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Viols et agressions sexuelles I Retour sur des phénomènes complexes “en nette hausse’’

Viols et agressions sexuelles I Retour sur des phénomènes complexes “en nette hausse’’

Société | -

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Les actes de viol et les agressions sexuelles sur mineurs sont en recrudescence dans le pays malgré l’existence d’un arsenal de répression. Les familles préfèrent ne pas en parler soit pour protéger l’honneur de la victime soit pour éviter une procédure souvent sans issue. Les arrangements amiables et l’indulgence présumée de la justice font le lit de l’impunité avec des conséquences désastreuses sur l’avenir des victimes.

 

Malgré le durcissement de la loi, avec deux textes phares, la loi Mourad de 2007 et celle du député Abdoulfatah Said Mohamed datant de 2014, certaines familles privilégient les arrangements à l’amiable s’agissant des cas de viols et d’agressions sexuelles. Reléguant la dénonciation au second rang, Les familles portent rarement les affaires devant les tribunaux. De nombreuses raisons peuvent expliquer ce choix. Pour certaines familles, l’honneur de la fille passe d’abord avant tout et qu’il faut éviter à la victime «la honte au village» et un choc psychologique qui pourrait bouleverser ses forces psychomotrices. Pour ces familles, «il faut oublier et passer à autre chose» plutôt que de se lancer dans une démarche risquée pour l’image de la fille. D’autres familles, par contre, préfèrent ne pas perdre du temps, estimant que la justice ne réussit pas à punir sévèrement les auteurs des faits de viols et d’agressions sexuelles et que ces derniers se trouvent quelques mois ou semaines plus tard, dans la rue sans être inquiétés. Cet état d’impunité pousse ces familles «à s’en remettre à Dieu». Point barre.

Les viols des jeunes filles conduisent à leur déscolarisation

Pourtant, ces actes ont des graves conséquences chez la victime, surtout chez la victime dont la famille a opté le silence. Pour la psychologue Houzaimata Ahamada, les impacts du viol ou d’une agression sexuelle peuvent marquer la victime à vie. «S’il s’agit de la première fois que la personne devienne victime de l’un de ces actes, il y a toujours un choc grave. La personne perd confiance, devient introvertie et s’exclut ainsi au sein de la société.» Selon toujours la psychologue, les conséquences de ces actes d’agression sexuelles ou de viol sont multiples, quelque soit le sexe de la victime et «induisent souvent à la déscolarisation».
Dans ses explications, Houzaimata Ahamada a déclaré que si la victime est une fille, «elle peut aller jusqu’à refuser d’avoir de contacts avec des hommes en ne voulant pas par conséquent se marier». A en croire la psychologue, le traumatisme ne survient pas brusquement chez la victime.» Cela peut apparaitre au fil de deux ou six mois et même après des années», dit-elle.
Dans son explication, Houzaimata Ahamada a souligné le rôle important que doit jouer la famille pour réhabiliter l’état psychologique des victimes de viols ou d’agressions sexuelles. «Il faut éviter de poser trop de questions, lui offrir un environnement sain pour assurer son épanouissement et surtout créer aussi des activités permettant à l’enfant de ne pas se sentir seul». Selon elle, «si l’enfant est trop petit, il faut éviter de l’emmener au palais de justice pour ne pas lui exposer un souvenir qui pourrait être douloureux à l’avenir «.

Viol ou agression

Malgré la distinction des termes, qui sème la confusion, le viol et l’agression sexuelle ont les mêmes conséquences. Pour dissiper cette confusion, un avocat de la place, Me Idriss Mze Moegni, a tenu à interpeller les parents en cas d’attouchement à caractère sexuel. Selon-lui, cet acte est répréhensible car il relève d’une agression sexuelle qu’il faut «dénoncer devant les autorités compétentes». A ce sujet, survient la question d’un parent dont sa fille était victime d’attouchement sexuel qui s’est refusé de saisir la justice car «sa fille ne présente pas de signes particuliers».
Selon les explications de l’avocat, ces actes d’attouchement sexuel sont prévus et punis par la loi et qu’il ne faut pas les laisser passer. «L’agression sexuelle, c’est lorsqu’il y a eu atteinte sexuelle. Toucher certaines parties intimes du corps par exemple. L’agression sexuelle peut se présenter en effet sous différents aspects. Par contre, le viol c’est lorsqu’il a eu pénétration sexuelle de quelque nature qu’elle soit».
Pour que les faits soient constitués conformément à la loi, l’avocat précise qu’il faut qu’il y ait menace, violence, contrainte et surprise. Quant aux sanctions, le viol ou tentative de viol commis sur mineur, l’auteur écope une peine allant de 15 ans de détention criminelle jusqu’à 20 ans de travaux forcés ou à la peine capitale quand la victime succombe à l’acte.

 


Quant aux agressions sexuelles sur un enfant, l’auteur de cet acte est condamné à 7 ans d’emprisonnement avec une amende de 1 million cinq cent. S’il y a eu des lésions ou autres blessures, l’auteur peut être puni à 10ans d’emprisonnement avec 2 millions cinq cent d’amende. «La loi pose ses règles, mais il reste à savoir s’ils sont respectées», déplorent les associations de défense des droits des enfants. Pour ces associations, «le manque de fermeté de la justice et la libération des auteurs condamnés avant de purger les peines infligées entretiennent une impunité». Interrogé sur cette situation, la présidente de l’association «Mwana tsi wa mdzima», Najdat Saïd Abdallah, soutient que le gouvernement doit s’impliquer davantage et prendre les choses au sérieux. «Ces actes sont en nette hausse. Il faut que les autorités mettent à la disposition dans les structures concernées des moyens leur permettant de jouer leur rôle. La justice doit être stricte sur la question afin d’assurer la protection des enfants».

A quel âge le consentement est-il considéré ?

Ce laisser-aller ou cette impunité pourrait être l’une des raisons de la recrudescence de ces actes perpétrés en grande partie contre des mineurs. Selon les chiffres du service d’écoute des femmes et enfants victimes de violences, une quarantaine de cas a été constatée au cours de ce premier trimestre 2020.
Devant les tribunaux, les auteurs de ces actes dont des adultes se défendent en invoquant le consentement qui est défini comme étant l’accord ou l’approbation de la mineure. Interrogé sur cette forme de défense, Me Idriss Mze Moegni a soutenu que le consentement d’un mineur est nul. «Même si le mineur a accepté de subir les faits, mais la loi dit clairement que son approbation n’est pas du tout prise en compte». Dans ses déclarations, l’avocat a évoqué la loi du 31 décembre 2005, portant protection de l’enfance. Pour l’avocat, cette loi sépare la minorité légale civile et la minorité pénale. A l’entendre, la loi nationale indique qu’un enfant de plus de 15 ans connait déjà la une minorité pénale. «Il doit purger des peines encourues tout en suivant les traités internationaux évoquant les lois pour la protection de l’enfant».

Non-respect de l’identité de la victime

Avec les réseaux sociaux, les victimes de viol ou d’agression deviennent de plus en plus exposées. A ce sujet, Najdat Said Abdallah a déploré le manque de respect de la vie privée de l’enfant. « Il n’est pas normal qu’un dossier confidentiel soit porté au grand public au vu et au de tout le monde», dit-elle, en se référant d’un certificat médical publié sur les réseaux sociaux. Pour cette présidente, «divulguer le nom et les coordonnées des victimes ne les protège pas. Au contraire, cela les expose dans des situations inconfortables car elles risquent de subir encore d’autres violences et un choc psychologique difficile à réparer».

Bahiya Soulayman

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