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Y a-t-il eu corruption ou complicité dans l’attribution du marché des kits solaires à Ngazidja sur financement de la Bad ?

Y a-t-il eu corruption ou complicité dans l’attribution du marché des kits solaires à Ngazidja sur financement de la Bad ?

Société | -   Nazir Nazi

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Le Projet d’appui au secteur de l’énergie aux Comores (Pasec), financé par la Banque africaine de développement (Bad), a lancé, en début d’année, un appel d’offre relatif à la fourniture de kits solaires pour les postes de santés et les établissements scolaires à Ngazidja. L’une des sociétés soumissionnaires conteste la décision d’attribution du marché à une société «qui ne répondait pas à certains critères objectifs.

 

Faut voir. On inventoriait cinq soumissionnaires à cette offre, dont les trois moins-disant étaient respectivement Cosmos Entreprise, avec 60.935.203 francs, Nettisse, avec 75.575.213 francs, et Sun power énergie (Spe), avec 79.000.000 francs. Après des motifs avancés suite à une lecture et une analyse des offres, le marché a été attribué, au mois de juin, à la société Spe et pour une durée de quatre semaines. «Nous avons suivi à la lettre les procédures d’appel d’offre. Après des examens préliminaires, des soumissionnaires ont été rejetés pour manque de dossiers ou pour modèles non conformes... Comme le soumissionnaire devait montrer qu’il a accès à des financements, tels que des avoirs liquides, actifs immobiliers non utilisés, lignes de crédit, autres que l’avance de démarrage éventuelle, à hauteur de 31.900.000 francs comoriens», a expliqué le coordinateur du projet, Zababi Msaidie.
Mais, il s’est avéré qu’une lettre de contestation de la décision d’attribution dudit marché, datant du 18 juin dont Al-watwan s’est procuré une copie, a été déposée au bureau du coordinateur par la société Netisse. Si Zababi Msaidie trouve les motifs de la disqualification de l’offre de Netisse valables, ce qui est d’ailleurs précisé dans une lettre du 21 juin adressée au patron de Netisse, dont Al-watwan possède également une copie, cela ne veut tout de même pas dire que le reste du courrier est inaperçu. La dernière partie de la lettre pointait du doigt la rigueur sur la précision du contenu des offres et le contrôle de l’authenticité des documents fournis. Pourtant, a-t-il été précisé dans cette lettre de contestation, «L’objectivité et la justice devraient être la seule motivation pour départager les soumissionnaires». Selon le courrier du contestataire, l’entreprise Sun power énergie est créée le 31 octobre 2014 alors que l’appel d’offre exigeait au minimum cinq ans d’expérience. «La société Spe ne pouvait pas fournir plus de trois états financiers dans son offre, ce qui la rendrait inéligible», a-t-il été mentionné dans la lettre.
Une information capitale au point que le coordinateur du projet a pris l’initiative de mener son enquête «pour que l’offre ne soit pas influencée d’une manière ou d’une autre». Le directeur de l’entreprise se serait servi de faux documents pour gagner ce marché ?

Une seule société à deux immatriculations

Interrogé à ce sujet, le coordinateur a fourni à Al-watwan deux courriers du 19 juin dont l’un adressé au patron de Spe pour fournir des copies de contrats signés avec d’autres sociétés. L’autre courrier a été adressé au président du Tribunal de Moroni pour demander des renseignements sur Spe. «Nous vous sollicitons de bien vouloir nous fournir un certificat d’attestation de la société Sun power énergie afin de finaliser le processus d’évaluation des dossiers soumis», a demandé Zababi Msaidie au président du Tribunal.
Selon l’immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier évoquée par Netisse dans la lettre de contestation, dont Al-watwan a obtenu aussi une copie, ladite immatriculation de la société Sun power énergie Sarl est signée par la greffière en chef à Moroni, le 31/10/2014, sous le N0 484/14 du registre chronologique et N0 6377-B-14 du registre analytique.
Contrairement à l’immatriculation déposéepar le directeur de SPE auprès du projet, dont Al-watwan dispose d’une copie, l’immatriculation de la société Sun power énergie Sarl est signée par la greffière en chef à Moroni, le 31 octobre 2012, sous le N0 384/12 du registre chronologique et N0 5377-B-12 du registre analytique. Où est l’authenticité ?
De son côté, le patron de Sun power énergie Sarl, Allaoui Hicham, s’est indigné de la contestation de Netisse, en lâchant «c’est une diffamation» avant de nous montrer ses documents datant de 2012. «Netisse ne peut pas être à la fois le témoin et le juge. Notre société a été créée en 2012 par une dame. Et nous l’avons reprise en 2015. Dans le dossier d’appel d’offre, nous avons bien mis notre immatriculation au registre de 2012 et une inscription modificative de 2015 portant le même numéro. Il est en train de nous salir», s’est-il exprimé.

Suspension de la signature du contrat

Allaoui Hicham nous a ensuite fait savoir au téléphone qu’il dispose d’une attestation issue du tribunal certifiant l’existence de sa société depuis 2012. «Vous pouvez venir récupérer une copie», a-t-il lancé.
Dans une lettre d’information signée le 22 juin 2018 et adressée à la société «Sun power énergie Sarl», dont Al-watwan détient une copie, le coordinateur du projet a annoncé la suspension de la signature du contrat suite à la réception d’une lettre de contestation de la décision d’attribution du marché. «Nous mènerons des enquêtes de vérification compte tenu des informations fournies sur la lettre de contestation de la société Netisse», a-t-il été précisé dans la lettre d’information. Pourtant, le groupe de la Banque africaine de développement, bailleur du projet, a envoyé l’avis de non objection sur le rapport d’évaluation pour la fourniture des kits solaires depuis le 6 juin.

Dossiers scannés ?

Contacté au téléphone, le coordinateur du projet nous a enfin confié que la réponse du président du Tribunal de Moroni a confirmé l’authenticité des documents datant de 2012 fournis par le patron de Sun power énergie Sarl. «Ce courrier a été déposé au secrétariat du projet par un agent du tribunal», a affirmé Zababi Msaidie.
Menant toujours son enquête, Al-watwan s’est présenté maintes fois au bureau du registre du commerce, au tribunal de Moroni. Après avoir examiné les deux copies d’immatriculations exposées par Al-watwan, des agents présents dudit bureau ont consulté scrupuleusement avec Al-watwan les immatriculations au registre du commerce et du crédit immobilier de 2012, 2013 et 2014. Qu’est-ce qui en ressort ?


Durant notre consultation, remontant le vendredi 20 juillet, force est de constater que seulement l’immatriculation de la société Sun power énergie Sarl signée par la greffière en chef à Moroni, le 31/10/2014, sous le N0 484/14 du registre chronologique et N0 6377-B-14 du registre analytique qui existe. Dans les immatriculations de l’année 2012, la société Sun power énergie Sarl ne figure nulle part.
Par contre, le N0 5377 se trouve dans le registre de 2013 pour une personne physique sous le nom de «Que des nouveaux Mlatamou». «Le document authentique est celui de 2014. Celui de 2012 est un document scanné. Et nous ne sommes pas responsables d’un faux document. Cette société est créée en 2014», a martelé un des agents. En clair, il s’agit de savoir comment une seule société a pu détenir deux immatriculations sous le même nom, l’une enregistrée en 2014 sur le registre et l’autre en 2012 ne figurant nulle part au niveau du registre. Falsification, complicité ou diffamation ?


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