Dans le cadre d’un projet d’urgence d’appui à la production agricole, des poules ont récemment été distribuées à plusieurs bénéficiaires. Toutefois, cette initiative, qui se voulait porteuse d’espoir, rencontre aujourd’hui de sérieux obstacles, qui révèleraient selon toute vraissemnblance d’un manque de planification et de suivi. Selon Ahmed Houlad Imam, l’un des bénéficiaires, les poules sont arrivées en nombre conséquent, mais sans accompagnement consistant en nourriture ni en formation. « La difficulté que je perçois, c’est que les poules sont arrivées sans nourriture. En outre, il n’y a pas de suivi dans le projet », explique-t-il. Le plus délicat est que « même des personnes sans compétence en aviculture » auraient « reçu des animaux, souvent au détriment de ceux réellement impliqués dans le métier ».
La rupture rapide des stocks de nourriture a eu des conséquences désastreuses. « Certaines poules devaient commencer à pondre ce mois-ci, mais à cause du manque de nourriture, tout est bloqué. La production recule au lieu d’avancer », déplore-t-il. Pire encore, de nombreuses poules ont succombé à dénutrition. Certains éleveurs, dans l’urgence, auraient eu recours à des aliments périmés ou à des plantes pour tenter de maintenir leurs bêtes en vie. Ahmed Houlad Imam, également vendeur d’aliments pour volailles, affirme qu’il n’est plus en mesure de répondre à la demande croissante.
Ni de l’expertise ni des ressources nécessaires
«Nous pouvons à peine commander un ou deux conteneurs. Ceux qui ont distribué les poules n’ont pas cherché de solution pour l’alimentation. C’est une erreur grave », déplore-t-il. Il insiste sur l’importance d’un accompagnement adapté. « Il faut s’assurer que les bénéficiaires ont les moyens de démarrer l’élevage correctement. Après un mois sans nourriture, même si elles survivent, les poules mettent au moins trois semaines pour se rétablir. C’est un effort énorme et pénible », poursuit-il. Pour Houlad, ce projet n’est pas une cause perdue, mais il nécessite des ajustements. Il appelle à un soutien en aliments et à un suivi régulier. « Ils donnent aux gens sans se soucier de savoir s’ils ont la capacité d’entretenir les animaux. Il faut un accompagnement pour suivre l’évolution et faire des prévisions », pense-t-il.
Depuis quatre ans, Fahardine Abdallah exerce dans l’aviculture. « Heureusement que j’ai des contacts dans le domaine », confie-t-il. Grâce à ces collaborations établies de longue date, il a pu limiter les dégâts lors des récentes pénuries d’aliments pour volailles. «Même avec mes relations, j’ai connu des échecs. J’ai dû improviser : riz, farine, vitamines. Mais cela demande une vraie technique et beaucoup de vigilance.» Il observe que de nombreux nouveaux éleveurs, souvent attirés par des projets d’aide, ne disposent ni de l’expertise ni des ressources nécessaires pour faire face aux besoins quotidiens des volailles. «Une journée sans nourriture, et la production chute. Un plateau de dix œufs peut passer à neuf, voire moins. Et les aliments spécialisés sont trop chers», explique-t-il.
Selon lui, les responsables de projets se préoccupent davantage des chiffres que des résultats. « Ils ont distribué des poules à tout va, sans prendre en compte la capacité de chacun à s’en occuper. Moi, j’ai trois maisons pour les poules, mais personne ne s’est demandé combien il m’en fallait réellement. Ils voulaient juste cocher des cases.» Résultat : «certains revendent leurs volailles pour subvenir à d’autres besoins, d’autres voient leurs animaux mourir ». Al-watwan s’est également entretenu avec Moimed Youssouf, responsable du Projet d’urgence d’ppui à la production agricole (Aefpf). Il soutient que la question de l’alimentation animale est un casse-tête à l’échelle nationale. Selon lui, l’un des principaux obstacles est l’absence de production locale de provende.
Il déplore également les lenteurs administratives liées au dédouanement. « Parfois les livraisons arrivent, mais le problème de dédouanement prend plus de quatre à cinq jours, voire davantage, ce qui aggrave encore les retards », affirmer-t-il. Moimed Youssouf insiste sur la nécessité de donner leur chance aux nouveaux aviculteurs. «Certains estiment que, parce qu’ils débutent, ils ne devraient pas recevoir de poules. Mais personne n’est né éleveur ; il faut laisser une chance aux nouveaux », défend-il. Et pour sa part, il affirme recevoir de bons retours de la part de plusieurs bénéficiaires.