Le procès sur la «tentative d’assassinat» de l’ex-vice-président de la République, Moustadroine Abdou, a été ouvert hier, mercredi 19 décembre, au palais de justice de Mutsamudu, et doit se clôturer aujourd’hui jeudi. Ont comparu hier devant la Cour de sûreté de l’Etat, «délocalisée à Mutsamudu», selon les termes de son président, au total huit prévenus : Mohamed Ali Abdallah alias Regné, Kadrichifa Mohamed surnommé Kadi et son frère Yasserdine Mohamed dit Daladji, Elhad Ibrahim Halifa, Mahamoud Mohamed Elarif, Siam Ousseine dit Basha, Mouhidine Abdallah dit Alex et Hamidou Ismaël alias Kassapa. Ibrahim Salim Abdoulmadjid, le neuvième prévenu considéré avec Elhad comme les principaux organisateurs de l’attaque, n’a pas été présent à l’audience : il s’est en effet réfugié à Mayotte peu après ces événements, survenus le soir du 21 juillet dernier sur la route de Mpuzini, à trois kilomètres de Mutsamudu.
Dès l’entame du procès, les avocats des prévenus ont contesté la légalité de la Cour de sûreté, censée juger leurs clients et instaurée par une loi datant de 1981, soutenant qu’elle était «tacitement abrogée» par la loi organique portant organisation du système judiciaire national, promulguée en 2005 et n’ayant pas cité la Cour de sûreté parmi les tribunaux en exercice aux Comores.
Longue et pénible
Suite à cette requête et après quelques minutes de concertation entre ses membres, la Cour a rejeté les exceptions soulevées, soutenant à, son tour, que jusqu’à preuve du contraire, elle demeurait légale et active, jusqu’à ce que le législateur en décide autrement. Ce à quoi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Ndzuani, Me Aboubacar, a répondu que «cette décision, le législateur l’a déjà prise à travers cette loi de 2005». Ce qui n’a pas fait changer d’avis le juge.
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La journée de procès a été longue et pénible aussi bien pour les prévenus que pour le tribunal et l’assistance. Des mesures de sécurité exceptionnelles ont été prises aux alentours du palais de justice comme à l’intérieur, avec des militaires armés partout. Une assistance assez conséquente avait pris d’assaut le palais, et pouvait suivre l’audience grâce à des haut-parleurs placés dehors et par la radio. Les interrogatoires des prévenus ont été longs ; le président de la cour interrompait continuellement les accusés au cours de leurs récits, pour revenir sur les détails les plus infimes, et ainsi confronter leurs versions du moment avec celles contenues dans leurs dépositions. Un rythme lent qui a fait que de 9 heures jusqu’à la suspension de l’audience à 14 heures, seulement la moitié des prévenus avaient été écoutés.
Cocktail-molotov
Il faut dire, d’autre part, que cette première journée d’audience a permis à l’assistance de se faire une idée par rapport à la vérité sur les faits présumés. L’on ne peut pas dire que les quatre personnes (Elhad, Kadrichifa, Regné et Kassapa) entendues pendant la première partie de l’audience aient vraiment réussi à conserver leurs lignes de défense. Elhad, qui reconnait avoir préparé l’attaque avec Ibrahim Salim, a comme voulu minimiser son rôle, rejetant l’essentiel de la charge à son ami.
Selon lui, c’est d’abord au moyen de cocktail-molotov qu’ils avaient prévu d’«intimider» l’ex-vice-président, ensuite et seulement au dernier moment vint l’idée d’utiliser une arme à feu pour «seulement crever le pneu de son véhicule», mais tout cela il l’aurait suivi de loin.
De son côté, Kadi a dit avoir seulement servi de chauffeur, sans savoir le but de l’opération, si ce n’est qu’il rendait service à son ami, Ibrahim. Regné, le tireur, a également voulu faire croire au tribunal qu’il n’a été mis au courant du véritable dessein de sa mission (tirer avec une arme à feu sur le véhicule du vice-président) qu’au dernier moment, tout en concédant qu’il a été contacté par Elhad la veille, vendredi, pour «une opération visant à retarder le processus référendaire».