu’à Ndzuani les cas sont énormes. «Pour conscientiser, il faut se mobiliser ensemble», dit-il. De son côté, Fatouma Abdallah, une participante, résume l’état d’esprit général. «Nous devons éveiller les consciences. Ce ne sont pas des histoires à cacher. Aujourd’hui, les victimes commencent enfin à parler, parfois à visage découvert, c’est un bon début»,est-elle convaincue.En tout cas, pour Mvukisho Ye Massiwa et Awln Comores, ce documentaire n’est qu’un début. L’objectif est de libérer la parole, accompagner les victimes, former les communautés et pousser les institutions à agir. «Ce n’est pas un documentaire qui va tout changer, mais c’est une étape essentielle», conclut Nadia Tourqui.

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