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Younoussa Imani I «Nous envisageons un taux de bancarisation de plus de 50% d’ici à 2025»

Younoussa Imani I «Nous envisageons un taux de bancarisation de plus de 50% d’ici à 2025»

Société | -   A.S. Kemba

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Le gouverneur de la Banque centrale des Comores (Bcc) fait un tour d’horizon sur les chantiers phares de l’institution et son ambition à rénover l’ensemble de ses services pour répondre aux défis de modernisation du système bancaire national. Restructuration des établissements financiers en difficultés, accompagnement de l’activité économique, création d’un Swift national ou encore inclusion financière, Younoussa Imani y a expliqué les travaux engagés et en a profité pour défendre son bilan et étaler ses priorités pour son nouveau mandat à la tête de la banque des banques.

 

Quelles sont vos réalisations et les chantiers en cours à la tête de l’institution ?

Concernant les réalisations durant mon premier mandat, plusieurs exemples significatifs peuvent être mentionnés : la Bcc affiche une santé financière renforcée, avec des résultats d’exploitation exceptionnellement élevés au cours des cinq dernières années, passant de 480 millions de francs en 2016 à 2,8 milliards aujourd’hui. Ses capitaux propres se sont considérablement renforcés, passant de 14 milliards en 2016 à 23 milliards en 2023. Les dividendes distribués à l’État sont passés de 240 millions en 2016 à 1,4 milliard en 2023. Ils sont donc sept fois plus élevés.Ensuite, la position extérieure de la Banque centrale s’est considérablement améliorée, passant de devises équivalentes à 67 milliards de francs en 2016 à 135 milliards aujourd’hui, ce qui représente environ huit mois d’importations.

Par ailleurs, les opérations de la caisse ont été entièrement modernisées, passant d’un tri manuel des billets en 2016 à un tri automatisé aujourd’hui grâce à l’acquisition de nouveaux équipements modernes de tri et de broyage.Il convient également de noter une supervision bancaire plus active et réactive, qui se traduit par un suivi plus rigoureux des activités bancaires, de leurs actionnaires et de leurs dirigeants. Des opérations de restructuration ont été menées dans les banques en difficulté telles que la Snpsf, la Bfc et la Bdc, tandis que des partenaires bancaires ont été recherchés pour celles qui en avaient besoin.

Des sanctions ont également été appliquées aux actionnaires et aux dirigeants qui ne respectent pas la réglementation.

D’autres réalisations… ?

Il y a aussi la création de trois institutions de monnaies électroniques (banques mobiles) qui a permis aux comoriens d’effectuer leurs transferts d’argents plus facilement et rapidement à l’aide de leurs téléphones portables. On comptabilise 2,8 milliards de FC transférés par les comoriens entre eux à l’intérieur du pays et 3,1 milliards transférés entre les comoriens à l’extérieur du pays. Nous comptabilisons aujourd’hui 662 mille comptes de monnaies électroniques. Il y a également la participation à la mise en place d’un mécanisme de financement bancaire du déficit budgétaire du Trésor Public pour le paiement régulier des fonctionnaires. On notera enfin une révision de nos statuts qui a été entreprise pour accorder à la BCC plus de possibilités d’actions en matière de supervision et de politique monétaire. Désormais, la partie comorienne bénéficiera d’une plus grande marge de manœuvre.

Quelles sont vos grandes priorités pour ce nouveau mandat ?


Le deuxième mandat sera consacré à l’achèvement des chantiers en cours. Ceux-ci comprennent l’adoption des nouveaux statuts, la restructuration des banques en difficulté, la création de la Banque postale et l’installation de nouvelles banques telles que la Banque of Africa (Boa). Il y a aussi la réduction des créances douteuses, la mise en place d’un fonds de garantie, la mise en œuvre du crédit-bail, la modernisation du système de paiement, la mise en place des Bons du Trésor, l’augmentation de l’inclusion financière, notamment en augmentant le taux de bancarisation pour la population locale et la diaspora, ou encore la mise en place de systèmes de compensation et de virement automatisés. On a enfin également l’utilisation des cartes bancaires via le réseau Switch, la lutte contre les escroqueries financières et la contrefaçon de billets.

Où en est-on justement le fonds de garantie, le crédit-bail, le marché des titres et la finance islamique ?

"Le deuxième mandat sera consacré àl’achèvement des chantiers en cours. Ceux-ci comprennent l’adoption des nouveaux statuts, la restructuration des banques en difficulté, la création de la Banque postale et l’installation de nouvelles banques telles que la Banque of Africa (Boa). Il y a aussi la réduction des créances douteuses, la mise en place d’un fonds de garantie, la mise en œuvre du crédit-bail, la modernisation du système de paiement, la mise en place des Bons du Trésor, l’augmentation de l’inclusion financière notamment en augmentant le taux de bancarisation pour la population locale et la diaspora (…)."

Les années 2024 et 2025 représentent pour la Bcc des années de concrétisation de nos projets et de réalisation de résultats tangibles. Parmi ces réalisations, nous prévoyons notamment la mise en place d’un Institut de Fonds de garantie en juillet 2024, un projet fortement soutenu par le président de l’Union des Comores. Cet institut, dont le capital sera majoritairement détenu par les banques commerciales, aura pour objectif d’octroyer des crédits à des taux préférentiels à des porteurs de projets productifs comoriens ne disposant pas de garanties bancaires suffisantes. Cette initiative devrait contribuer significativement à la création d’entreprises et d’emplois chez les jeunes. Par ailleurs, nous prévoyons la mise en œuvre du crédit-bail en mai 2024.

En quoi consiste ce projet ?

Ce projet impliquera les banques dans l’achat d’équipements au profit d’individus ou d’entreprises sans nécessité de garanties bancaires. Les équipements ainsi acquis seront gérés par le bénéficiaire mais resteront la propriété de la banque bailleur jusqu’à ce que l’acheteur ait effectué tous les remboursements. À ce moment-là, l’équipement deviendra la propriété de l’acquéreur. Comme mentionné précédemment, un marché des titres sera mis en place à titre d’opération pilote à la fin de 2024. Cette année verra également la résolution des difficultés rencontrées par certaines banques, grâce aux méthodes de résolution désormais à notre disposition. La Banque Postale sera créée, la Bfc sera restructurée, et d’autres banques présentant des fonds propres négatifs seront rétablies à l’équilibre. Nous envisageons de mettre l’accent sur l’inclusion financière. Nous envisageons un taux de bancarisation de plus de 50% d’ici à 2025, contre 30% actuellement. Nous prévoyons également de réduire le taux de créances douteuses à moins de 10% d’ici 2025.

Quelles mesures la Banque centrale a-t-elle prises pour aider les établissements bancaires en difficulté, notamment la Bfc et la Banque Postale, et où en est-on de leurs plans de redressement ?


La Bcc a déployé de nombreux efforts pour scinder la Snpsf en deux entités distinctes : la Banque postale et la Poste. La création de la Banque postale est actuellement en cours, avec l’affectation des effectifs et la répartition des actifs et passifs entre les deux nouvelles entités. La nouvelle Banque postale a déjà soumis une demande d’agrément à la Bcc, qui sera examinée lors de la prochaine réunion du Conseil d’administration prévue à la fin de ce mois d’avril.

 

Quant à la Bfc, des solutions pour la reprise de certains de ses actifs et passifs par la Boa sont bien avancées. Nous espérons parvenir à une solution définitive d’ici la fin de l’année, ce qui marquera le début d’un nouveau chapitre. Avec la mise en fonction de la Banque postale et la restructuration de la Bfc d’ici la fin de cette année, deux grands défis de la Bcc seront relevés.

Quels progrès concrets ont été réalisés jusqu’ici dans le cadre du plan de modernisation du système de paiement, et quels sont les défis restants ?


La modernisation du système de paiement est un projet phare de la BCC, visant à encourager les Comoriens à utiliser moins d’espèces et davantage de moyens électroniques tels que les cartes ou les monnaies électroniques. Nous pouvons dire que la phase la plus complexe de ce projet a déjà été réalisée à travers l’acquisition des équipements lourds et la réalisation des travaux de génie civil permettant de relier les banques commerciales à la Banque Centrale et au site secours sis à Oasis. En juillet 2024, nous inaugurerons le passage d’un système de compensation manuel à un système de compensation automatique. Pour que cela soit bien compris, jusqu’à présent, lorsque vous recevez un paiement par chèque ou par virement bancaire, il faut attendre 48 heures pour que l’argent soit disponible sur votre compte (compensation manuelle).

Après juillet 2024, les paiements par chèque ou par virement bancaire seront crédités automatiquement sur votre compte en temps réel. En 2025, nous prévoyons d’introduire les cartes bancaires utilisant un Switch national. Concrètement, si vous possédez un compte bancaire dans n’importe quelle banque aux Comores et que vous vous trouvez dans une zone où il n’y a pas de distributeur automatique de billets de votre banque, mais plutôt ceux d’autres banques comoriennes, vous pourrez les utiliser pour effectuer vos opérations comme si vous étiez dans un distributeur de votre propre banque. Ces fonctionnalités, courantes dans d’autres pays développés, n’existent pas encore aux Comores. Actuellement, pour effectuer vos opérations bancaires, vous devez vous rendre physiquement dans votre agence bancaire.

Quels sont les progrès réalisés par la Banque Centrale en matière d’inclusion financière, et quelles initiatives sont actuellement en cours pour promouvoir l’accès aux services financiers pour tous les citoyens ?


L’inclusion financière vise à intégrer les Comoriens dans le système bancaire ou financier du pays. Elle est souvent mesurée par le taux de bancarisation, c’est-à-dire la proportion de personnes ayant ouvert un compte bancaire. En 2017, le taux de bancarisation était de 20%, ce qui signifie que seulement 20 comoriens sur 100 disposaient d’un compte bancaire. Aujourd’hui, il est de 30% dans le secteur bancaire.

Cependant, cela demeure insuffisant. Dans les mois à venir, nous mènerons des campagnes de sensibilisation auprès des comoriens pour encourager l’ouverture de comptes bancaires et l’utilisation des services de transfert d’argent via les banques ou les institutions de monnaie électronique. Une stratégie nationale d’inclusion financière est actuellement en cours d’élaboration, et des actions concrètes sont en cours de déploiement tant sur le territoire national que dans la diaspora. Nous envisageons également de rendre gratuites les ouvertures de comptes bancaires et de faciliter l’ouverture de comptes à distance. Ces mesures favoriseront une plus grande adhésion des Comoriens au système bancaire national. Elles entraîneront inévitablement une augmentation de l’épargne nationale, davantage de crédit pour l’économie et une baisse des taux d’intérêt.

Quelles actions la Banque Centrale peut-elle entreprendre pour gérer l’inflation record actuelle et quelles mesures supplémentaires peuvent être prises pour atténuer les pressions inflationnistes ?


En 2022, à l’instar de nombreux autres pays, l’Union des Comores a connu un taux d’inflation à deux chiffres, s’élevant à 12,4%. Cette inflation découle principalement de l’augmentation en juin 2022 du prix du carburant, entraînant une hausse généralisée des produits directement ou indirectement liés au carburant : les transports, l’électricité et les produits alimentaires utilisant ces secteurs ont été impactés.

 

La mission d’une banque centrale est de garantir la stabilité des prix. Dans ce contexte, où l’origine de l’inflation n’était pas une augmentation de la masse monétaire par rapport à la demande, mais plutôt une inflation importée due à la hausse des prix mondiaux du carburant et d’autres produits, la lutte pour la Bcc n’était pas aisée. Cependant, afin de prévenir une accélération de l’inflation, la Bcc a pris des mesures préventives en resserrant sa politique monétaire, notamment en augmentant son taux directeur de 2,5% à 3% et en mettant en place un Dépôt à terme (Dat) à la Banque centrale pour absorber la liquidité excédentaire. Près de 10 milliards de francs ont ainsi pu être immobilisés.


Parallèlement, l’État a mis en œuvre des mesures d’accompagnement telles que le préfinancement des importations et la réduction de certains droits de douane. L’effet combiné de ces actions a conduit à une baisse de l’inflation, ramenée à 9% en 2023. Pour l’année 2024, on prévoit un retour à une situation d’inflation normale, avec une prévision d’inflation inférieure à 3%n.

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