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Youssoufa Mohamed Ali I «Le pays a changé, personne n’est au-dessus de la loi»

Youssoufa Mohamed Ali I «Le pays a changé, personne n’est au-dessus de la loi»

Société | -   A.S. Kemba

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Le délégué à la Défense, dans cette interview, revient sur le procès relatif au programme de la citoyenneté économique, les premières leçons à tirer et le changement qu’il opère dans le mental des Comoriens. Se félicitant de la tenue des audiences, Youssoufa Mohamed Ali estime que le pays a franchi "un grand pas en matière de démocratie". Pour lui, "l’injustice serait de ne pas rendre justice à notre pays qui a été spolié, vendu et humilié par un groupe mafieux".

 

Quels commentaires faites-vous sur le procès relatif à la citoyenneté économique ?


Les choses se sont bien passées. Je dois d’ailleurs féliciter le peuple comorien car c’est avant tout une victoire du peuple.La population avait soif de la vérité sur la vente de leur propre citoyenneté. Je dois aussi remercier le gouvernement pour avoir créé les conditions matérielles nécessaires à l’organisation du procès. Le calme et la sérénité ont régné pendant les audiences. C’est aussi la preuve de la maturité de la population qui a besoin de voir tout responsable, quelle que soit la fonction occupée, de répondre de ses actes. C’est une grande avancée démocratique. Pour la première fois, un chef d’Etat a été poursuivi pour des faits commis dans l’exercice de ses fonctions. C’est une leçon démocratique importante. C’est un grand pas franchi par notre pays en matière de démocratie.

Les Comoriens avaient besoin de croire en cela. Et, ils viennent de le confirmer à travers ce procès. Que chacun sache que le pays a changé, personne n’est au-dessus de la loi. Nous sommes tous des justiciables peu importe les fonctions que nous occupons. Nous serons tous appelés un jour à répondre en cas de faits délictueux. Je félicite la Cour pour sa ferme détermination à rendre justice en situant les responsabilités des uns et des autres. Je profite pour rendre hommage à ceux qui se sont mis à la disposition de la justice.

Les avocats de la défense ont contesté la légalité et la composition de la Cour, fustigeant des erreurs de procédures. Qu’en dites-vous ?

Toutes ces questions ont été répondues par la Cour de sûreté de l’Etat. Chacun peut se faire une opinion sur n’importe quel aspect du procès mais il appartient à la justice d’apprécier les questions de droit soulevées et de décider de la suite à donner. On ne peut pas se faire justice soi-même. Il y a des cours et des tribunaux qui ont compétence en la matière. Les audiences de la Cour se sont poursuivies. Je dois, par exemple, rappeler que la question de la légalité de la Cour a été tranchée à travers un arrêt de la Cour suprême. Il n’y a ni débat ni commentaires à faire. Les décisions de la Cour suprême sont définitives. Les gens doivent apprendre à respecter nos institutions et à se conformer aux décisions qu’elles prennent.

L’ancien président Sambi a eu des mots durs contre la Cour, en particulier, et la justice en général. Compreniez-vous sa colère ?


D’abord, il devrait être à la barre pour dire tout ce qu’il avait à dire. Il ne devrait pas quitter la salle d’audience et fuir la justice. C’était un mauvais exemple de sa part. Et puis, il était président pendant 5 ans et n’a rien fait pour améliorer les conditions de travail de l’institution judiciaire. Et puis, il n’a pas été jugé pour sa personne mais pour des faits révélés dans un programme mafieux, porté par des mafieux et qui a causé un lourd préjudice moral et financier à notre pays. La justice l’a bien dit, son ancien ministre des Finances, l’a aussi prouvé à l’audience, il a délivré un mandat à un escroc qui a profité pour faire des opérations mafieuses, vendre des passeports comoriens en toute liberté avec des réseaux parallèles. Les Comoriens avaient besoin de savoir la vérité. Et, ils ont compris car tout a été déballé. C’était un moment important pour les Comoriens. Je crois que l’injustice serait de ne pas rendre justice à notre pays qui a été spolié, vendu et humilié par un groupe mafieux.


Justement, que pouvons-nous attendre maintenant au sujet des fonds volés ou détournés. L’Etat est la principale victime. Comment faire pour recouvrer les fonds en question ?


Il faut faire la part des choses. La Cour a été claire dans son arrêt. Il y a eu l’annonce de la confiscation de tous les biens des principaux inculpés, d’un côté. Mais il faut que les gens comprennent, d’un autre côté, qu’il y a, dans une affaire similaire, une double procédure. Il y a l’action publique qui vient d’être bouclée par la Cour et qui a condamné les faits proprement dits. Mais il y a aussi l’action civile qui tend à la réparation du préjudice subi et aux dédommagements. C’est un autre aspect de la procédure. D’ailleurs, la Cour a demandé aux parties civiles de saisir un tribunal civil. Il n’y a rien à polémiquer. Je pense que l’Etat comorien est mieux outillé pour faire valoir ses moyens de droits pour obtenir non seulement réparation et dédommagements mais aussi recouvrer tout ce qui doit lui revenir. Les avocats de l’Etat sont mieux placés pour apporter des explications approfondies.

Quelles leçons peut-on tirer de ce procès historique ?

La première leçon, comme je l’ai dit, c’est que maintenant tous les citoyens ont bien compris que personne n’est au-dessus de la loi.Que nous tous, nous sommes des justiciables. La justice est égale pour tous. Et que nous devons agir dans l’intérêt de l’Etat, protéger son patrimoine, ses valeurs, son image.


Et que toute personne qui sera reconnue responsable d’un fait soit traduite en justice pour répondre de ses actes sans considération aucune. Moi, c’est l’importante leçon que j’ai retenue. Il faut que les gens sachent que les citoyens sont égaux devant la loi et que chacun doit rendre des comptes une fois reconnu coupable des faits. C’est pourquoi, j’ai dit que c’est avant tout une victoire du peuple et une grande avancée démocratique.


Et puis, il faut poursuivre la politique de renforcement des conditions de travail de nos juridictions, améliorer l’efficacité de l’institution judiciaire, soutenir le plan de formation et de spécialisation de nos magistrats. Il faut aussi mobiliser les ressources humaines au sein du corps judiciaire pour assurer la célérité des procédures à tous les niveaux des juridictions.

L’opposition avait appelé à la démission de ministres suite à des images avec l’homme d’affaires Bachar Kiwan. Qu’en dites-vous ?


Il faut qu’elle reconnaisse d’abord le gouvernement avant de réclamer le départ des ministres.
C’est d’ailleurs une des contradictions de cette opposition. Elle ne reconnait pas un gouvernement mais elle demande quand même le départ de certains ministres.Je pense qu’il est temps d’engager une réflexion sur une opposition à la hauteur des enjeux politiques et socio-économiques.


Le pays a besoin d’une opposition. Mais une opposition constructive. Mais, force est de constater qu’elle est devenue une opposition antitout, sans vision et toujours avec des stratégies de blocage systématique. Il nous faut une opposition républicaine et non une opposition antitout.

 

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