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Zarouki Bouchrane, maire de Mutsamudu I «Ce n’est pas le moment de déstabiliser notre chère commune»

Zarouki Bouchrane, maire de Mutsamudu I «Ce n’est pas le moment de déstabiliser notre chère commune»

Société | -   Sardou Moussa

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La mairie de Mutsamudu est en proie à une agitation ces dernières semaines. Une partie des conseillers et chefs des quartiers contestent l’action du maire et demandent la convocation d’un conseil extraordinaire. Le maire, Zarouki Bouchrane, estime n’avoir rien à se reprocher, et met cette fronde sur le compte de certains nostalgiques du pouvoir. Dans cet entretien, l’édile répond aux attaques de ses détracteurs et dresse le bilan de ses deux ans de service.

 

Une partie des conseillers de votre mairie vous demande de convoquer un conseil extraordinaire. Avez-vous accédé à leur demande ?

Disons que j’ai reçu un document qui n’est pas daté, et où figurent des conseillers, mais pas les chefs des quartiers. Je les ai relancés en leur disant que j’ai reçu ce document-là. Ils me l’ont renvoyé par la suite. Il y a des contestations de la part de certains chefs de quartiers disant qu’ils n’ont jamais signé de documents, qu’il y a eu faux et usage de faux. Donc je ne m’en tiens pas à ces choses-là, mais toujours est-il qu’une session extraordinaire doit être motivée. Or la motivation, ce sont les questions qu’ils ont posées [dans leur lettre adressée au maire]. Si je peux y répondre point par point, ce sera intéressant.

Ils y affirment que vous avez contracté un prêt de 10 millions auprès d’une banque sans les avoir consultés, ni associés au projet auquel cet argent est destiné. Ils disent aussi que vous marchez en solo, que vous prenez des décisions unilatérales…


Je dis déjà que c’est faux, puisque j’ai ici le rapport de la session [ordinaire] tenue à Shitsangani. Dedans le sujet des kiosques de l’Alliance [des petits locaux à louer aux commerçants et dont les recettes de leur location iront dans les caisses de la mairie] a été posé, avec sa problématique, à savoir que nous ne disposons pas d’argent [pour leur construction], et donc il nous fallait contracter des prêts pour pouvoir réaliser ce projet. La décision a donc été prise en commun accord lors de cette session. Nous avons effectivement contracté ce prêt de 10 millions. Nous avons géré cet argent d’une façon rationnelle. A ce jour il nous reste 5 millions [il nous montre le carnet de chèques]. Parallèlement j’ai demandé un audit d’experts pour nous faire l’évaluation des dépenses engagées dans ces travaux jusqu’ici. J’ai ici leur rapport, qui mentionne un investissement de 7 487 000 francs. Ils ne peuvent donc nous reprocher d’avoir volé. Voyez ce livre [il nous montre un registre], tout est mentionné dedans, recettes et dépenses mensuelles de la mairie, depuis que nous sommes là. Cela ne se fait dans aucun des 53 autres mairies du pays.

Mais si vous contestez tout ce dont ces conseillers vous reprochent, alors d’où vient cette fronde, comment l’expliquez-vous ?

C’est simple : vous savez, les gens qui veulent déstabiliser la ville, ce sont les mêmes contre qui nous avons eu à nous affronter lors des élections de 2020. Ils sont avides de pouvoir. Ils veulent récupérer la mairie, sachant pertinemment que nous avons fait énormément de choses pour le développement de la ville de Mutsamudu.

Pouvez-vous justement nous résumer ce bilan, que vous jugez très positif ?


Il est simple : j’ai pris cette mairie en juillet 2020 avec 44 mois d’arriérés de salaire ! Nous avons commencé par l’organisation administrative. Aujourd’hui, si vous entrez à la mairie, vous vous rendez compte que c’est une mairie qui fonctionne. S’en est suivie la sécurisation des recettes.
A notre arrivée les recettes globales étaient de 900 euros [près de 450 000 francs], et ce sont les mêmes qui veulent revenir… Juste le mois d’après, en août, on est passé à 10 000 euros [près de 5 millions de francs] ! Depuis on chevauchait entre 10, 14, 17 et 19 000 euros jusqu’à l’arrivée de la Covid-19, vers le mois de décembre, où on a effectivement chuté.

Actuellement on est aux alentours de 7 à 8 millions de francs par mois. Il y a aussi l’organisation de l’état-civil : vous savez bien qu’avant, une personne pouvait avoir trois, quatre numéros [d’extrait d’acte de naissance]… J’ai embauché monsieur Ali Nourdine, qui vient de Mayotte avec à son actif vingt ans d’expérience en la matière. Aujourd’hui les chancelleries nous font confiance ; tous les documents établis dans notre mairie y passent comme dans une boite aux lettres.


Pour ce qui est des salaires, ils sont payés à chaque fin de mois, régulièrement. J’étais d’ailleurs obligé d’augmenter les salaires de certains, car je ne comprenais pas comment un technicien de surface pouvait être payé 15 000 francs. Aujourd’hui, ils sont à 40 000 francs par mois. Le seul fléau qui nous reste est la question des ordures. Il est prévu que 11 % du Rau [Revenu administratif unique] doit revenir aux communes de Moroni, Mutsamudu et Fomboni. Cela n’a jamais été le cas ; seule Moroni perçoit 16 millions par mois. Je ne peux pas, avec 7 millions de recettes par mois, m’occuper du personnel et aussi des déchets. Mais toutes ces questions ne nécessitent pas la convocation d’un conseil extraordinaire ; il aurait suffi de venir me les poser ici et j’y aurais répondu. D’autant plus qu’il y a une session ordinaire après le ramadan. Une session coûte quand-même 220 000 francs… En deux ans et demi, on a tout de même organisé cinq conseils. Mon prédécesseur en avait tenu deux en cinq ans.

Dans un bilan on évoque bien sûr les succès, mais il peut y avoir aussi des ratés. Dans votre cas l’on peut évoquer les ordures, mais peut-être aussi les constructions anarchiques, l’extraction du sable marin, l’occupation illégale de l’espace public…

Non pas du tout ! Parce que lorsqu’on parle d’infrastructures, il faut s’adresser au ministre de l’Aménagement du territoire. Ces maisons qui sont mal construites ou mal placées, ce n’est pas la mairie… A notre arrivée nous avons introduit le permis de construire, mais celles [les maisons] qui ont été faites avant ? Pour ce qui est du sable, lorsqu’on attrape un extracteur, on le lui reprend et le jette à la mer. Quand c’est un camion qu’on attrape [dans la rue], on donne le sable à des mosquées en construction ou à des travaux d’utilité publique.

Ce sont là des actions que l’on peut qualifier de correctionnelles. Mais pourquoi le côté préventif ne fonctionne-t-il pas ?

Cela ne peut pas fonctionner sans l’aide de la gendarmerie et de la police nationale. Quand je formule une demande d’assistance auprès de la gendarmerie, ça ne passe pas. Ils ne nous envoient personne. Ils disent qu’il n’y a pas de voiture, pas d’essence… On se débruille avec ce que l’on peut…

Le mot de la fin… ?

J’avais signé une convention de jumelage avec la commune de Mamudzu, qui nous avait promis un projet d’un milliard de francs, qui a malheureusement été annulée. Il y a d’autres projets avec des organisations non gouvernementales, dont les fruits vont bientôt commencer à tomber. Nous attendons l’arrivée de deux camions [de ramassage d’ordures, offerts par des associations de la diaspora de France], il y a le projet des Japonais destiné aux trois principales communes du pays… Ce n’est donc pas le moment de déstabiliser notre chère commune.

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