La presse est libre chez nous. Et vous devez en être fiers, nous devons aussi nous en réjouir». C’est par ces mots d’assurance et d’espoir que le chef de l’Etat a presenté, hier mardi 18 janvier, ses vœux de nouvel an à la presse en présence de la première dame, Mme Ambari Darouech, des membres du gouvernement, de son cabinet, des journalistes, des représentants du syndicat et des medias publics et privés.
Promulgation du nouveau code de l’information
Azali Assoumani s’est livré à un exercice peu habituel car la présentation des vœux aux medias a été couplée avec une conférence de presse au palais de Beit-Salam (le troisième depuis février 2019) au cours de laquelle il a fait le tour des grands sujets de l’actualité. Mais la presse a été au centre de son discours. «Je reste convaincu que sans un journalisme libre, indépendant et professionnel, le pays ne peut pas aller de l’avant», a-t-il souligné pour justifier «l’importance que j’accorde à votre métier».
En guise de cadeau de bonne année, le président de la République a tout d’abord annoncé, dans la foulée, la promulgation du nouveau code de l’information. «Je viens de signer ce matin, le décret portant promulgation de la Loi portant Code de l’Information», a-t-il informé. «Ce nouveau projet de loi du gouvernement a été examiné par vos organisations, avant d’être soumis aux parlementaires, pour amendements et adoption», a-t-il ajouté. Revenant sur le métier d’informer, Azali Assoumani a appelé les journalistes au patriotisme et au sens de «la responsabilité», précisant qu’aucun pays au monde ne peut se passer des médias mais que ceux-ci sont soumis à «la discipline» dans leur politique d’information. «La norme est alors de se conformer à la nouvelle Loi de l’information, qui redéfinit le cadre juridique visant à préserver le pluralisme à l’ère numérique», a-t-il souligné. «La presse et la communication audiovisuelle sont libres, dans le strict respect de la règlementation en vigueur», a rappelé Azali Assoumani.
Le rôle du Cnpa
Reconnaissant les problèmes structurels des médias et l’avènement des nouvelles technologies de l’information qui détruisent l’âme du métier et déstructurent la culture de la profession, le chef de l’Etat dit compter beaucoup sur le Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa) pour faire la police en assurant ses missions premières de régulation. «Le Cnpa est censé, par ses décisions, modérer les contenus néfastes et stopper la circulation de « fausses nouvelles », tout en évitant de nuire au pluralisme et à la diversité», a t-il insisté.
Le président est revenu sur son rôle de veille au respect du droit à l’information garanti par la constitution et son souci de préserver les équilibres nécessaires à l’émergence d’une presse à la fois libre, indépendante et responsable. «Le droit à l’information et la liberté de communication sont garantis par la Constitution comorienne et se conforment aussi aux conventions et traités internationaux, approuvés par l’Union des Comores»,a rappelé le président avant d’ajouter que «la liberté de communication comprend tant le droit à la liberté de communiquer et d’informer, d’exprimer, des idées et des opinions, que le droit de les recevoir».Le président de la République a promis d’être à la fois attentif et réceptif aux doléances des médias, précisant que les pouvoirs publics se sont toujours mobilisés pour accompagner la presse pour une meilleure éclosion de l’information et une promotion du débat démocratique dans le pays.
Azali Assoumani a annoncé «la création d’un fonds d’appui aux medias» consacré, pour la première fois, dans un texte de loi avec une aide spécifique à la presse privée, d’après l’article 55 du nouveau code de l’information. Il s’agit de l’une des vieilles revendications des journalistes comoriens formulées depuis les Etats généraux de la presse de 2009.«Dans le but de promouvoir la liberté d’expression et d’information et l’instauration d’un paysage médiatique diversifié et pluraliste, nous allons créer, pour la première fois, dans notre pays, un fonds d’appui aux médias», a souligné le président, rappelant toutefois «que l’Etat accorde une subvention annuelle de plus de 700.000 millions de nos francs aux médias publics».
Les médias doivent se réinventer à l’ère du numérique
Si la volonté de faire bouger les choses anime les pouvoirs publics, le président de la République, lui, estime que le chemin reste encore plus long pour disposer d’un paysage médiatique assaini et débarrassé de ses brebis galeuses à savoir ceux qui s’autoproclament journaliste sans disposer des compétences minimales pour exercer le métier. Rappelant la triste réalité, Azali Assoumani appelle les professionnels à défendre leur métier. «Lors des dernières élections présidentielles et du référendum, l’impact et la crédibilité du journalisme ont été relégués au second plan, au profit d’une foule d’influenceurs et de personnalités qui se sont accaparés l’espace, avec les conséquences que l’on sait», a-t-il regretté, appelant les médias à se réinventer à l’ère du numérique «pour identifier les actions à mettre en œuvre, afin de protéger votre profession et assurer sa crédibilité et sa pérennité».Le chef du syndicat des journalistes, Chamsoudine Said Mhadji, a émis des doléances à l’occasion de la présentation des vœux. (lire encadré ci-dessous).
Renouvèlement du Cnpa et reprise de la délivrance de la carte de presse Le président du syndicat des journalistes a axé son intervention sur le renouvellement du mandat des membres du Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa), la carte de presse et surtout «les circonstances mystérieuses» qui entourent le «décès tragique et prématuré» du premier président du syndicat, Ali Abdou. Le président du Syndicat national des journalistes aux Comores (Snjc) a sollicité, dans son discours, le renouvellement du mandat des membres du Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa) qui a pris fin il y a plus de trois ans. «Nous vous demandons à nouveau de trouver de solution rapide sur la question du Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa) dont les membres sont nommés et dont le mandat est terminé depuis plus de trois ans», a souligné Chamsoudine Said Mhadji. «Nous allons, alors, dans les prochains jours, procéder à son renouvellement, son mandat de quatre ans, renouvelable une fois, étant largement dépassé», a répondu le chef de l’Etat.
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Les principes fondamentaux de la profession
Le chef de l’Etat s’est montré disposé à soutenir une politique de promotion de l’éducation des médias et des plans pour faire face aux assauts des plateformes numériques qui pullulent sur les médias sociaux et qui sapent les principes fondamentaux de la profession. «L’espace médiatique est inondé de «fake news» et subit l’influence, pas toujours positive, des plateformes de réseaux sociaux ainsi que les transformations technologiques et économiques qui le redéfinissent», a-t-il mentionné. «Ces transformations rapides, menacent les modèles économiques des médias traditionnels, et posent la problématique essentielle de la formation au journalisme, et de la maîtrise de l’information».
Autres sujets abordés par le président : la cherté de la vie, la sécurité alimentaire, le dialogue politique, entre autres. Le chef de l’Etat a reconnu «le quotidien difficile» des Comores «aujourd’hui aggravé par la Covid-19». Mais, à l’entendre, compte tenu de la conjoncture et à cause des bouleversements engendrés par la crise sanitaire, «la priorité était de faire tout pour éviter une pénurie des produits essentiels à la consommation».Au sujet de la flambée des prix, Azali Assoumani a regretté l’anarchie qui y règne tout en déplorant le manque d’accompagnement de la population pour faire respecter les structures homologuées par les services compétents. «Le gouvernement ne peut pas poster des policiers dans chaque village, les citoyens ont aussi le devoir de faire régner la discipline des prix», a-t-il souligné.
Le président reviendra toutefois sur les ambitions de son gouvernement à favoriser des politiques d’appui à la production locale. «Nous y travaillons car l’autosuffisance alimentaire est un passage obligé pour assurer notre souveraineté alimentaire».S’aissant du dialogue politique, Azali Assoumani a défendu «une initiative visant à assainir les mœurs politiques» en permettant de «consolider les acquis démocratiques grâce à des mesures correctives que nous devons collectivement prendre pour le bien de tous».
Le chef de l’Etat dit n’exclure personne mais prévient que personne ne pourra bloquer le processus, soulignant l’éventualité de poursuivre les discussions et les échanges après les travaux du dialogue. «Tout est possible, il peut y avoir des thématiques qui pourraient faire l’objet de réflexion et d’échanges après le dialogue. C’est pourquoi je suggère un cadre de suivi permanent qui aura les capacités techniques à nous proposer des solutions à tous les problèmes d’ordre institutionnels qui peuvent surgir à tout moment», a-t-il informé.
Un séminaire gouvernemental pour le suivi de la Conférence de Paris
Le président de la République estime «urgent et nécessaire d’adapter les projets phares et structurants» par rapport au contexte marqué par la crise sanitaire qui a remis toutes les pendules à zéro aux Comores et partout dans le monde. «Nous allons organiser ce séminaire très prochainement pour réajuster nos projets sans toutefois perdre de vue la vision de l’émergence à laquelle nous croyons», a-t-il souligné.
Devant la presse, le chef de l’Etat a répondu à une question d’une journaliste sur le suivi de la conférence de Paris et les capacités du pays à capitaliser ce rendez-vous historique qui a généré plus environ 4 milliards de dollars d’intentions de financements. Après les annonces, un cadre de suivi a été mis en place. Les bailleurs internationaux ont été, à plusieurs reprises, relancés. Mais les travaux techniques de suivi sont rendus compliqués par la crise sanitaire.
Azali Assoumani a reconnu que la Covid-19 a joué «les troubles fêtes» faisant allusion à la grande chaîne de solidarité internationale créée au lendemain de la fin des travaux parrainés par la France avec l’appui technique de la Banque mondiale. «Nous en sommes conscients. La crise de la Covid a tout gâché mais nous n’avons pas pour autant lâché. Un travail se fait au niveau du secrétariat permanent en charge du suivi de la conférence», a-t-il précisé, ajoutant que la Conférence des partenaires au développement (Cpad) est un maillon essentiel de l’émergence des Comores et que «tout sera fait pour concrétiser les engagements pris à Paris».
Pour y parvenir, Azali Assoumani souhaite agir en tenant compte des réalités. Le Plan Comores émergentes (Pce) comporte 12 programmes, 6 projets structurants et 10 projets sectoriels.Le président de la République estime «urgent et nécessaire d’adapter les projets phares et structurants» par rapport au contexte marqué par la crise sanitaire qui a remis toutes les pendules à zéro aux Comores et partout dans le monde. «Nous allons organiser ce séminaire très prochainement pour réajuster nos projets sans toutefois perdre de vue la vision de l’émergence à laquelle nous croyons», a-t-il souligné. «Une fois que tout sera fini, les ministres des Affaires étrangères et des Finances vont se mettre au travail pour le suivi concret des annonces faites à Paris», a-t-il indiqué.Le président a par contre fait savoir que bien de fonds ont été mobilisés, citant notamment les 150 millions d’euros promis par la France et qui sont injectés dans de nombreux projets dans les secteurs de l’agriculture, de l’éducation, de la formation professionnelle et de la santé.