Littéralement, le mot «avis», tel qu’il est écrit dans les dictionnaires signifie, une opinion, un conseil. Cependant, dans le jargon des juristes, ce mot a un autre sens qui demande une certaine rigueur, avant l’interprétation. Depuis deux semaines, un avis de la Cour suprême comorienne est au centre de l’actualité. Dans une lettre en date du 8 septembre dernier, adressée au gouverneur de la Banque centrale, le ministre des Finances, Saïd Ali Cheyhane, avait ordonné que toutes les recettes soient centralisées sur un seul compte à la Bcc. Il citait la constitution de 2018 pour appuyer sa décision. Cela avait conduit à la fermeture des comptes insulaires. Estimant que la gestion des comptes leur revenait, les secrétaires généraux de Bonovo et Mrodju avaient écrit à la Cour suprême.
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Le 26 septembre dernier, la chambre administrative de la Cour suprême avait répondu ainsi : «Il est constant qu’à ce jour, les nouveaux collaborateurs des gouverneurs ne sont pas nommés alors que la disparition des commissaires, responsables des services des gouvernorats, laisse un vide institutionnel interrompant ainsi le fonctionnement régulier desdits services. En attendant la nomination des nouveaux collaborateurs des gouverneurs des îles, il est de règle, que les commissaires continuent à assurer les affaires courantes», écrivent les responsables de la Cour.
Aucune contrainte
La question que tout le monde se pose est la suivante : que représente cet avis ? Porte-t-il un aspect d’obligation ou se résume-t-il à la définition attribuée au mot «avis» dans les lexiques ? Les points de vue des juristes que nous avons interrogés semblent converger vers une même conclusion : «cet avis n’est pas contraignant». C’est le cas d’Abdou Elwahab Msa Bacar. «Il faut savoir qu’on est pas dans un contentieux. C’est juste qu’il est permis aux autorités de consulter la section consultative de la Cour suprême et d’avoir l’assistance de celle-ci dans la confection des lois, règlement et ordonnance», a expliqué cet avocat. Il évoquera l’article 166 de la loi organique relative à la Cour suprême, qui prévoit la consultation de cette section par les autorités administratives de l’Union et des îles sur des difficultés en matière administrative. «Comme l’ont fait les commissaires aux Finances aujourd’hui», illustrera-t-il. L’alinéa 2 de l’article sus-cité, définit le caractère émanant d’une telle requête : il est facultatif, tranche notre juriste. Pourquoi il n’est pas contraignant ? L’avis de la saisine était pour un avis et non un contentieux a souligné un juriste de la Cour suprême. «Il s’agit d’une consultation, raison pour laquelle consulter pour l’avis ne revêt aucune force coercitive», a martelé Abdou Elwahab.
Me Moudjahidi Abdoulbastoi abondera de son côté dans le même sens. Par contre, lui, il soulève quelques irrégularités concernant la personne habilitée à reformuler ce genre de requête.
Saisir la chambre contentieuse
«D’emblée, les secrétaires généraux des gouvernorats n’ont pas les compétences pour saisir la chambre consultative pour avis. Une prérogative entrant dans les champs de compétences administratives respectifs des commissaires et les gouverneurs. Ils sont les autorités insulaires autorisées à le faire. La chambre devait refuser de se prononcer», argumente-t-il. Selon cet avocat, il n’y a pas lieu de s’appuyer sur un avis pour faire foi à un droit quelconque. Avant de conclure que «un avis reste un avis». Les autorités demanderesses devraient garder en secret la décision. «Ces avis n’ont pas vocation à être publiés», déplore Moudjahidi. Quelle option les auteurs de la requête devaient-ils choisir ? A ce propos, nos interlocuteurs ont avancé des procédures. Ils auraient dû attaquer l’acte pris par le gouvernement devant la chambre contentieuse à les en croire. «Une décision exécutoire en découlerait, pour avoir une résolution ayant un aspect astreignant», propose Abdou Elwahab avant d’ajouter qu’il faudrait saisir la cour en matière de contentieux. «S’ils estiment que la question est constitutionnelle, ils peuvent directement se tourner vers la Cour. Ou s’ils pensent que la difficulté est administrative, ils sont libres de saisir la chambre administrative du tribunal de première instance», a-t-il suggéré.