Depuis le 3 avril, un garçon mineur est placé en mandat de dépôt à la prison de Moroni. Jusqu’à la semaine dernière, il était visé par trois chefs d’inculpation : agression sexuelle, chantage et harcèlement. Mais dès le départ, le nom du lycée international français Henri-Matisse de Moroni n’arrête pas de revenir.
Il semble que le prévenu, actuellement hospitalisé en dehors de la prison, ainsi que ses présumées victimes âgées de 12 et 13 ans, fréquentent tous les trois l’établissement concerné, même si les événements se sont déroulés ailleurs.
En effet, d’après nos sources, l’école aurait été informée de ces faits par l’un des parents de la première victime, dont l’agression remonte en mars 2023.Pourtant, la hiérarchie aurait opté pour le silence et ne se serait intéressée à cette alerte que très récemment, lorsqu’une seconde victime a accusé le même garçon des mêmes faits d’agression sexuelle.
D’après une source du parquet, les deux plaintes ont été déposées à la gendarmerie, presque dans la même période. Aujourd’hui, certains parents d’élèves de cet établissement considèrent, à tort ou à raison, que la hiérarchie a tenté d’»étouffer» l’histoire de la première victime, probablement pour sauver l’image de l’école, alors qu’une récente audition de l’inculpé sur les accusations de cette plaignante a conduit à une augmentation des chefs d’inculpation. Désormais, la charge de cybercriminalité a été rajoutée. «Elle inclut le cyberharcèlement, possession et émission d’images à caractère pornographique de l’une des victimes. Ces éléments sont apparus après un dernier interrogatoire chez le juge», précise une source crédible.
Courrier de novembre 2023
Autre fait qui interroge sur l’attitude des responsables du lycée français, géré par une Association de parents d’élèves (Ape) et une proviseure : une crainte exprimée par des parents et qui aurait été banalisée. Dans un courriel qu’Al-watwan a pu consulter, daté du 23 novembre 2023, l’on y lit que les parents d’élèves élus aux Conseils, demandent à rencontrer la proviseure. «Des parents nous ont alerté que des photos nudes [images de corps dénudés ou sexualisés], s’échangeaient/se partagent dans la cour de récréation», alerte le collectif avant de prévenir que «si cela est caractérisé, alors l’établissement glisse dangereusement dans une pente ou même le taux de réussite aux examens ne saurait le faire remonter».
Les parents d’élèves élus aux Conseils soulignent que la circulation de ces éléments peut conduire au harcèlement, à l’addiction et au racket. Les auteurs du courrier manifestent leurs craintes quant aux «éventuelles conséquences sur nos jeunes, les familles et sur l’image de notre établissement». Un mois après l’avoir reçu, la Proviseure aurait répondu, lors d’une réunion, que les appréhensions des parents n’étaient pas «justifiées». Il n’est cependant pas clairement établi que les images obscènes en question concernent des élèves de l’établissement, notamment la victime de mars 2023. Celle-ci a toutefois évoqué devant la justice des chantages via les réseaux sociaux.
Chantage
Face à l’ampleur des révélations concernant ces deux affaires d’agression sexuelle, certains membres de ce collectif se demandent si l’établissement n’a pas commis une erreur en gardant le silence sur cette première affaire. Al-Watwan a tenté d’obtenir la réaction de l’association des parents d’élèves ainsi que celle de la proviseure, mais seule cette dernière a répondu à nos relances, sans pour autant accepter de s’expliquer. Elle s’est contentée d’indiquer qu’une instruction judiciaire était en cours, nous renvoyant à la réponse suivante, déjà fournie par l’ambassade de France aux Comores : «Il s’agit d’un sujet qui concerne un établissement scolaire géré par une association de parents d’élèves et un chef d’établissement.
La justice comorienne et française sont saisies et il leur appartient d’établir les faits et de les qualifier». Ce silence concernant la première affaire donne lieu à des interprétations des événements qui secouent le lycée international français Henri-Matisse de Moroni. Certains parents d’élèves qui s’engagent à «fournir des éléments sur ces affaires appellent à une justice équitable et rapide afin d’éviter que le prévenu ne reste en prison pour rien».